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Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, L II Ch III

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LIVRE II CHAPITRE III


Récit abrégé de ce qui arriva à la Pinque Anne, pendant qu'elle fut séparée de nous ; du naufrage du Wager ; et du retour de la Séverne et de la Perle.


Dans le tems que la Pinque Anne parut à notre vue , nous fumes surpris de voir que l'Equipage d'un Vaisseau, qui arrivoit au rendez-vous deux mois après les autres, fût en état de faire la maneuvre sans donner le moindre signe de foiblesse ; mais nous en sumes la raison dès qu'il eut jetté l'ancre. Nous apprimes alors qu'il avoit été en relâche depuis le milieu de Mai, c'est-à-dire, près d'un mois avant que nous fussions arrivés à l'Ile de Juan Fernandez : desorte que, excepté le risque de faire naufrage, l'Equipage de ce Vaisseau avoit beaucoup moins souffert que tous les autres Equipages de l'Esquadre. Suivant le rapport que ceux de l' Anne nous firent, ils se trouvèrent à quatre lieues de terre, le 16 de Mai, à 45° 15' de Latitude Sud. Ils virèrent ensuite de bord et portèrent au Sud, mais leur voile de Perroquet de Misaine vint à se déchirer, et le vent étant O. S. O. ils dérivèrent vers la terre. Le Capitaine, soit qu'il craignît de ne pouvoir se soutenir contre le Vent, soit, comme quelques-uns le crurent, qu'il fût las de tenir la Mer, porta vers la Côte, dans le dessein de trouver quelque abri, entre les Iles qui sont là en grand nombre. Effectivement, la Pinque eut le bonheur, en moins de quatre heures, de trouver un Ancrage, à l'Est de l'Ile d' Inchin ; mais ne s'étant pas placée assez près de l'Ile, et l'Equipage n'étant pas assez fort pour filer du Cable, aussi vite qu'il étoit nécessaire, ils furent poussés à l'Est, la profondeur de l'eau allant en augmentant de vingt-cinq brasses à trente-cinq. Ils continuèrent à dériver, et le lendemain 17 de Mai, ils jettèrent la maitresse ancre, qui les soutint quelque tems ; mais le 18 ils chassèrent encore sur leurs ancres, jusqu'à ce qu'ils se trouvèrent à soixante-cinq brasses d'eau et à un mille de terre. ils ne s'attendoient alors qu'à échouer, dans un endroit où la Côte paroissoit fort haute et fort escarpée, sans qu'ils vissent aucun moyen de sauver le Vaisseau, ni sa charge. Leurs Chaloupes faisoient beaucoup d'eau, et ils ne voyoient aucun lieu, où ils puissent aborder, desorte que tout l'Equipage, consistant en seize personnes, Matelots ou Mousses, se regardoit comme perdu et sans ressource, d'autant plus que si quelqu'un d'eux contre toute apparence, eût pu gagner le rivage, ils ne doutoient pas qu'il ne fût massacré par les Indiens de ce Païs, qui ne connoissent d' Européens que les Espagnols, à qui ils ne font point de quartier. Cependant la Pinque, s'approchoit toujours de ces Rochers terribles qui formoient la Côte, jusqu'à ce qu'enfin, dans le tems que l'Equipage ne s'attendoit qu'à un naufrage certain, ils apperçurent une petite ouverture entre les terres, qui leur donna une lueur d'espérance. Ils coupèrent d'abord les cables de leurs deux ancres, et mirent le Cap vers cette ouverture, qui se trouva l'entrée d'un Canal étroit entre une Ile et le Continent, et qui les mena à un Port excellent, aussi sûr et aussi tranquille qu'on en puisse trouver. C'est ainsi que dans peu de momens, ces gens passèrent d'une situation, où ils n'avoient devant les yeux qu'une mort inévitable, à une autre où ils trouvoient la sureté, le repos et des rafraichissemens.

La Pinque mouilla dans ce Port à vingt-cinq brasses de fond avec une simple Hansière et une petite ancre de trois cens livres. Elle y resta près de deux mois, et l'Equipage, qui étoit attaqué du Scorbut, s'y rétablit bientôt, au moyen des rafraichissemens qu'ils y trouvèrent en abondance, et de l'eau excellente que la Terre voisine leur fournit. Comme cet endroit peut être d'une grande utilité à ceux qui navigeront sur ces Côtes ou qui peuvent y être jettés par les vents d'Ouest, qui règnent presque continuellement dans ces Parages, je vais donner la meilleure description qu'il me sera possible de ce port, de sa situation et de ses avantages.

