Témoignage d'André sur la vie du quartier St-Martin / Kerigonan dans les années 50
Je suis né au 31 rue Bugeaud en juillet 1941 et j’ai déménagé dans le quartier de Kérigonan au mois de décembre de la même année.
Dans le cadre des 80 ans du Patronage Laïque Guérin, on m'a proposé de faire partie d'un groupe appelé 80 ans d'histoires à partager.
Voici quelques uns de mes souvenirs concernant le patro, la cité Kérigonan et le quartier Saint-Martin.
Sommaire
Mon activité favorite : le football
J’avais 8 ans quand j’ai porté le maillot de l’équipe de football de l’Etoile Rouge. C’est le nom que portait le PL Guérin avant 1950.Le maillot était marron chocolat avec l’étoile rouge sur le cœur. Le foot, c’était l’activité la plus fréquente à l’époque. C’était mon dada, j’ai joué au foot jusqu'à l’âge de 50 ans. L’équipe de football du PL Guérin jouait au stade Yves Manach, situé à l’endroit de l’actuelle entreprise Renault, route de Paris. Lorsque je suis revenu du service militaire en 1963, il n’y avait plus de stade. Il a dû être détruit dans les années 61 / 62. Il y a eu dissolution de l’équipe de foot du PL Guérin et les gens sont partis jouer à Coataudon. Moi, je suis allé jouer avec les gars de Saint Majans à Plouguin.
L’entrainement sur le stade Yves Manach avait lieu le mardi et le jeudi soir. Tous les samedis, on allait chercher les convocations au petit bar pour savoir qui jouait (équipe A ou B), connaître le lieu et l’heure du match. Le petit bar était le siège de l’équipe de foot du PL Guérin. Il était tenu par Madame Stéphan. Il porte aujourd’hui le nom de Triskell Bihan, à l’angle de la rue Bugeaud et de la rue Massillon, place Guérin.
C’est grâce au football que j’ai rencontré ma femme, qui habitaient place Strasbourg. Ses copains et voisins jouaient au foot avec moi… Ils se demandaient bien pourquoi elle est venue chercher si loin son copain ! Ils essayaient de la dissuader en lui faisant peur car les gars de la cité de Kérigonan avaient mauvaise réputation.
Je suis toujours copain avec une partie de mes anciens coéquipiers : on est 4 couples à se retrouver régulièrement pour manger ensemble le dimanche.
La garderie du PL Guérin pendant les vacances
On allait très souvent au vallon (qu’on appelle Stang Alar aujourd’hui) et à la plage de Saint-Marc. On y allait à pied. Ça nous prenait une heure de marche à pied du PL Guérin jusqu’à la grève. Et en chantant s’il vous plait ! Ce qui est sûr, c’est qu’on dormait bien le soir !
Une fois par semaine, on partait faire un pique-nique. C’était souvent une sortie en car. On allait aussi au Fret en bateau, accompagnés des moniteurs et monitrices, tous bénévoles.
Quand il faisait mauvais, on faisait du ping pong ( on ne parlait pas de tennis de table à cette époque) à l’abri dans les locaux de Kérigonan. On jouait aussi à touche touche, à la salade qui traine …
Mes souvenirs d’écoliers
Dans les années 50, les écoles n’étaient pas mixtes. L’école maternelle des garçons était située rue Bugeaud et l’école primaire place Guérin comme l’actuelle École Guérin. L’école des filles était elle située dans l’immeuble Proud’hon. Il n’y avait pas beaucoup de rapports entre garçons et filles à cette époque. Le PL Guérin nous permettait de nous rencontrer et de faire des activités ensemble.
Je jouais aux billes à l’école et sur la place Guérin avec mes camarades. On jouait aussi à reproduire le tour de France avec des capsules. Pour la fête des écoles, Chaque classe défilait avec son maitre : chaussettes blanches, chemises blanches, shorts bleus, il fallait être impeccable. Si ce jour-là, un enfant se trompait dans la couleur d’un de ses vêtements, il était exclu du défilé ! Ça ne rigolait pas ! A l’époque, la discipline était très importante, les maitres étaient durs.
On allait s’entrainer le samedi après-midi au stade Yves Manach avec les maitres d’école. Les gens aimaient nous voir passer à pied pour nous entrainer pour la fête des écoles. On chantait très fort sur le chemin du stade.
