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Jean Cras

Jean Cras en uniforme avec son chat Bleu-Nial en 1902.

Jean Cras (prononcer Crasz) est un officier de marine et compositeur français, né le 22 mai 1879 à Brest où il est mort le 14 septembre 1932, emporté en trois jours par une maladie foudroyante.

Sa vie et son œuvre

Son père, médecin en chef de marine et sa mère partagent une même passion : la musique. Baigné dans une atmosphère musicale, il ne peut qu'être sensible à la musique et compose sa première œuvre à l'âge de 13 ans et excelle en tant que pianiste.

Élève doué, il entre à l'École navale à 17 ans. En 1898, sorti 4e sur 70 du Borda, il s'embarque. Il consacre ses heures de loisirs à composer et en 1899, il possède, déjà, dans ses tiroirs, une messe, des motets, un trio intitulé Voyage Symphonique.

En 1900, une profonde et étroite amitié s'établit avec Henri Duparc qui le considère comme « fils de (son) âme » et il devine ce qu'il y a de profond dans cette nature ardente, dans ce regard transparent. Lors d'un nouvel embarquement, Henri Duparc lui remet un viatique : les quatuors de Beethoven pour qu'il s'en pénètre. Il a su concilier cette double existence de marin et de musicien, passionnément épris de ce double métier qu 'évoque le monument élevé sur le cours d'Ajot à Brest.

Le 23 janvier 1906, il épouse, Isaure Paul, une femme très compréhensive tant sur le plan musical que professionnel et lui donne quatre enfants : Isaure, Colette, Monique (1910-2007) et Pierre.

Pendant deux ans, il est professeur d'« archinav » (architecture navale) à la Baille, surnom donné par ses élèves, les « Bordaches », à l'École navale. Il invente alors une règle qui porte son nom, la règle Cras. Ce génial double rapporteur transparent, permet de tracer une route ou de porter un point par relèvements sur une carte marine (encore en usage, elle commence à tomber en désuétude depuis l'apparition de la navigation assistée par GPS). Sur le contre-torpilleur Cassini, il met au point un appareil qui facilite la transmission de signaux électriques rendus obligatoires sur tous les navires de guerre.

Jean Cras est qualifié d'officier de premier ordre par l'amiral Auguste Boué de Lapeyrère dont il devient l'aide de camp après avoir été breveté d'état-major. Il sauve un matelot de la noyade après une explosion et se distingue tout au long de la guerre en Adriatique. Sa conduite héroïque lui vaut une citation à l'ordre de l'armée et son quatrième galon. Durant la guerre, et tandis qu'il prenait part au blocus des côtes dalmates, il achève la partition de son opéra Polyphème, drame d'Albert Samain représenté à l'Opéra-Comique le 22 décembre 1922.

À bord du cuirassé Provence qu'il commande comme capitaine de vaisseau (1927-1929), il écrit à André Himonet : « J'essaie de mettre à profit les années où je suis à la mer pour travailler le plus possible, les conditions étant d'ailleurs particulièrement favorables à une production avant tout sincère et non sollicitée, impressionnée par ce qui s'écrit. » Ces quelques lignes peuvent servir d'épigraphe au Journal de bord que Rhené-Baton dirige chez Pasdeloup en 1928. Cette suite symphonique se divise en trois parties :

  • 1°) quart de huit à minuit : houle au large, ciel couvert se dégageant au coucher du soleil, rien en vue,
  • 2°) quart de minuit à quatre : très beau temps, mer très belle, rien de particulier, clair de lune,
  • 3°) quart de quatre à huit : la terre en vue, droit devant.

Cette musique est simple, exempte de littérature et laisse place à l'expression de l'âme, à une méditation solitaire dans la nuit.

Il embarque toujours son piano droit sur chacun des navires à bord desquels il sert car : « Composer, c'est pour moi obéir à une volonté supérieure, qui me dicte ses volontés et que je sers avec l'ivresse de l'humble disciple dont le seul but est d'exécuter le mieux possible les ordres de son maître. »

Le 6 février 1932, Colette Cras, sa fille (future épouse du compositeur Alexandre Tansman), exécute le Concerto pour piano et orchestre aux Concerts Pasdeloup sous la direction de Désiré-Émile Inghelbrecht. Dans cette œuvre, le piano est considéré non dans un esprit de virtuosité mais dans un dessein de musicalité pure.

On retrouve une même originalité dans les Trois Noëls (Concerts Colonne, 1930) inspirés par le Pèlerin d'Assise de Léon Chancerel et dont le premier, la Plainte d'Adam, avec la réplique constante de l'Ange, est un chef-d 'œuvre ; mais le deuxième, le Dialogue de Joseph avec le mauvais hôtelier ne vaut guère moins, si parfaitement expressif de toute la détresse humaine. Et le dernier, l'Adoration des Bergers, brille d'une lumière et est marquée d'une sorte de gravité mystique.

Il a également, composé un Quintette pour harpe, flûte et trio à cordes ; un Quintette pour piano et cordes ; un Quatuor (A ma Bretagne) et un Trio à cordes ; diverses pièces pour flûte et harpe, violoncelle et piano, pour violon et piano, des mélodies : Fontaines sur des poèmes de Lucien Jacques, la Flûte de Pan sur un autre poème du même auteur, le Rubayiat d'Omar Khayyan, l'Offrande lyrique de Tagor et puis un recueil de trois petites pièces pour six petites mains , Âmes d'enfants recueil pour piano.

Sa musique n'a pas fait école. Il a su allier la rigueur de la Schola Cantorum à la mélodie libre, naturellement limpide à la manière d'un Debussy. C'est un mélodiste comme son maître Henri Duparc. Ses influences sont sa terre natale, la Bretagne, les contrées qu'il a explorées (notamment l'Afrique) qui lui valent le surnom de Pierre Loti de la musique et, bien entendu, son ami et professeur : Henri Duparc.

Son œuvre maîtresse est sans aucun doute Polyphème qui est, selon la légende, l'aîné des cyclopes, fils de Poséïdon et de la nymphe Thoosa. Albert Samain humanise son Polyphème en le faisant renoncer à faire rouler sur Galatée le quartier de roc destiné à broyer le couple (Acis et Galatée) et, en définitive, il s'aveugle et se jette dans la mer afin d'y trouver la mort car « leur bonheur m'épouvante ». On peut entendre une très belle version de cet opéra chez Timpani 3CD3078 - Chœur Régional Vittoria d'Ile de France (Michel Piquemal) et l'Orchestre Philarmonique du Luxembourg sous la direction de Bramwell Tovey. Un concert spectacle, Le Pacha, son Piano et la Mer, en visio-acoustique (film et piano) autour ses œuvres, a été réalisé par Laurent Minier et interprété par Jean Dubé au sein de l'État-major de la Marine à Paris en mars 2005.

Il termine sa carrière maritime avec le grade de contre-amiral et major général du port de Brest.

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