Pour faciliter la connoissance de cet endroit à ceux qui voudront y relâcher à l'avenir, je joins ici le Plan de la Baye, où la Pinque chassa sur ses ancres, et du Port même qui s'ouvre dans cette Baye. Ce plan n'est peut-être pas aussi exact qu'il seroit à souhaiter ; il est dressé sur les mémoires et sur les esquisses grossières du Maitre et du Chirurgien de la Pinque, que je ne crois pas de fort habiles Dessinateurs. Cependant comme les principaux points sont placés suivant l'estime de la distance où ils sont entre eux, et que nos Marins sont fort experts dans cette sorte d'estime ; les erreurs ne peuvent pas être fort considérables. À la vérité la Latitude, qui est pourtant un article très important, n'en est pas fort certaine, ces gens n'ayant point fait d'observation, ni le jour qui précéda leur entrée dans ce Port, ni celui qui suivit leur sortie. Cependant cette latitude ne sauroit être fort éloignée des 45° 30' Sud, et la grandeur de la Baye fait que l'incertitude, qu'il y a sur ce sujet, est moins importante. L'Ile d' Inchin qui est devant cette Baye, est apparemment une des Iles des Chonos que les Géographes Espagnols marquent en grand nombre le long de cette Côte. Elles sont habitées au rapport des mêmes Géographes, par un Peuple barbare, fameux par sa haine pour les Espagnols, et par les cruautés qu'il exerce sur ceux de cette Nation qui lui tombent entre les mains. Il se pourrait bien que ce que nos Gens prirent pour le Continent fût aussi une Ile, et que la Terre ferme fût beaucoup plus reculée à l'Est. Les profondeurs de l'eau, dans les différens endroits du Port, sont suffisamment marquées dans ce Plan, aussi bien que les Canaux par où le Port communique avec la Baye. Mais il est bon d'avertir qu'il y a deux endroits propres à caréner les Vaisseaux, l'eau y étant toujours tranquille : on trouve aussi plusieurs Ruisseaux d'une eau excellente, qui tombent dans le Port, et dont quelques-uns sont si heureusement disposés, qu'on y peut remplir les futailles dans la double Chaloupe, par le moyen d'une écope. Le plus considérable de ces Ruisseaux est celui qui est marqué dans le Plan au N. E. du Port. Nos Gens trouvèrent quelques Poissons. dans ce Ruisseau , et sur-tout quelques Mulets d'excellent goût ; et ils furent persuadés que dans une meilleure saison, il étoit beaucoup plus poissonneux. Les principaux rafraichissemens qu'ils trouvèrent en cet endroits étoient des Plantes, telles que le Céleri sauvage, les Orties, et des Coquillages, tels que des Pétoncles et des Moules d'une grandeur extraordinaire et d'un très bon goût ; des Oyes en grande quantité, des Mouettes, et des Pengouins. Tous ces mets étoient exquis pour des gens qui avoient tenu la Mer si longtems. Le Climat ne paroissoit pas rude, quoiqu'on fût au milieu de l'Hiver : les Arbres et le Gazon offroient encore quelque verdure aux yeux : et dans l'Eté, on y trouveroit sûrement plusieurs rafraichissemens qui y manquoient alors. N'en déplaise aux Auteurs Espagnols qui ont parlé des Habitans de ces Iles, nos Gens eurent lieu de croire qu'ils ne font pas à beaucoup près aussi redoutables qu'on les a dépeints, ni par leur nombre ni par leur cruauté. Un autre avantage de ce Port, c'est qu'il est fort éloigné des Etablissemens des Espagnols, et si peu connu d'eux, qu'avec un peu de précaution, un Vaisseau pourroit y séjourner longtems sans qu'ils en eussent connoissance. De plus c'est un lieu de facile défense ; car si on étoit en possession de l'Ile qui forme le Рort, et qui n'est accessible que par peu d'endroits, on pourroit avec peu de forces, garder ce poste contre tous les efforts dont les Espagnols sont capables dans ces Quartiers. Cette Ile est aussi presque par-tout escarpée du côté du Port, et on a six brasses d'eau tout près de la Côte, desorte que la Pinque étoit ancrée à vingt toises de terre : et il seroit difficile de couper ou d'aborder au Vaisseau protégé à cette distance, par des gens bien postés à terre, dans un lieu presque inataquable. Tous ces avantages rendent ce lieu digne d'être reconnu avec plus d'exactitude et d'attention, qu'il ne l'a encore été ; et il est à espérer que l'usage, dont il peut être, n'échapera pas à l'attention du Public et de ceux qui ont la direction de notre Marine.

