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Une formation de la DCN

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Capucins

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Une formation de la DCN

La transmission des savoir faire à l'école des arpètes

Les instructeurs c'est des ouvriers qui ont été formés, donc eux, ils savent de quoi ils parlent, j'ai rien contre les enseignants mais je veux dire, y a une différence entre un prof qui parle de sa chair, qui dit voilà comment on fait un tuyau, et puis un mec qui a fait le tuyau, qui a réfléchi et qui a fait la théorie après et qui dit au gars ben voilà comment on fait un tuyau bon donc, la compétence, disons, du noyau dur de la DCN.

Les personnels ouvriers instructeurs des EFT avaient un régime spécial, ils étaient nommés instructeurs stagiaires du groupe VI après essais professionnels, au bout de six mois de fonction ils pouvaient suivre un stage pédagogique de quatre mois sanctionné par un examen donnant accès à la profession d'instructeur du groupe VII.15 Un exemple :

Au 26 novembre 1968, la DCAN recherchait des instructeurs chargés de la formation professionnelle des apprentis électriciens (moteurs et radios), le concours se présenta comme suit :

  • Un examen technique comprenant des épreuves manuelles et des épreuves de dessin
  • Un examen technologique comprenant des problèmes d'électrotechnique et des questions sur les appareils et matériaux utilisés dans la profession
  • Un examen d'instruction générale comprenant une épreuve de français, de mathématiques et de pédagogie dont le sujet consistait à répondre à des questions d'ordre général sur les relations entre instructeurs et apprentis

Les moniteurs c'étaient des ouvriers qui avaient accès encore par un examen, ils étaient ouvriers, ce n'étaient pas des gens de l'éducation nationale, c'étaient des ouvriers, les meilleurs ouvriers et on leur donnait, l'accès à la catégorie 8 qui était le summum

Les formateurs que l'on avait, ils avaient les horaires de l'arsenal, c'est-à-dire que le moniteur d'apprentissage, il commençait à huit heures le matin, il finissait à midi et demi et il recommençait à deux heures moins le quart et il finissait à six heures cinq avec ses apprentis, c'est-à-dire qu'il avait à corriger,il avait à préparer mais c'était un apprentissage permanent, je ne veux pas dire du mal de ce qui se passe aujourd'hui mais j'ai des collègues qui sont dans l'enseignement technique, ils doivent dix huit heures. Là le moniteur, c'est pas un prof, il doit sa vie de travail aux arpètes, avec douze, quinze, vingt arpètes toujours en même temps avec lui, c'est une solution riche.

On passait l'épreuve normale de l'éducation nationale, le CAP. Bon là, c'était du 100%, c'est pour dire la qualité de la formation qu'on avait, ce n'était pas simple, il fallait y aller. Et ils formaient vraiment les gens qui étaient à leur sortie, des gens en capacité, je dirais, d'apprendre, je le dis en deux mots, une fois qu'on est sorti, on fait les choses de A à Z parce que pour faire telle opération, il faut passer par telle étape.

En effet, le pourcentage de réussite au BEP était de 95 à 100% et les échecs au DFT étaient très rares.

Laminoir essai d'apprenti.jpg

À l'époque ce concours c'était quelque chose d'assez prisé quand même et y avait entre mille et mille deux cents candidats. Et il y avait, je ne dirais pas quatre vingt dix élus mais quatre vingt dix retenus. Et ça faisait quand même un sacré écrémage

Au niveau de la qualité de la formation donnée dans les EFT, il faut dire qu'à la base une sélection stricte se faisait par le biais du concours. Dans les années 80, les modalités du concours étaient de sélectionner entre 5 et 10 % des meilleurs élèves des lycées et collèges, entre 1977 et 1983, le taux de sélection était passé de 15 à 10 %.

"Sélection très sévère à l'entrée en école, effectifs peu nombreux des classes, horaires chargés, intensité du travail, encadrement nombreux et de qualité, surveillance et contrôle continus des connaissances, caractérisent les EFT, il serait donc anormal que les résultats ne soient pas suffisants Ministère de la défense." (Contrôle général des armées. Département de contrôle des services industriels et des industries de l'armement, Rapport rédigé par Monsieur le contrôleur général des armées. Objet : Écoles et filières de formation de la délégation générale pour l'armement, Paris, le 28 septembre 1984, page34)


