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Syndicats de l'Arsenal de Brest : Différence entre versions

 
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Photo du Télégramme, 12 juillet 1996
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En attente de contribution
Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation,
 
Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC.
 
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Les syndicats à l'arsenal de Brest
 
Les syndicats de l'arsenal de Brest, tout au long du 20ème siècle, ont eu comme principales
 
luttes, la défense du statut des travailleurs de l'Etat, son amélioration et sa garantie, ainsi que
 
le maintien du caractère d'Etat des arsenaux.
 
Comme dans toutes les autres corporations, la principale activité des responsables syndicaux
 
est de fournir à leurs adhérents, une aide individuelle contre les sanctions, les multiples
 
incidents de la vie quotidienne au travail, les conditions travail, les congés, les salaires, les
 
primes, les conditions d'avancement...
 
 
 
[[Fichier:Carte confédrérale CGT 1911.jpg]]
 
 
 
 
 
Le rôle des syndicats consiste donc à résoudre les problèmes de la vie quotidienne du travail
 
en négociant constamment avec la hiérarchie.
 
Les syndicats de l'arsenal ont également joué un rôle important dans la vie du personnel, par
 
des réalisations sociales, culturelles et sportives, ceci par les programmes d'action sociale. Un
 
exemple, dans les années 70, la CGT proposait un grand nombre de revendications qui étaient
 
les suivantes :
 
• Des colonies de vacances plus nombreuses et le versement de la subvention aux
 
enfants allant dans les colonies autres que celles de l'ASA (action sociale des
 
armées)
 
• Création de maisons de repos et de retraite
 
• Acquisition et aménagement de terrain de camping
 
• Réduction de 50% sur les billets de congés payés annuels (train, bateau, avion)
 
• Construction de logements et foyers compatibles avec les salaires et retraites
 
• Création de crèches, centres aérés, garderies
 
• Augmentation des prêts pour l'amélioration de l'habitat et pour l'accession à la
 
propriété
 
• Envoi de colis de noël aux personnes en longue maladie, au service militaire ou
 
retraité
 
• Bénéfice de toutes les actions sociales de l'ASA aux retraités et veuves
 
....
 
La syndicalisation importante à l'arsenal de Brest peut s'expliquer du fait d'une forte
 
pression de la part du collectif du travail amplifiée par les mouvements de grève dans les
 
Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation,
 
Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC.
 
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ateliers. Néanmoins, le fait de se syndicaliser n'était pas perçu par le personnel comme une
 
contrainte, en effet les syndicats savaient jouer d'une image positive et attractive et ceci dès
 
la sortie des arpètes. En effet, les syndicalistes étaient vus comme des personnes protectrices
 
des droits de chacun. Un exemple tiré d'un livret d'accueil « Spécial jeunes » réalisé par la
 
CGT « Une vision nouvelle s'ouvre à toi, nous espérons t'aider à commencer à t'intégrer et
 
t'apporter des éléments qui te serviront dans cette nouvelle voie afin que nous fassions le
 
chemin ensemble, pour le mieux être de tous ».
 
Mais y avait une bataille quand on est sorti, on n'était même pas installé que les mecs
 
de la CFTC étaient sur nous déjà pour nous faire adhérer
 
Il faut savoir, qu'à leur sortie de leur apprentissage, les jeunes ouvriers étaient tous
 
convoqués pour une réunion avec chaque syndicat.
 
On connaissait les gens du plateau et je pense qu'il y avait pas mal de virulents, les
 
jeunes qui arrivaient sur le chantier étaient un p'tit peu poussés à s'engager, nous, de toute
 
façon quand on sortait des apprentis, on avait des réunions avec tous les syndicats, officielles
 
de façon à nous faire prendre notre carte à l'un ou l'autre, c'était très surprenant.
 
Les jaunes, c'était la sanction (rires) et on faisait des tours d'ateliers, en général,
 
valait mieux être en grève. Ce n'était pas très bien vu de ne pas être en grève. Je n'ai jamais
 
vu quelqu'un refuser les avancées des grèves, j'ai vu des gens critiquer les grèves mais je n'ai
 
jamais vu quelqu'un dire « moi finalement, l'augmentation qu'il y a eu, je ne la prendrai pas»
 
En effet, qu'ils soient grévistes ou non, syndiqués ou non, tous les ouvriers des ateliers
 
percevaient les bénéfices de l'action syndicale, ainsi certains, n'avaient aucun intérêt
 
personnel à s'associer à l'action collective qui représentait un coût (prix de la cotisation,
 
diminution du salaire en cas de grève, conflit avec la hiérarchie...).
 