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Cette Description devroit naturellement être suivie du récit des découvertes que fit l'Equipage de la Pinque, aux environs de cette Baye, et des avantures de ces gens pendant deux mois qu'ils y séjournèrent. Mais ils étoient en trop petit nombre, pour détacher une partie de leur monde, et l'envoyer un peu loin. Ils avoient peur et des Espagnols et des Indiens, et n'osant perdre leur Vaisseau de vue, leurs courses se bornoient aux terres qui bordent le Port. D'ailleurs, le Païs des environs est si couvert de Bois et si rempli de Montagnes, qu'il est fort difficile d'y pénétrer ; ainsi ces gens ne se trouvoient pas du tout en état de reconnoitre le dedans du Païs. Tout ce qu'ils en savent, c'est que certainement les Auteurs Espagnols nous en imposent, quand ils représentent cette Côte, comme habitée par un Peuple nombreux et redoutable. Cela n'est sûrement pas vrai, au moins pendant l'hiver, car durant tout le tems que nos gens y restèrent, ils ne virent qu'une seule famille d' Indiens, qui vint dans ce Port en pirogue, environ un mois après l'arrivée de la Pinque. Cette famille étoit composée d'un homme d'autour de quarante ans, de sa femme, et de deux enfans, dont l'aîné pouvoit avoir trois ans, l'autre étoit encore à la mamelle. Ils avoient apparemment avec eux toutes leurs richesses, consistant en un Chien, un Chat, un Filet à pecher, une Hache, un Couteau, un Berceau, quelques écorces d'arbre pour se huter, un Dévidoir, passablement usé, un Caillou, un fusil à battre du feu, et quelques racines jaunes de très mauvais goût, qui leur servoient de pain. Le Maitre de la Pinque, dès qu'il les apperçut envoya son Canot, qui les amena à bord, où il les retint de peur qu'ils n'allassent le découvrir : il eut soin néanmoins qu'ils ne fussent maltraités en aucune sorte ; pendant le jour ils étoient tout-à-fait libres sur le Vaisseau, et la nuit seulement on les renfermoit, dans le Château d'avant. Ils mangeoient avec l'Equipage, qui en agissoit fort bien avec eux, et on leur donnoit souvent de l'eau de vie, qu'ils aimoient beaucoup, desorte qu'au commencement ils ne paroissoient pas mécontens de la situation où ils se trouvoient : l'homme surtout étoit fort content quand le Maitre le menoit avec lui à la chasse, et paroissoit prendre grand plaisir lorsqu'on tiroit quelque pièce de gibier. Cependant au bout de quelque tems il parut rêveur et inquiet de se voir prisonnier, quoique sa femme continuât dans sa gaieté ordinaire. Cet homme n'étoit nullement sot, et quoiqu'il ne pût parler que par signes avec nos gens, il ne laissoit pas de s'entretenir avec eux , et se montroit en tout curieux et grand faiseur de questions. Il étoit étonné qu'un aussi grand Vaisseau fût monté de si peu de gens, et il en concluoit qu'il falloit qu'il en fût mort beaucoup : ce qu'il exprimoit en fermant les yeux, et en se couchant, étendu sans mouvement sur le Tillac. Mais il donna une toute autre preuve de son génie par la manière dont il s'échapa, après avoir passé huit jours à bord. Ayant remarqué que l'Ecoutille du Château d'avant étoit déclouée, il profita d'une nuit fort noire et orageuse , pour sortir avec sa femme et ses enfans par cette Ecoutille, et les faire passer par dessus les bords du Vaisseau et descendre dans le Canot. Pour empêcher qu'on ne pût le poursuivre, il coupa les Hansières qui retenoient la Chaloupe et sa Pirogue à l'arrière du Vaisseau, et d'abord rama vers terre. Il se conduisit en tout ceci avec tant de diligence et si secrettement, que, quoiqu'on fît bon quart sur le demi-pont, il ne fut découvert que par le bruit de ses rames, dans le tems qu'il s'éloignoit du Vaisseau, et qu'il étoit trop tard pour songer à le poursuivre. D'ailleurs l'Equipage n'avoit plus ni Canot ni Chaloupe, il eut même assez de peine à les ratraper, et l'inquiétude où ils furent à l'occasion de cette perte fut une partie de la vengeance que l' Indien tira d'eux, pour l'avoir retenu malgré lui. De plus il leur donna une alarme bien vive dans le moment qu'il s'enfuit, car ceux qui étoient de quart, au prémier bruit qu'ils entendirent, ayant crié, aux Indiens ; l'Equipage se réveilla en sursaut dans la plus grande frayeur, se croyant déjà assailli par une Flotte de Pirogues armées.

Si l'adresse et la résolution que marqua ce Sauvage avoit été employées pour quelque coup plus important, que la délivrance de sa petite famille, elles auroient suffi pour le placer au nombre des hommes illustres. L'Equipage du Vaisseau lui rendit justice, et fut fâché d'avoir été obligé pour leur propre sureté, à ôter la liberté à un homme qui méritoit leur estime. Quelques-uns d'entre eux, supposant que cet Indien rodoit encore dans les Bois qui sont autour du Port, et craignant qu'il ne manquât de provisions, engagèrent le Maitre à exposer dans un endroit qui leur parut convenable, les vivres qu'ils crurent pouvoir être les plus agréables à leur prisonnier échappé : et ils furent persuadés que cette attention ne lui avoit pas été inutile ; car quelque tems après, on ne trouva plus ces vivres, au lieu où on les avoit mis, et quelques circonstances firent juger que c'étoit lui qui les avoit enlevés.