La méthode Carrare inculquée au centre d'apprentissage

C'était le nec plus ultra, on appelait ça la méthode Carrare qui était importée de Suisse alors la méthode carrare ça consistait à apprendre aux gens à avoir des gestes automatiques. Quand les apprentis rentraient, l'élève rentrait, par rapport à la position idéale pour pouvoir limer, il y avait des apprentis donc qui étaient trop petits et alors on leur mettait sous les pieds des caillebotis, et puis lime et lime.Il fallait que votre coude arrive à la hauteur de l'étau qui était monté sur l'établi.Il y avait la technique, vous savez, du coude collé au corps, et donc de pouvoir taper régulièrement et puis il y avait la tige, la pauvre tige qui était en gros comme ça, qui était dans la pièce d'acier qui était serrée à l'étau, donc l'élève n'avait, dans un premier temps, qu'à frapper là-dessus, et automatiquement, c'était marrant ce truc d'ailleurs, tout le monde arrivait à taper ensemble, ça faisait, bloum,bloum, bloum, bloum, il n'y avait qu'une note, qu'on entendait et de loin, et puis je ne sais pas si le moniteur avait un signal pour dire, on arrête, parce qu'il y avait une pause à un moment donné. Il y avait des gosses qui sortaient de l'école, qui n'étaient pas très grands, qui n'étaient pas robustes et puis qui supportaient parce que les premières journées de formation, avec la méthode Carrare, il n'y avait pas de cours d'école, ce n'était que manuel, avec quelques récréations d'un quart d'heure, vingt minutes. à force de taper, vous en aviez ras le bol, mais vous étiez tenu d'avoir votre main, vous teniez la tige de la main, et donc au bout d'un moment, qu'est ce qui arrivait, blam ! y avait des gars qui avaient leur main en sang. Et les menuisiers, il y avait une technique rapprochée aussi, avec la lame à l'envers pour apprendre à tenir la scie à débiter et les grands rabots longs, il y avait un geste à acquérir aussi alors que le fer n'était pas placé pour faire des copeaux, c'était simplement pour prendre l'attitude, il y avait des choses qui n'étaient pas bêtes. A ce moment là, elle a donné de bons résultats, parce qu'on a fait des manuels. Ajusteur c'était faire de la lime là, à limer pendant des journées entières, je trouvais ça fastidieuxAlors on a mangé de la lime, « on nous donne de la ferraille pour en faire des bons outils, apprentis des constructions navales », effectivement, on avait des blocs d'acier et dessus, il fallait arriver à une pièce,voilà, c'était ajusteur mécanicien, on a laissé un peu de sueur là dedans.

Des savoir faire reconnus

Alors, l'école de formation, c'est une formation dans la recherche de l'exception, du plus que parfait et, bon, souvent, c'est excessif, c'est même excessif, ce qui a peut être fait la perte de , parce que vouloir trop faire bien, coûte trop cher (...) quand on fait un sous marin nucléaire, il vaut mieux que l'on fasse toujours bien et très bien, et plus que bien, la preuve c'est qu'il n'y a aucun qui n'a coulé, hein, il n'y a pas eu de vie humaine perdue dans les sous marins nucléaires, c'est peut être à cause de l'excellence. Alors voilà, cette formation c'est, d'ailleurs on nous apprenait à travailler avec deux mains, de faire un bon outil avec une vieille ferraille comme c'est dans la chanson.

L'apprentissage se faisait également en vase clos, en effet les apprentis étaient séparés du reste du personnel de l'arsenal, ils ne participaient en aucune manière au système de production de l'entreprise, ils n'allaient pas dans les ateliers de production, des ateliers propres à l'école de formation étaient mis en place, les salles de cours se trouvaient à proximité, les apprentis avaient également des cours de sport.

J'ai oublié quelque chose, il y a aussi trois moniteurs sportifs qui vous font, donc il y a les trois piliers qui sont vachement importants, travail manuel, travail intellectuel, et là c'est des p'tits gars qui tiennent debout.

Le règlement

Dès leur entrée, les apprentis apprenaient également à respecter un règlement strict, de nouvelles normes et valeurs étaient donc à intégrer.

Voici quelques exemples de punitions et sanctions tirés du journal d'entreprise « Le Flot »

  • 3/11/1920 : 15 jours RSH (Retenue sur salaire horaire) de 0.10fr pour avoir raboté un piège à

rats.

  • 2/2/1923 : 4 jours RSH pour avoir été surpris assis dans les cabinets.
  • 27/10/1931 : 4 jours RSH de 0.10 pour avoir tenté de sortir sans motif dans un camion.
  • 16/04/1940 : 4 jours RSH, pour avoir été surpris inoccupé.
  • 12/09/1940 : 2 jours RSH pour s'être lavé les pieds à 16h 40.
  • 6/6/1945 : 15 jours RSH : pour avoir cueilli des fraises pendant le travail.
  • 02/04/1947 : 15 jours RSH pour avoir jeté des allumettes enflammées sur ses camarades pendant le passage du train dans le tunnel.
  • 22/07/1947 : 15 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour s'être baigné pendant le travail.
  • 28/02/1949 : 90 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour avoir profité de l'absence de son camarade pour échanger une paire de sandales à l'état neuf contre une autre usagée.
  • 01/1950 : 4 jours RSH pour avoir fraudé sur sa température à l'infirmerie.
  • 08/01/1958 : 15 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour avoir été surpris à dormir dans un vase clos de chaudière à bord du « Vauquelin »...