D'ailleurs, on peut noter que la plupart des gens interviewés, qui ont été syndicalistes avec
 
d'importantes responsabilités, sont restés ouvriers d'Etat voire techniciens à statut ouvrier.
 
Les gens qui n'étaient pas syndiqués, y en avait pas beaucoup ou alors ils se
 
cachaient, on les appelait les « jaunes »
 
Dans un contexte comme ça, c'est plus dur de ne pas faire grève à la limite que de
 
faire grève, c'est, en fin de compte c'est vachement facile de, entre guillemets d'être syndiqué
 
Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation,
 
Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC.
 
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que de dire « ben non, je ne suis pas d'accord, je n'ai pas envie » vous savez quand, moi je
 
me suis vu venir bosser et voir quatre cents personnes passer devant votre bureau et ouvrir la
 
porte et donc c'est vrai c'est plus facile d'être dans le groupe de 400 personnes.
 
Les personnes interviewées parleront également de conduite de Grenoble qui consistait à
 
blâmer les non grévistes.
 
Tout se passait donc comme si l'adhésion était obligatoire. Rester en dehors du syndicat était
 
ainsi considéré comme une conduite anormale et moralement répréhensible, il y avait
 
véritablement à l'arsenal de Brest, une intériorisation de la culture syndicale. Nous disions
 
tout à l'heure que l'adhésion se faisait à la sortie de l'école d'apprentissage, l'éducation
 
syndicale se faisait également par les plus anciens, les matelots, en effet à moins d'avoir au
 
préalable des convictions syndicales et politiques, la plupart du temps le choix du syndicat se
 
faisait sous l'influence de son matelot.
 
À une époque où de toute manière on n'avait pas le choix, dès qu'on arrivait sur le
 
monde du travail, dans les quarante huit heures, on était syndiqué, et on était syndiqué au
 
même syndicat que son matelot, si déjà vous vouliez que ça se passe bien
 
Les mouvements ouvriers étaient très importants, et se généralisaient à l'ensemble de
 
l'arsenal, ceci paralysait alors tout le fonctionnement de l'enceinte, une personne qui était
 
alors chargée des centrales électriques en parle :
 
Les mouvements étaient très bien suivis. Moi, je vous dis c'est un peu particulier parce
 
que j'ai dû affronter, bien qu'étant syndiqué moi-même, j'étais quand même tenu d'assurer
 
un service minimum puisque c'était dans le contrat. Ça a même été difficile à l'île longue
 
pour certaines grèves. Y avait des piquets de grèves qui bloquaient, l'île longue, c'est facile à
 
bloquer, bloquer Jean Bart et bloquer par la terre, par l'extrémité, l'île longue c'est bloqué.
 
Donc les gens étaient remontés, les piquets de grève remontés à bloc, rien à faire. Donc il y a
 
des gens de chez moi qui ont fait plusieurs jours de quart comme les remplaçants ne
 
pouvaient pas rentrer, ils étaient coincés, donc au lieu de faire douze heures, donc y en a qui
 
ont fait quarante huit heures, voire plus. L'arsenal principal était complètement bloqué, où
 
les portes et pour faire rentrer les gens de quart, ou un ou deux cadres comme moi qui étaient
 
réquisitionnés, j'étais obligé de connaître toutes les astuces possibles et inimaginables, par la
 
préfecture maritime, par des coins inimaginables, qu'il n'y a que moi qui connaissais. Je vous
 
Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation,
 
Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC.
 
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assure, j'ai connu des trucs où les gens avaient peur, y en qui se sont faits cracher dessus et
 
pousser, alors qu'ils n'y étaient pour rien, parce que personne ne travaillait, c'était vraiment
 
une grève qui était dure et sans doute justifiée, y en a eu plusieurs.
 
Donc moi la CGT, on était deux ou trois simplement, les autres ils étaient presque tous
 
passés à la CFTC, moi j'ai eu ma carte à la CFTC parce que mon père l'avait prise pour moi,
 
je lui dis « mais moi, je ne veux pas aller là », il me dit « mais c'est mieux parce que tu seras
 
mieux vu », enfin bon c'était comme ça, moi j'ai pris à la CGT, mais je n'ai rien fait, j'étais
 
juste syndiqué comme ça mais on était tous, on trouvait ça tout à fait normal et même non
 
seulement normal mais nécessaire, ils ne nous arrachaient pas l'adhésion, si vous voulez,
 
mais on aurait voulu que ce soit un geste que nous fassions nous-mêmes malgré tout, parce là
 
on nous poussait un peu aux fesses, il faut dire.( Personne rentrée dans les ateliers en 1959)
 
D'autres personnes interviewées parleront de l'importance qui était reconnue aux
 
syndicalistes, ils étaient mis, en quelque sorte, sur un piédestal du fait de leur instruction.
 