D'autres cependant conjecturent que cet Indien avoit gagné l'Ile de Chiloé, et craignirent qu'il ne donnât connoissance de leur séjour dans ce Port aux Espagnols, qui pourroient facilement venir les surprendre. A cette occasion, ils obtinrent du Maitre de la Pinque, de supprimer l'usage qu'il avoit établi de faire tirer tous les soir un coup de Canon, par une imitation assez ridicule, de ce qui se pratique sur les Vaisseaux de guerre : c'est une circonstance qui sera rappellée dans la suite. Le Maitre prétendoit que ces coups de Canon rendroit son Vaisseau plus respectable aux Ennemis, en cas qu'il s'en trouvât à portée de les entendre, et qu'ils étoient une marque qu'on étoit sur ses gardes ; mais enfin on lui fit comprendre que sa plus grande sureté consistoit à être bien caché, et que ces coups de Canon ne pouvoient servir qu'à le faire découvrir, et à guider l'Ennemi vers l'endroit où il étoit. Enfin, l'Equipage étant suffisamment remis de ses fatigues, et ayant fait le bois et l'eau, dont ils avoient besoin, ils mirent en Mer, et eurent un passage heureux à l'Ile de Juan Fernandez, où ils arrivèrent le 16 d' Aout, comme on l'a vu dans le Chapitre précédent.

L' Anne fut, comme je l'ai dit ci-dessus, le dernier Vaisseau qui nois rejoignit au rendez-vous. Le reste de l'Escadre consistoit en trois Vaisseaux, la Séverne, la Perle et le Wager, qui nous servoit d'Arcénal. Les deux prémiers nous quittèrent vers le Cap Noir, et nous apprimes depuis, qu'ils étoient retournés au Brézil : de sorte que de tous les Vaisseaux qui avoient gagné la Mer du Sud, il ne nous manquoit que le Wager, commandé par le Capitaine Cheap. Ce Vaisseau avoit à bord quelques pièces de Canon avec leurs affuts de Campagne, quelques Mortiers à la Coehorn[1], des provisions de guerre, et des outils propres pour la guerre de terre. Le Capitaine Cheap savoit que tout cela étoit destiné principalement contre Baldivia que nous avions dessein d'attaquer pour notre prémière entreprise ; il craignit d'arriver le dernier à ce rendez-vous, et qu'on s'en prît à lui, si le reste de l'Escadre se rendoit avant lui devant cette Place, et que cette expédition vînt à échouer, ou à souffrir le moindre délai.

Mais dans le tems, que plein de ces idées, il se pressoit le plus qu'il pouvoit pour gagner le rendez-vous de l'Ile de Socoro, et ensuite celui de Baldivia, il eut connoissance de terre, le 14 de Mai vers les 47° de Latitude Méridionale. Il fit tout ce qu'il put pour s'en éloigner, et dans les mouvemens qu'il se donna pour hâter la maneuvre nécessaire pour cet effet, il eut le malheur de tomber de l'Echelle de poupe, et de se démettre l'épaule. Cet accident mit le Capitaine hors d'état d'agir, et n'avança pas la maneuvre ; outre cela le Vaisseau étoit extrêmement délabré, ainsi l'Equipage ne put jamais lui faire gagner le large ; bien loin delà il dériva de plus en plus vers la Côte, et le lendemain à la pointe du jour il toucha sur une roche cachée, et peu après échoua entre deux petites Iles, à la portée du fusil du rivage.

Le Vaisseau resta entier assez longtems, et l'équipage pouvoit facilement se sauver et gagner la Terre ; mais le désordre s'y mit, et plusieurs d'entre eux, au lieu de penser à leur sureté, et de faire attention au triste état où ils étoient réduits, se mirent à piller, et s'armant des prémières armes qu'ils trouvèrent sous leur main, ils menacèrent de mort quiconque oseroit s'y opposer. Leur fureur s'augmenta encore, par les liqueurs qu'ils trouvèrent à bord, et dont ils s'enivrèrent à tel point, que quelques-uns tombèrent entre les ponts, où l'eau entroit déja, et s'y noyèrent, étant hors d'état de s'en retirer et de gagner les endroits qui étoient encore à sec. Le Capitaine fit de son mieux, pour emmener tout son Equipage à terre, mais il fut obligé d'abandonner ces Mutins, et de suivre ses Officiers et ceux qui furent assez sages pour obéir à ses ordres. Il eut encore la bonté de renvoyer les Chaloupes à bord, et de faire presser ceux qui y étoient restés de penser à leur propre conservation ; mais ses exhortations furent inutiles. Le lendemain, il fit une espèce de tempête, et le Vaisseau paroissant prêt à se briser, les Mutins commencèrent à s'appercevoir du péril qu'ils couroient et à souhaiter d'aller à terre. Leur fureur pourtant ne diminua pas pour cela, car comme la Chaloupe ne venoit pas aussi vite qu'ils le souhaitoient, ils pointèrent une pièce de Canon de 4 livres de balle qui étoit sur le demi-pont, contre la Hute où le Capitaine étoit logé, et tirèrent deux coups dont les boulets passèrent justement au-dessus de cette Hute.

