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Monsieur R., poudrier, employé SNCF

Rencontre avec Monsieur R., poudrier, employé SNCF à la maison de retraite Louise Le Roux. Entretien réalisé par Léna Madec et Matthieu Colin.




Quel métier vous avez exercé ?

Quels métiers ? J'ai fait les deux, j'étais ajusteur-tourneur. Oui, je suis sorti à 18 ans de l'école alors... Je suis rentré comme ajusteur-tourneur à la poudrerie du Moulin Blanc. Il existait une poudrerie avant. C'était la première fabrication de la poudre qui se faisait là. Alors en 39, comme je suis rentré en 37, la guerre s'est déclarée, je suis parti, j'avais juste 20 ans et au retour de la guerre vers les 45/46, j'ai fait ma demande pour entrer aux chemins de fer. Si bien que j'ai fini ma vie aux chemins de fer. Parti en retraite en 73.


Et vous avez fait quelle formation d'abord ? Quelles études vous avez faites avant vos 18 ans ?

Avant mes 18 ans je suis rentrée en pension. J'étais en pension pendant près de 5 ans. Je suis sorti à 18 ans et à la sortie à 18 ans j'ai retrouvé tout de suite du travail vu les essais que j'ai faits quoi...


Et ensuite vous avez eu une formation pour devenir cheminot ou vous êtes rentré d'abord et vous avez appris sur le tas ?

Comme cheminot j'ai appris sur le tas. Et quand je suis entré à la poudrerie, j'ai appris sur le tas aussi. Les mécaniciens, on faisait tourneur et fraiseur... puis alors on allait de dépôt en dépôt, faire des dépannages aussi, quand il y en avait besoin.


Et en tant que cheminot, qu'est-ce que c'était que votre poste exactement ?

Comme autre poste j'ai conduit des machines à charbon au début. Parce qu'au début il n'y avait que des machines à charbon encore. Il n'en restait même pas beaucoup. On a reçu après d'Amérique quelques unes. Des « R » à charbons, à fuel aussi. Puis ensuite je suis remonté sur des diesels après, quand on supprimé le charbon, on est parti sur diesel, j'ai terminé sur le diesel.


Et vous étiez cheminot ici à Brest ?

J'ai débuté à Quimper. J'ai d'abord débuté à Quimper. De Quimper j'ai été nommé à Auray et de Auray j'ai fait une demande pour venir à Brest comme ajusteur tourneur comme il en manquait ici. Alors je suis venu ici à Brest. Alors pendant que j'étais à Auray j'ai fait pas mal de déplacements. Pas mal de déplacements en machine à vapeur. Alors j'étais du côté de Achères, à côté de Paris. De Achères je suis parti à Rouen et de Rouen je suis parti au Havre et tout ça sur des machines à charbon. On faisait Paris, Paris-Cherbourg, Paris-Dieppe, Paris-Fécamp. On faisait des longs et des petits parcours, ça dépendait des machines. On tournait sur des 030, après j'ai eu des Pacific, on a roulé sur des Pacific qui avaient 4 essieux et puis on a roulé sur des Buten qui étaient beaucoup plus grands, ils faisaient 5 essieux. Puis alors le charbon ça défilait à ce moment-là.


Et est-ce que vous trouvez que ça a beaucoup changé entre l'époque où vous travailliez et aujourd'hui ?

Ca a changé, la mentalité n'est pas la même. C'est plus du tout pareil, oh non... On s'aidait davantage. On était beaucoup plus soudés. Oh oui ! Beaucoup plus intéressant. Tandis que maintenant, chacun pour soi. On était beaucoup plus solidaires quoi, oh oui.


Et vous vous êtes fait des amis, des connaissances que vous avez gardés après ?

On faisait des connaissances un peu partout, on faisait des connaissances quand on était en déplacement, on faisait des connaissances puisqu'on mangeait dans les réfectoires, on mangeait en même temps. Alors on allait faire quand on arrivait... parce qu'on n'avait pas toujours des repos à la maison la plupart des repos se trouvaient à l'extérieur en plus alors il fallait faire ses courses, on faisait sa cuisine soi-même, alors on arrivait mettons à 8 heures ou on arrivait à 1 heures ou à 11 heures le soir, on se faisait cuire un bifteck, on se fait à manger quoi.