Il y a eu une période où c'est vrai que la DCN, l'arsenal, on va dire plutôt, c'étaient
 
des gens qui venaient de la campagne qui savaient à peine lire et écrire et c'est vrai que la
 
personne qui faisait partie du syndicat avait un peu plus d'instruction et vis-à-vis de ces gens
 
c'était quelqu'un de bien, lui il savait écrire, il savait parler donc, donc si lui il a dit....
 
(...) parce que là c'était ça, il faut un mec pour prendre les cotisations et tout ça alors moi
 
j'avais de l'instruction par rapport aux autres à l'époque donc je mets mon nom, je ne mets
 
pas mon nom mais on me dit « toi tu serais bien, tu sais écrire et tout ça »
 
D'autant plus qu'un grand nombre d'ouvriers de l'arsenal, venaient des campagnes
 
environnantes, il faut également souligner le fait que la plupart de ces jeunes adhéraient
 
davantage à la CFTC du fait de leurs croyances religieuses. La Jeunesse ouvrière chrétienne
 
fut créée en 1928.
 
Lancer la JOC dans le Finistère en faisant l'impasse sur Brest eût été impensable. Brest est
 
en effet avec ses 79000 habitants, la grande ville du département. C'est également le
 
principal centre industriel grâce surtout à son arsenal d'Etat qui construit et répare les
 
navires de guerre, à l'aide des forges et fonderies complétées par des ateliers de
 
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chaudronnerie, d'ajustage, de montage (...) il est donc inévitable que la JOC tente sa chance
 
dans cette ville ouvrière qui semble si bien correspondre à ses objectifs conquérants.47
 
La JOC avait pour mission de mobiliser les jeunes apprentis, selon un extrait du bulletin
 
paroissial de Carhaix (Voix de Saint Tremeur, janvier 1937).
 
« Elle prépara d'abord le jeune apprenti à sa vie d'ouvrier par des causeries sur les métiers,
 
sur la grandeur du travail, sur la conscience professionnelle...Lorsque le jeune travailleur
 
avance dans sa vie d'atelier, elle l'encourage à bien apprendre son métier et à ne pas se laisser
 
entraîner dans des travaux de manoeuvres, souvent nuisibles à la formation professionnelle »
 
Ainsi la JOC participait grandement à la construction d'une identité professionnelle ainsi qu'à
 
un sentiment de fierté et de reconnaissance sociale chez les futurs ouvriers. D'ailleurs son
 
slogan était « sois fier ouvrier »
 
Vient ensuite la formation d'un esprit revendicatif, syndical.
 
« L'objectif de la JOC est de former des chefs pour l'action syndicale, afin que la CFTC, vive,
 
progresse, et devienne assez puissante pour créer une organisation du travail qui ne soit plus
 
païenne, mais chrétienne. Alors nos ateliers seront plus humains »48
 
Ainsi la JOC déployait d'importants moyens pour former de futurs syndicalistes, notamment
 
au niveau de la prise de parole, de l'organisation et de la prise de responsabilités.
 
À ce moment là il y avait la CFTC donc en 48-49, y avait la JAC, y avait la JOC, bon
 
tous les jeunes ouvriers, tous les jeunes qui venaient de la campagne, qui étaient jocistes ou
 
qui étaient jacistes, ces jeunes là adhéraient dans les mouvements chrétiens comme on dit,
 
c'était donc la CFTC
 
Par contre dans les ateliers, il y avait une pléiade de militants, alors, eux, ils faisaient
 
le boulot, je crois que c'est surtout que la pression s'exerçait sur des gamins qui
 
majoritairement de ma promo, sortaient quand même de la Croix Rouge. Donc, ils étaient
 
plus malléables que d'autres, et en plus le recrutement cessait d'être urbain pour devenir un
 
peu paysan, ça compte la culture rurale, dans ma promo, il y avait beaucoup de gars qui
 
venaient de Saint Renan, de Bourg Blanc, de Lannilis, donc ils avaient une culture paysanne,
 
ils n'avaient pas une culture ouvrière et en plus dans le Léon, ce n'était pas quand même des
 
révolutionnaires, mais c'est des gamins qui n'avaient pas de culture, moi, comme je suis de
 
47 Huard Jacques, La jeunesse ouvrière chrétienne dans le Finistère des origines à 1939, Maîtrise d'histoire,
 
1990, page 8
 
48 Ibid page 107
 
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Brest comme les autres gamins de Brest, d'abord je suis de l'école publique, je vis au
 
Bouguen pendant un temps, après à Lanrédec, c'est des quartiers de l'arsenal, quand les gars
 
faisaient grève, on savait qui, vous comprenez.
 