On peut juger par cet échantillon de l'anarchie, et du désordre qui régnèrent parmi ces gens dès qu'ils eurent tous gagné la terre. Ils s'étoient mis en tête que toute autorité des Officiers cessoit par la perte du Vaisseau : et comme ils se trouvoient sur une Côte déserte, où ils ne pouvoient guère s'attendre à d'autres vivres qu'à ceux qu'ils pourroient tirer de leur Vaisseau échoué, cette infortune augmenta encore la discorde parmi eux. Car le travail nécessaire pour sauver ces vivres, l'ordre dans leur distribution, et le soin pour les garder et les conserver manquant également, faute de subordination, la faim d'un côté, les vols et les cachoteries de l'autre, mirent tant d'aigreur et d'animosité entre ces gens, qu'il n'y eut plus aucun moyen de leur faire entendre raison.

A tous ces sujets de division, il s'en joignit un autre sur un point des plus importans dans l'état où ils se trouvoient : il s'agissoit des mesures qu'ils dévoient prendre pour en sortir. Le Capitaine étoit résolu à accommoder les Chaloupes du mieux qu'il seroit possible et à tirer vers le Nord. Il avoit encore une centaine d'hommes en état de servir ; il avoit sauvé du Vaisseau, quelques armes à feu et quelques munitions, et il ne doutoit pas qu'il ne pût se rendre maitre de tout Vaisseau Espagnol tel qu'on les trouve dans ces Mers. Il étoit très probable qu'ils en rencontreroient quelqu'un aux environs de Chiloé ou de Baldivia, et qu'après l'avoir pris, il leur serviroit à se transporter au rendez-vous de Juan Fernandez ; et quand cette ressource leur eût manqué, leurs Chaloupes pouvoient à la rigueur leur suffire pour cette traversée. Mais ce projet, quelque sage qu'il fût, ne plut nullement au plus grand nombre. Ils étoient rebutés par les souffrances et les dangers qu'ils avoient essuyés, et incapables de soutenir plus longtems l'idée d'une entreprise, traversée déja par tant de malheurs desorte que la pluralité des voix alla à allonger la double Chaloupe, et à s'en servir aussi bien que des autres Chaloupes pour tirer vers le Sud, passer le Détroit de Magellan, ranger la Côte Orientale de l' Amérique Méridionale jusqu'au Brézil, où ils ne doutoient pas d'être bien reçus, et de trouver moyen de regagner l' Angleterre. Ce voyage ne pouvoit manquer d'être plus hazardeux et de plus longue haleine, que celui que proposoit le Capitaine ; mais il leur offroit l'idée flatteuse du retour, et l'espérance de revoir leur Patrie ; et cela seul suffisoit pour les attacher opiniâtrement à ce projet. Le Capitaine n'eut donc d'autre ressource que de céder au torrent, et de feindre de se conformer à leur résolution, en gardant par devers soi le dessein d'y apporter tous les obstacles secrets qu'il pourroit : en particulier il tâcha de diriger l'ouvrage qu'on faisoit pour allonger la double Chaloupe, desorte que ce bâtiment, quoique propre à la traversée jusqu'à l'Ile de Juan Fernandez, ne le parut pas pour une Navigation aussi longue que celle qu'il leur falloit faire pour gagner le BréziL.

Le Capitaine prit un peu trop tard le parti de la dissimulation : en s'opposant d'abord ouvertement au projet favori de son Equipage, il l'indisposa contre lui ; et un accident qui survint malheureusement augmenta de beaucoup cette aigreur. Un Bas Officier, nommé Cozens, avoit toujours paru à la tête des Mutins ; il avoit déja eu souvent des querelles avec les Officiers, qui restoient attachés au Capitaine, et avoit même insulté celui-ci avec la dernière insolence. Comme sa brutalité et sa pétulance ne faisoient que croître de jour en jour, on ne douta point qu'il se couvât quelque complot dont Cozens étoit le Chef ; et dans cette persuasion le Capitaine et ses amis se tenoient toujours sur leurs gardes. Un jour que le Munitionaire avoit, par ordre du Capitaine, retranché la ration à un homme qui ne vouloit pas travailler, Cozens vint se mêler de cette affaire, sans même que cet homme l'en priât, et insulta le Munitionaire, qui, de son côté, n'étant point du tout endurant et piqué peut-être d'ailleurs contre Cozens, cria à la mutinerie, il ajouta que le Coquin avoit des pistolets, et lui en tira un coup lui-même, dont pourtant il le manqua. Le Capitaine, à ce bruit, sortit de sa Tente, et ne doutant pas que ce coup n'eut été tiré par Cozens et ne fût le signal d'une sédition, lui tira, sans hésiter, un coup de pistolet à la tête, dont il mourut au bout de quinze jours.