Les ouvriers et les apprentis avaient également comme devoir, le respect du secret professionnel : « Outre la règle instituée par le droit pénal en matière de secret professionnel et de crimes et délits contre la sûreté de l'Etat, tout ouvrier est lié par l'obligation de discrétion professionnelle quant aux affaires, faits, documents et informations... ». Six formes de sanctions disciplinaires existaient :

  • L'avertissement
  • Le blâme
  • La rétrogradation de un à trois échelons pendant une période de quatre jours à trois mois
  • La mise à pied pour une durée qui ne peut excéder sept jours ouvrables
  • La rétrogradation définitive de un à trois échelons
  • Le congédiement exclusif de toute indemnité de préavis ou de licenciement

Mais, il fallait quand même être changé et être à l'atelier ou en salle de cours à huit heures impérativement. Et le soir, à l'époque, on finissait à six heures cinq, on faisait quarante quatre heures hein, compris les apprentis. Donc on finissait à six heures cinq hé, mais je crois me souvenir, qu'à six heures on avait le droit de quitter la salle de cours ou l'atelier, surtout l'atelier parce qu'on était en bleu de chauffe. Bon, et il fallait se changer et ensuite il fallait donc regagner la gare, ce qui fait, lorsqu'on rentrait aussi à la maison, il était quand même sept heures et quart, sept heures et demie.Enfin bon, c'est l'apprentissage de la vie aussi, de la vie professionnelle

Les spécialités

Dès les premiers temps de l'apprentissage, par les contrôles continus et les classements des élèves, les plus méritants se distinguaient alors.

Donc y a cent personnes, y a donc trois classes de trente trois ou une de trente quatre, à chaque fois y a une évaluation et cette évaluation, vous allez l'avoir partout, cette évaluation, elle est permanente, elle est dans le travail d'atelier, une note à chaque fois, un classement à chaque fois, et celui qui aura le meilleur classement à la sortie choisira. C'est, c'est assez motivant, c'est assez motivant.

D'ailleurs, les futures spécialités et métiers étaient fonction de ces classements, tous les ouvriers issus de l'apprentissage et qui avaient réussi le DFT étaient admis en cinquième catégorie (il y en avait huit), ceux qui n'avaient pas réussi le DFT étaient classés en quatrième catégorie, néanmoins ils avaient la possibilité de le repasser. Toutefois, il y avait un classement et suivant ce classement, les jeunes ouvriers étaient soit électriciens, soit mécaniciens, soit formeurs de métaux. Plusieurs stages étaient réalisés et déterminaient alors les futures spécialités. De plus l'attribution des spécialités avait pour objectif de répondre aux besoins de l'entreprise, certaines années par exemple, il fallait davantage de chaudronniers, ou de fraiseurs...


Ils choisissent où y a un classement, ils se mettent d'accord et donc dans la première année, il y aura douze ou quatorze charpentiers tôliers, il faudra en trouver, tout le monde veut être électricien et donc à mon avis y a une opération de peigne où on doit prendre sans doute les meilleurs

Alors à l'école, la première année, tout le monde poussait la lime, le premier trimestre, dans les ajusteurs, on choisissait les meilleurs pour pousser la lime. Puisque les instructeurs, à cette époque là, avaient détecté que le gars n'avait pas les qualités manuelles, par contre au niveau de la machine outil, il pouvait avoir des qualités, donc c'est pour ça que je dis « moins bon à ce moment là » donc ce qui fait que après, ils sont partis soit tourneurs, soit fraiseurs, puisque l'atelier des machines aussi, nous demandait « ben dans deux ans, il nous faut huit tourneurs ou bien il nous faut huit fraiseurs » donc, nous, au niveau des promotions, on préparait huit tourneurs, huit fraiseurs pour l'atelier des machines. C'est comme ça que ça se faisait un p'tit peu la sélection, et après eux, aussi, ils avaient un essai bien spécifique à leur métier.

Le matelotage

Le jeune ouvrier arrivait alors dans les ateliers de production et là encore, il était encadré par un ouvrier plus ancien, c'était le matelotage. Et là encore, l'entreprise entretenait le bon fonctionnement de cette intégration au milieu professionnel. Un règlement intérieur était d'ailleurs établi à l'intention des chefs d'ateliers. En voici un extrait : « Le chef d'atelier doit veiller à la préservation des jeunes et en particulier :

  • Éviter les voisinages dangereux
  • Éliminer l'influence d'adultes peu soucieux de leur dignité d'homme et de père de famille


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