Vous étiez logé où dans ces cas-là ?

On était logés au dépôt, au dépôt-même. Avant on avait des chambres, des chambres à deux lits dans les dépôts, avec cuisine, enfin on avait tout ce qu'il fallait quand même.


Et qu'est-ce que c'était une journée type, quand vous étiez cheminot, une journée classique ? Oui, vous commenciez à quelle heure... ?

Ben... ça ça dépendait du trafic alors on nous commandait. On nous envoyait une commande à la maison. Alors quelques fois on partait mettons à 8 heures le matin, mettons qu'on partait de Brest... on partait vers les... ça dépendait des heures. Mettons qu'on partait à 8 heures et on mettait 2 heures pour aller de Brest à Quimper. Alors après il fallait changer, de Quimper, il fallait changer pour partir sur Nantes. Il y avait des trains. Puis il y a eu des trains de supprimés, pas mal de trains de supprimés. Maintenant il y a davantage.


Est-ce que vous avez eu un apprenti ? Est-ce que vous avez transmis votre métier à quelqu'un ?

On était toujours à deux n'importe comment. Il y avait le mécanicien et puis le chauffeur.


Mais est-ce que vous avez formé des jeunes ?

Non, on n'en a pas eu. Non à ce moment-là on n'avait pas de jeunes en apprentissage. Non, l'apprentissage se faisait à l'école. Aux chemins de fer, l'apprentissage se faisait à l'école. Il y avait une école à Auray, il y avait une école à Rennes. C'est là qu'on faisait notre apprentissage.


Et donc après l'apprentissage vous étiez directement intégré... ?

Après l'apprentissage, oui, alors pour être intégré il fallait faire l'essai comme je vous ai dit. On rentrait sur essai puis sur examen. Les essais, ça dépendait... on faisait, mettons, un essai d'ajustage et une queue à la ronde. A un essai de tourneur on faisait une quille pour aller en retraite.


C'était sur essai, il y avait une période d'essai ?

On avait une période, on n'était pas titularisé tout de suite hein. On était titularisé au bout d'un an ! C'était pas tout de suite hein...


Et est-ce qu'à l'époque c'était un métier qui était bien vu, qui était valorisé d'être cheminot ? C'était une réussite, c'était un métier sûr ?

Oui, oh oui.


Quand vous étiez ajusteur-tourneur avant, qu'est-ce que vous faisiez concrètement ?

Comme tourneur ? Oh, on faisait pas mal de choses, on faisait des coussinets pour les bielles, on faisait pas mal de choses.


Des petites pièces ?

Ouais, pas mal de petites pièces, même des grosses pièces quand il fallait faire le levage d'une machine, quand il fallait changer les roues d'une machine et tout ça. Là il fallait refaire les coussinets. Mais les coussinets se faisaient sur une grande machine et les coussinets étaient enrobés, c'était de l'antifriction qu'il y avait dessus... Tout ça c'est compliqué.


Est-ce que vous savez ce qu'est devenue la poudrerie ?

La poudrerie a été rasée. Ah oui. Là je suis rentré, pareil, sur essai. Alors c'était la première préparation de la poudre, c'était de la poudre de guerre. Et la première préparation c'était des balles de coton qu'on recevait. Ce coton-là, on le mettait dans des essoreuses avec de l'acide sulfurique et une fois qu'il avait passé pas mal d'heures de brassage, il passait dans des mélangeurs où cette poudre était de nouveau lavée. Une fois bien lavé, il passait dans une presse où il était mis en bloc, en carrés et de là il était expédié -parce que la préparation ne se faisait pas directement ici, au Moulin Blanc- il était expédié au Pont-Buis, à la poudrerie de Pont-Buis où il recevait un autre traitement, un traitement d'éther et d'alcool. C'est de là que sortait un peu la poudre, si vous voulez. La poudre sortait soit en lamelles soit en poudre, ça dépendait. Et la poudre était transportée ici à... comment qu'on appelle ça... elle était envoyée à la pyrotechnie de Saint-Nicolas où était fabriqués les obus. Et les obus étaient chargés là. Et alors les remorqueurs venaient de l'Arsenal pour ravitailler les bateaux de guerre qui se trouvaient en poste là. Il y avait des cuirassés, il y avait des escorteurs d'escadres qui n'existent plus maintenant. Maintenant c'est des frégates, ça a changé.