Cette brusque expédition, quoiqu'elle révoltât les esprits, leur en imposa en même tems, et les rendit pour quelque tems plus soumis à l'autorité du Capitaine : mais vers le milieu d' Octobre, que la double Chaloupe fut presque achevée et que tout se préparoit pour le départ, les Mutins s'apperçurent que le Capitaine traversoit sous main leur retour par le Détroit de Magellan, et craignirent qu'il ne vînt enfin à bout de faire échouer ce projet. Là-dessus, ils se déterminèrent à le déposer et à l'arrêter prisonnier, sous prétexte de le ramener en Angleterre pour y être jugé sur le meurtre de Cozens. En effet ils lui donnèrent des gardes, quoiqu'ils fussent cependant bien éloignés de vouloir l'emmener avec eux ; ils savoient trop bien ce qui les attendoit en Angleterre, s'ils y arrivoient avec leur Capitaine. Dès qu'ils furent prêts à mettre en Mer, ils le remirent en liberté, ne lui laissant, pour lui et pour le petit nombre de ceux qui voulurent courir même fortune avec lui, que le Jol . A quoi le Bateau à rame fut ensuite ajouté, parce que ceux qui le montoient se laissèrent persuader de rejoindre le Capitaine.

Lorsque le Wager fit naufrage[2], il n'y restoit à bord qu'environ cent trente personnes. De ce nombre, il en mourut plus de trente durant leur séjour en cet endroit ; près de quatre-vingts tirèrent vers le Sud, dans la Chaloupe et le Canot ; et il ne resta après leur départ que dix-neuf personnes avec le Capitaine ; c'en étoit bien assez pour remplir le Yol et le Bateau à rame, les seuls bâtimens qu'on leur eût laissés. Ce fut le 13 d' Octobre, cinq mois après le naufrage du Vaisseau, que partirent ceux qui tirèrent vers le Sud, en prenant congé par trois saluts de la voix, du Capitaine qui étoit sur le rivage, avec Mr. Hamilton, Lieutenant dans les Troupes de débarquement et le Chirurgien. Ces Mutins n'arrivèrent à Rio Grande, dans le Brézil, que le 29 de Janvier. Ils laissèrent une vintaine des leurs en différens endroits où ils touchèrent ; et la misère leur en ayant enlevé encore plus sur la route, ils étoient réduits à trente hommes, lorsqu'ils arrivèrent dans ce Port. C'est ce qui ne paroitra pas surprenant si l'on fait attention à la hardiesse de leur entreprise : sans par1er de la longueur du Voyage, leur Bâtiment étoit à peine assez grand pour les contenir tous, le peu de provisions qu'ils avoient pu sauver du naufrage du Vaisseau ne leur suffisoit pas à beaucoup près, et le seul Canot qu'ils eussent, et qu'ils tiroient en ouaiche, se détacha et périt, de sorte que manquant de provisions et d'eau, il leur étoit souvent impossible de descendre à terre, pour y en chercher.

Dès que ces gens furent partis, le Capitaine proposa à ceux qui étoient restés avec lui de mettre en Mer avec le Jol et le Bateau à rame, pour gagner vers le Nord ; mais le tems fut si rude, et la difficulté de se pourvoir de provisions étoit si grande, qu'il se passa encore deux mois avant qu'ils puissent partir. Il paroit que l'endroit où les jetta le naufrage de leur Vaisseau, n'est pas une partie du Continent, comme ils l'avoient d'abord cru, mais une Ile qui en est à quelque distance, et où l'on ne trouve rien autre chose que des coquillages, et quelques herbages. Ceux qui avoient abandonné le Capitaine avoient emporté la plus grande partie des provisions, qu'on avoit pu sauver du naufrage, ainsi le Capitaine et ceux qui étoient avec lui, se trouvoient souvent réduits à de grandes nécessités ; car ils étoient résolus de conserver le peu de provisions qu'ils avoient, pour leur voyage. Durant leur séjour dans cette Ile, que les Matelots nommèrent l'Ile du Wager, ils virent de tems en tems un ou deux Canots d' Indiens, qui y abordèrent et troquèrent avec nos gens quelques Poissons et autres vivres. Ces rafraichissemens eussent peut-être été plus abondans dans une autre saison ; car il y avoit plusieurs hutes d'Indiens sur le rivage, et il est à croire que dans le milieu de l'Eté, plusieurs de ces Sauvages viennent y passer quelque tems pour la pêche : il semble par ce que nous avons rapporté dans le récit des avantures de la Pinque Anne, que c'est l'usage des Peuples de ces Quartiers de fréquenter cette Côte pendant l'Eté, pour y faire leur pêche, et de se retirer pendant l'Hiver, dans des Climats plus doux vers le Nord.