A priori, je n'étais pas né pour être à la CGT, la CGT, à l'époque, quand on est sorti
 
des arpètes, c'était assimilé à communiste, pays de l'est, ça balançait pas mal alors que moi,
 
je me suis rendu compte depuis que ce n'était pas ça du tout. Donc, moi j'étais à la CFDT
 
parce que j'ai fait la JOC avant, le parcours c'était après JOC, CFDT, mais jusqu'en 84 où
 
Edmond Maire a dit que la lutte des classes c'était fini et là j'ai dit ben « au revoir la
 
CFDT » et depuis je ne regrette pas.
 
Nous pouvons dire que la paysage syndical à l'arsenal de Brest à l'instar de celui de la France,
 
est très éclaté sûrement du fait de l'origine des deux plus importants syndicats, la CGT et la
 
CFDT, d'autant plus que l'arsenal de Brest compte également des syndicats autonomes, la
 
FADN, le syndicat des chefs d'équipe ainsi que la CGC, syndicat des cadres.
 
La CGT issue d'une tradition anarcho syndicaliste faisait du syndicat le noyau dur d'une
 
contre société alors que la CFDT, syndicat réformiste avait des ambitions plus modestes et a
 
été largement influencée par la doctrine chrétienne.
 
La CFDT est issue du catholicisme social alors que la CGT est davantage issue du
 
mouvement ouvrier. Sûrement du fait du couplage de la CGTU et du PCF à un moment de
 
l'histoire syndicale, ainsi que d'un certain alignement sur les positions du PCF et en
 
particulier sur la question de la paupérisation de la classe ouvrière, la CGT a souvent été
 
assimilée au parti communiste, elle était d'ailleurs synonyme de « communisme syndical »,
 
un fait qui était amplifié durant la guerre froide
 
À l'arsenal, les gars comme moi (membres de la CGT), nous, on était soupçonné de
 
faire, c'était la guerre froide, alors on était soupçonné de travailler pour les russes, on était
 
aussi soupçonné de donner un coup de main à tous les mouvements à Diego Suarez, un peu
 
partout, à Alger, à Dakar,...
 
Si on remonte à quelques dizaines d'années, CGT c'était le parti communiste, moi j'ai
 
été à la CGT et je n'ai jamais approché de près ou de loin, ni été approché de près ou de loin
 
par le parti communiste, c'est pas vrai, il n'y a pas que, bien sûr qu'il y en a. Beaucoup de
 
gens de l'arsenal et des campagnes restent un peu traditionalistes, n'aiment pas beaucoup et
 
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puis il y a eu toujours le mythe des rouges, c'est pareil les pays de l'est, le mur de Berlin, y a
 
toujours eu cet aspect ruralité de notre coin ici de la Bretagne, et donc petit à petit, la CFDT s'est imposée un peu ici et elle est toujours d'ailleurs à l'arsenal de Brest, en
 
position.
 
En effet, la CGT, en raison de son réalignement sur le PCF en 1978 et donc de sa politisation
 
et de sa caution apportée à l'URSS jusqu'à la fin a rendu certains adhérents plus méfiants
 
d'autant plus que la division entre les syndicats se faisait de plus en plus ressentir.
 
L'activité syndicale et les ateliers des Capucins
 
Le plateau c'était le coeur, le plateau, c'était quand même quelque chose de fort au
 
niveau militantisme, les gars c'étaient des virulents
 
Je suis un peu surpris de voir l'importance qui est donnée dans le devenir du plateau comme
 
si l'action syndicale était la seule chose la preuve, ce qui est maintenu, c'est des éléments
 
fondamentaux comme le marbre, un syndicaliste montait pour haranguer les foules, lorsqu'il
 
y avait arrêts de travail, hop tout le monde se rassemblait autour du marbre. Mais ce n'est
 
pas que ça, l'atelier chaudronnerie ou l'atelier machines, ça a été, des milliers de gens qui
 
ont produit des beaux objets pour faire des machines qui ont navigué.
 