Je me souviens aussi que le PL Guérin faisait un char pour la kermesse de l’école.
Dans les années 50, le quartier de Kérigonan, c’était la campagne
Un grand terrain de jeux pour les jeunes qu’on était ! On se donnait rendez-vous au blockhaus pour jouer au football. Notre fief était situé derrière un bistrot appelé « le repos de la côte ». Ce bar, tenu par madame Rolland, était nommé ainsi car il était situé dans la côte de l’allée verte, aujourd’hui appelée rue Mathieu Donnart.
Je me souviens aussi d’un jeu nommé la pilouette : il se joue avec un manche à balai et un morceau de bois pointu de chaque côté. C’est un jeu compliqué qu’on pratique à 20 ou 30 enfants. Je me souviens qu’une fois, la pilouette a atterri dans la soupière du concierge. On l’appelait père charité et habitait au n°1 cité Kérigonan.
Le quartier Kérigonan était un quartier très vivant, aujourd’hui, c’est mort ! Il y avait des commerçants, des bistrots. Je me souviens de la boulangerie Pétillon située place de la Paix (place Nicolas Appert aujourd’hui) et de la boucherie Abgrall cité Kérigonan. Je me rappelle aussi du carnet de dettes chez l’épicier Corentin Rolland. Il y avait aussi un cordonnier, un marchand de miel et une usine de savon de Marseille en sous sol rue de la Vierge, actuellement rue Glasgow. Le coiffeur Quiviger offrait une coupe gratuite aux enfants des grévistes de l’arsenal.
Un match entre célibataires et mariés de Kérigonan avait lieu chaque année. On allait casser la croute ensemble après le match.
Les fêtes au PL Guérin
Le PL Guérin, ce n’était pas seulement des activités sportives. J’aimais beaucoup aller au bal le samedi soir ; tous les gens du quartier s’y retrouvaient, sans limite d’âge. Les plus jeunes avaient 10/12 ans et se mêlaient aux plus anciens.
J’avais 15, 16, 17 ans, et on se retrouvait avec les copains et les copines au bal pour danser la valse, le tango, le slow, le paso doble, la marche… Il y avait aussi la Clique : une troupe de musique jouant du clairon, du tambour, la grosse caisse, de la trompette… Cette troupe intergénérationnelle se réunissait pour tous les événements de la vie du quartier : fête des écoles, bals,…
Il y avait aussi la troupe théâtrale qui donnait des représentations le samedi soir au PL Guérin. Jo et pastis étaient les stars de l’époque. Ils formaient un duo de clowns unique, connu dans tout Brest. Je me souviens que Jo travaillait à l’Arsenal.
Gégène et marie étaient les concierges dans les années 50 / 60. Ils chantaient pour animer les soirées au PL Guérin : « elle a perdu son berlingot »
Lavoir de la rue Conseil
Ma mère allait au lavoir de la rue Conseil tous les lundis avec sa poussette, et la lessiveuse dessus. Je l’accompagnais pour l’aider à la pousser.
Là bas, les femmes avaient leurs caisses en bois, fabriquées par leurs maris. Ma mère mettait un petit coussin pour protéger ses genoux quand elle lavait son linge. Au lavoir, chacun avait sa place : c’était la bagarre si quelqu’un s’installait à la place d’une autre. On voyait toujours les mêmes et ça causait ! On appelait ça radio lavoir. Le poste de police était en face et alimentait les conversations.
Ma mère mettait son linge à sécher à Kérigonan et faisait son repassage le mercredi. On était nombreux à la maison, ça faisait beaucoup de linge à laver. C’était très fatigant, pourtant, elle n’a jamais voulu de machine à laver le linge.
Voir aussi
- Témoignage d'une figure du PL Guérin : Guy Salou
- La naissance d'une étoile...Rouge (ou les origines du PL Guérin)
- Témoignage d'Andréa Cousteaux : utilisatrice du lavoir de Saint Martin
- Témoignage de Marguerite Sire : La vie du quartier de Saint-Martin à Brest pendant la guerre
- Modélisation de l'immeuble Proudhon à Brest
- Modélisation du lavoir de la rue Conseil à Saint-Martin
- Histoire du quartier de Saint-Martin
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