En faisant mention de l' Anne, je ne puis m'empêcher de remarquer qu'il est fâcheux que l'Equipage du Wager ignorât que cette Pinque fût si près d'eux ; car elle n'en étoit pas à plus de trente lieues, et aborda à cette Côte à peu près dans le même tems qu'eux. C'étoit un bon Bâtiment assez grand pour les recevoir tous à bord, et les transporter à Juan Fernandez. Je crois même qu'il étoit encore moins éloigné d'eux que je ne viens de dire ; car l'Equipage du Wager entendit plusieurs fois le bruit d'un coup de Canon, que je ne doute pas avoir été celui que le Maitre de l' Anne faisoit tirer tous les soirs ; d'autant plus que l'heure où ce bruit fut entendu par les gens du Wager s'y rapporte fort bien. Mais il est tems de revenir au Capitaine Cheap et à ses gens.

Ils s'embarquèrent dans le Bateau à rame et dans le Jol, le 14 de Décembre, après avoir chargé toutes les provisions qu'ils purent tirer du Vaisseau échoué. Leur dessein étoit de porter au Nord ; mais à peine avoient-ils été une heure en Mer, que le vent devint si violent et les vagues si hautes, qu'ils se virent obligés de peur de périr, à jetter en Mer la plus grande partie de leurs provisions. Cette perte étoit terrible pour eux, et irréparable dans l'état où ils se trouvoient : cependant il ne leur restoit d'autre parti à prendre que de continuer leur voyage, et d'aborder à terre aussi souvent qu'ils pouvoient pour y chercher les moyens de subsister. Quinze jours après cet accident, il leur en arriva un autre non moins funeste, le Jol coula à fond, étant à l'ancre, et un de ceux qui étoient dedans fut noyé, et comme le Bateau à rame n'étoit pas assez grand pour les contenir tous, ils se virent réduits à la dure nécessité d'abandonner quatre Soldats de la Marine sur ces Côtes désertes. ils continuèrent cependant à porter vers le Nord, malgré tous ces désastres, toujours contrariés par les vents, et obligés de tems en tems d'interrompre leur cours, pour chercher quelques vivres. Enfin, vers la fin de Janvier, après avoir tenté trois fois inutilement de doubler une pointe de terre, qu'ils prenoient pour le Cap, nommé par les Espagnols, de Tres Montes, il fut résolu unanimement de renoncer à une entreprise qui se trouvoit impraticable, et de retourner à l'Ile du Wager, qu'ils regagnèrent vers le milieu de Février, découragés au dernier point, et mourans de faim et de fatigue.

A leur arrivée à cette Ile, ils eurent le bonheur de trouver plusieurs morceaux de viande salée, emportées du Vaisseau échoué et qui flottoient sur la Mer. Ce secours leur vint le plus à propos du monde, et pour comble de bonheur, il arriva peu après en cet endroit, deux Canots d' Indiens. Un de ces Sauvages, natif de Chiloé, parloit un peu l' Espagnol. Comme le Chirurgien, qui étoit resté avec le Capitaine Cheap, entendoit cette langue, il conclut avec l' Indien, un marché par lequel ce dernier s'engageoit à conduire le Capitaine et les gens dans leur Bateau à rame, à Chiloé, à condition que ce Bâtiment et tout ce qui y appartenoit lui demeureroit pour sa peine. Après cet accord, les onze personnes, à quoi toute cette Troupe étoit réduite, s'embarquèrent dans le Bateau à rame, le 6 de Mars, pour cette nouvelle expédition ; mais, peu de jours après, le Capitaine et quatre de ses principaux Officiers, étant à terre, les six autres qui étoient restés dans le Bateau à rame avec un autre Indien, remirent en Mer et ne revinrent point. Ceux qui furent laissés à terre avec le Capitaine Cheap, étoient, Mr. Byron[3] , Mr. Hamilton, Lieutenant de la Marine, Campbell, Bas Officier, et Elliot, Chirurgien. Il y avoit déja longtems que leurs malheurs paroissoient arrivés au comble ; mais ils s'apperçurent bien alors que la situation, où ils se trouvoient, étoit beaucoup plus triste, que toutes celles par lesquelles ils avoient passé. Ils se voyoient abandonnés sur une Côte déserte, sans vivres et sans aucun moyen d'en recouvrer ; armes, munitions, hardes, tout en un mot étoit resté dans le Bateau à rame, à l'exception des chétifs habits dont ils étoient couverts.

