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Le Plougastel Jean Le Lann est fait prisonnier à Calais

Le Plougastel Jean Le Lann, témoin à dix-huit ans de la révolte des marins français de la Mer Noire, fut trente ans plus tard, celui de la prise de Calais par les troupes allemandes, en mai 1940. Il a décrit sur le même cahier, de son écriture minuscule, du même ton factuel, cet événement historique. Comme pour le précédent témoignage, les corrections n'ont porté que sur quelques fautes d'orthographe mineures et sur la ponctuation.

«  39-45. Mobilisé le 1er septembre 1939, je rallie Calais pour la police de navigation, à la gare maritime de cette ville. Rien de spécial ne se passe tout l'hiver, à part quelques avions de reconnaissance allemands (qui) venaient prendre des photos une fois le temps. Le 10 mai à 5h du matin, je vois arriver sept avions allemands au dessus de la gare maritime, ils se séparent en trois groupes de deux, un va pilonner les batteries côtières à droite de la sortie, l'autre groupe de 3 mouille des mines magnétiques, le troisième groupe bombarde le bastion 12, les cuves de mazout et le hangar des mines. Dégâts matériels mais pas de blessés. Tous les jours c'était ainsi, à des heures différentes, en général une fois par jour. Vers le 16, le commandant de Lambertye décide de nous évacuer sur l'Angleterre. A 22h où nous embarquions, bombardement de la zone maritime. Plus question de partir. Le lendemain nous partons à la citadelle, jusqu'au jour de notre reddition. J’étais chargé d'envoyer des hommes tous les jours à la gare maritime comme factionnaires. Le 25 mai, c'était un vendredi, (erreur de date) j'envoie la relève à 11h, mes hommes reviennent aussitôt, me disant qu'il n'y a plus personne là-bas, les officiers et les hommes s'y trouvant sont partis en Angleterre à 5h ce matin. Donc pour nous qui restions, il n’y avait plus aucune solution que de se résoudre (?) Comme officiers nous avons : le lieutenant de vaisseau de Kersauzon, l'officier mécanicien Van Pen, l'officier des équipages Gargasson, un autre officier des équipages, un lieutenant de la la Légion étrangère. Nous avions le côté sud de la citadelle à défendre. Les Allemands venaient de prendre Boulogne et faisaient route vers nous ; le samedi 25 à 13h, bombardement d'artillerie, durée 1h environ. Nuit calme, l'officier des équipages que je ne connaissais pas, me demande de désigner des volontaire pour partir en patrouille avec lui en jeep à 22h. Ils ne sont jamais revenus. Le dimanche 26 à 5h du matin, canonnade intense ; nous n'avons que des fusils et mitrailleuses pour répondre. 10H, bombardement en piqué sur les bâtiments de la citadelle. Une estafette vient me remettre un message du vice-amiral Abrial nous demandant de tenir jusqu'à 16h, que les renforts arrivaient. Je suis allé au PC qui m'était totalement inconnu porter ce message à une vingtaine de mètres sous terre. 13 h, les Allemands attaquent de nouveau, pour la bonne cause cette fois. Le lieutenant de la Légion étrangère se trouvait sur les remparts, face aux Allemands avec une mitrailleuse ; je le vois descendre quatre à quatre, il venait d'avoir son casque transpercé par une balle. Pendant ce temps les marins se trouvant dans l'abri avaient réussi à mon insu à glisser un drap blanc par les créneaux des remparts ; les Allemands ont cru que nous nous rendions, sont donc venus franchement mais certains combattants les ont reçus à coup de feu. Ils réussissent à enfoncer la porte, rentrent devant nos abris avec leurs tanks, lancent des grenades dans l’abri, et nous font évacuer les bras en l'air. En sortant j'ai dû enjamber le corps de l'infortuné Van Pen, officier mécanicien ; de Kersauzon était blessé à la tête. Nous sommes sortis sur le terre plein, en dehors de la citadelle, fouillés à sec (?). Nous sommes restés là jusqu’à 20h où un capitaine de l’armée allemande parlant très bien le français, accompagné du capitaine de la Légion étrangère, nous annonçant que nous pouvons rentrer dans la citadelle du moment que les cuisines n’étaient pas démolies mais que nous passerons la nuit la comme otages, au cas où l'escadre anglaise vienne bombarder Calais. Il ne s'est rien passé. Le lundi 27 à 6h du matin, nous prenions la route pour l'Allemagne à pied , ceci pendant quinze jours , sans manger. Première étape, Marquise. »

Le 11 juin Jean Le Lann écrit à sa femme : « … Nous avons été faits prisonniers le 26 mai à Calais et depuis nous sommes en route tous les jours jusqu'à notre arrivée à Hasselt (Belgique). Je pense que nous sommes ici pour quelque temps. Nous ne sommes pas malheureux, nous sommes nourris et logés dans une caserne. Je fais des corvées à la cuisine des sous-officiers. Le moral est bon, ne t'en fais pas, souhaitons que cela finisse au plus tôt et que nous soyons de nouveau réunis... »

Yann Tanguy

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