Et pendant la période de la guerre, en 39-45, vous avez été mobilisé ou vous avez continué à travailler ?

J'étais mobilisé là oui. Et une fois démobilisé, j'ai commencé à travailler. Tout de suite après la guerre. Il n'y a pas eu de chômage, il n'y a pas eu d'arrêt. Et même à la sortie de l'école c'était pareil. Je suis sorti de l'école en 1937, aussitôt j'ai trouvé du travail. Jusqu'en 39 et en 39, j'étais mobilisé, j'avais 20 ans, bon ben je suis parti... Et démobilisé en 45.


De 46 à 73 vous avez fait toute votre carrière de cheminot ?

De 46 jusqu'à 73 oui. J'étais en retraite en 73. Mais comme on avait des enfants encore à la maison, ben il fallait travailler parce que la retraite n'était pas formidable non plus alors il a fallu recommencer à travailler. Si bien que j'ai fait ma demande et que je suis rentré de nouveau chez Meunier. L'entreprise Meunier qui font pas mal de... c'est une grande boîte. Chez SDMO c'est eux qui font beaucoup les... ceux qu'ils emploient maintenant depuis la forêt des Landes depuis la tempête... des... des groupes électrogènes. Ils font beaucoup de groupes électrogènes. Alors là j'ai travaillé 6 ans, jusqu'à 60 ans. Les enfants sont partis de la maison, alors j'ai dit j'arrête.


Et qu'est-ce que vous faisiez, vous construisiez les groupes électrogènes ?

Moi je travaillais beaucoup sur les moteurs, surtout sur les culasses, sur les culasses de voiture, sur les culasses de camion, ça dépendait. Alors on changeait les soupapes, on changeait les guides, on changeait... enfin il y a pas mal de choses à faire sur les culasses. En même temps je passais sur la machine pour surfacer, pour le surfaçage des culasses pour le mettre bien plat et qu'il n'y ait pas de fuite. Voilà on a fait un peu de tout, on était polyvalent. Il fallait tout savoir !


Quand vous étiez cheminot, vous avez parlé des différentes machines sur lesquelles vous étiez...

Oui, on a fait différentes machines. Il y a eu celles à charbon, fuel... Il y a les machines à charbon puis après les diesels et les TGV après.


Et vous avez vu la disparation des machines ?

J'ai vu la disparition du charbon oui !


Vous vous souvenez à quelle époque c'était à peu près ?

C'était en... dans les années 60 par là. Peut-être avant même... Je ne me rappelle plus. C'était des « R » qu'on appelait ça. C'était des machines à charbon qui ont été transformées en fuel. Du charbon on les a mis en fuel. Le charbon venait directement du tander par une vis sans fin qui projetait le charbon en jet dans le foyer si vous voulez. Et quand il s'est remis au fuel, c'était exactement pareil. Le fuel était projeté dans le foyer. Enfin, c'était moins fatiguant.


Et quand vous dites fuel, c'est comme le diesel ou c'est différent ?

Le fuel c'était pas du tout comme le diesel hein. Non, les machines autrement c'était exactement la machine à vapeur et exactement comme la machine à charbon. Il y avait juste la transformation du charbon en fuel, c'est tout. Autrement, la mécanique, c'était la même chose.


Vous avez travaillé aussi sur les TGV ?

Non je n'ai pas travaillé sur les TGV, j'étais parti en retraite.


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