Ils avoient eu tout le tems de peser toutes les circonstances de leur malheur, et de se persuader qu'il étoit sans remède, lorsqu'ils découvrirent dans le lointain un Canot ou se trouvoit avec sa famille l' Indien, qui avoit entrepris de les conduire à Chiloé. Il ne fit aucune difficulté de venir les joindre, car il n'avoit quitté nos gens que pour aller pecher, et les avoit en attendant confié à cet autre Indien, que ceux qui étoient restés dans le Bateau à rame, avoient emmené avec eux. Mais lorsqu'il fut à terre, et qu'il ne vit plus ni le Bateau à rame, ni son Compagnon, il en parut frappé, et on eut grand'peine à lui persuader que cet autre Indien n'avoit pas été massacré. Enfin pourtant convaincu par tout ce qu'on lui dit, il entreprit encore de les mener aux Etablisemens Espagnols : et de les nourir sur la route, ce qui lui étoit facile, vu l'habileté commune à tous les Indiens, en fait de Peche et de Chasse. Ce fut vers le milieu de Mars, que ces cinq Messieurs partirent pour Chiloé, après que l' Indien leur eut rassemblé les Canots nécessaires, et engagé quelques-uns de ses voisins à les naviguer. Mr. Elliot, le Chirurgien, mourut peu après leur embarquement, et ils se trouvèrent réduits à quatre. Enfin au bout d'un voyage très difficile par Mer et par terre, Mrs. Cheap, Byron, et Campbell arrivèrent au commencement de Juin à Chiloé où les Espagnols les reçurent avec beaucoup d'humanité. Pour Mr. Hamilton, une querelle survenue entre les Indiens retarda son voyage, et il n'arriva que deux mois après les autres. Il s'étoit écoulé douze mois depuis le naufrage du Wager lorsque cette Troupe, réduite de vingt personnes à quatre, termina cette course fatiguante, et il étoit bien tems ; car pour peu quelle eût durée, il n'y pas d'apparence qu'il en fût réchappé un seul. Le Capitaine eut bien de la peine à se remettre, et ils se trouvoient réduits tous quatre si bas, par les mauvais tems, les travaux, et la misère qu'ils avoient essuiée, qu'il est étonnant qu'ils ayent pu en revenir. Après quelque séjour à Chiloé, ils furent transportés à Valparaiso, et delà à St. Yago, Capitale du Chili, où ils demeurèrent plus d'une année ; et au bout de ce tems, sur la nouvelle d'un Cartel réglé entre la Grande Bretagne et l' Espagne, le Capitaine Cheap, et Mrs. Byron et Hamilton, eurent permission de retourner en Europe, à bord d'un Vaisseau François. Pour Mr. Campbell, il changea de Religion, pendant son séjour à St. Jago, et s'en fut à Buenos Ayres avec Pizarro et ses Officiers, avec lesquels il passa en Espagne, à bord de l' Asie. Les mouvemens qu'il se donna pour entrer au service de cette Couronne, ne réussirent pas, et il repassa en Angleterre, pour tâcher d'y rentrer dans le service. Il a publié depuis le récit de ses avantures, et dans cet Ouvrage il se plaint fort du tort qu'on lui a fait, et nie qu'il ait jamais été au service d' Espagne. Mais les offres qu'il a faites à cette Cour, et son changement de Religion, sont, à ce qu'il sait fort bien, deux sujets susceptibles de preuves, aussi a-t-il jugé à propos de laisser ces deux articles dans un profond silence. Après ce détail des avantures de l' Anne et des malheurs du Wager, je reviens à ce qui nous arriva à nous mêmes.


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Notes

  1. Le Baron van Coehorn (1641-1704) était un officier hollandais. il a inventer un type de mortier à angle fixe de 45°. La portée était ajustée par la quantité de poudre ou le déplacement de la pièce. Ce type de mortier connut une longue carrière
  2. Le naufrage du Wager fit aussi l'objet de plusieurs récits : Voyage à la mer du Sud fait par quelques officiers commandants le vaisseau le Wager. Pour servir de suite au voyage de Georges Anson, 1756, ou Naufrage en Patagonie, 1798, par John Byron. Ce dernier est réédité aux éditions Utz.
  3. John Byron, (1723-1786) était aspirant à bord du Wager. Il deviendra Vice-Amiral, bouclera son propre tour du monde de 1764 à 1766 à bord du HMS Dolphin.


Localisation de l'archipel de Chonos et des Îles Wager et de Chiloe, au Chilie
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