Le grand marbre, c'était vraiment le point de ralliement syndical, c'est là-dessus que
 
montaient les leaders qui haranguaient la foule. Moi j'ai une p'tite histoire, on a fait une
 
visite de BMO et on les avait accueillis avec le directeur, le samedi matin, on a fait la visite
 
Le grand marbre, René Tanguy, 2004
 
© Brest Métropole Océane
 
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pour montrer les locaux, et j'étais arrivé un peu avant avec mon accordéon et je me suis
 
installé sur le marbre et j'ai joué de l'accordéon et c'était assez impressionnant parce qu'il y
 
a une acoustique assez extraordinaire, c'était faire un p'tit clin d'oeil en disant « tiens ça
 
mériterait », voilà le marbre, , il a servi pour les luttes et il a une histoire, il peut servir pour
 
autre chose
 
C'était la CGT, c'était notre marbre (...) je pense aussi que le déménagement du
 
plateau les a soulagés un peu de ce point de vue là parce qu'on descendait très vite, dès qu'il
 
y avait quelque chose qui n'allait pas, on descendait (...) ça avait un impact énorme, énorme
 
quand on descendait à la direction, c'était, « le plateau descend » c'était assez animé.
 
Souvent c'était au moment de l'avancement, nous, on trouvait qu'il n'y avait jamais assez de
 
postes, donc on descendait tous les ans pour aller chercher des postes. « Avancement c'est
 
pour quand ?!!! » « Avancement plus de postes !!! ».
 
Le plateau a toujours eu un esprit revendicatif et surtout la chaudronnerie,(...) y avait
 
un ministre qui était venu à Brest, il passait la Penfeld, il avait été obligé de foutre le camp
 
parce qu'il avait reçu des boulons, les mecs de la chaud', là haut là, ils balançaient des
 
boulons sur les clients en bas
 
C'était surtout le marbre là où avaient lieu les rassemblements, les manifestations et
 
d'où partaient les manifestations, les délégués syndicaux montaient dessus (...) C'était très
 
particulier, donc on avait des affichettes mises un peu partout, donc rassemblement à telle
 
heure au marbre. Nous la chaud', les machines, tout ça, c'était au marbre, les délégués
 
montaient sur le marbre et puis haranguaient les gens et puis bon après, ça partait souvent en
 
manifestation, donc on descendait jusqu'à la direction, on descendait la rampe des Capucins
 
tous ensemble jusqu'à la direction pour passer dans les bureaux et puis faire un peu de bruit,
 
un peu déranger les gens. Y a beaucoup de manifestations qui venaient des machines,
 
venaient du plateau parce c'était vraiment là qu'il y avait le plus de virulents sans doute donc
 
ils avaient l'habitude et quand ça partait du plateau « oh combien de temps ç ava durer ? » et
 
ça pouvait barder, c'est vrai.
 
.
 
On pourrait expliquer cette importante activité syndicale au plateau des Capucins en raison de
 
son emplacement géographique. En effet, les ateliers des Capucins étaient un endroit fermé
 
sur le reste de l'arsenal, ainsi des solidarités ont pu se créer et un noyau dur syndical s'est
 
alors fabriqué, représenté majoritairement par la CGT. Dans les ateliers, se syndicaliser était
 
Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation,
 
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alors une manière de s'intégrer au collectif de travail et d'adhérer à un esprit d'entreprise.
 
L'action collective était favorisée du fait de la présence sur le lieu de travail d'équipes
 
syndicales unies et stables d'autant plus que l'identité professionnelle était prégnante dans
 
l'esprit du personnel.
 
Le syndicalisme de l'arsenal a été tout au long de son histoire institutionnalisé et faisait partie
 
intégrante de la vie de l'entreprise, les militants et les permanents syndicaux avaient des
 
emplois du temps aménagés. Selon certaines entrevues, des bureaux « clandestins » s'étaient
 
créés sur les lieux de travail afin d'organiser les activités syndicales.
 
Une aide enfin c'est du vol parce que normalement on n'a pas le droit pendant son
 
heure de travail de téléphoner avec le téléphone de l'entreprise, de se servir de la
 
photocopieuse, de prendre le, papier de l'entreprise, de prendre le temps de l'entreprise. Moi
 
j'en connais, c'était vraiment, au moins une bonne demie journée par semaine, voire plus,
 
qu'ils prenaient sur leur temps de travail, à tel point qu'il y avait un endroit, que plusieurs
 
connaissent et dans le bureau, y avait, deux ou trois syndicalistes.
 
Puis on m'a envoyé dans la salle de dessins mais dans un service annexe c'est-à-dire
 
où je n'avais jamais de dessins à faire, je n'avais que des paperasses à faire et je faisais des
 
tracts pour le syndicat ou polycopiait des trucs, j'avais tout ce qu'il fallait pour travailler
 
On était onze au syndicat mais la plupart était à temps partiel c'est-à-dire qu'on peut
 
travailler une partie du temps, et le reste du temps on est au syndicat et moi j'avais un quart
 
temps, ça faisait onze ou douze demies journées par mois, donc qu'il fallait que je répartisse
 
moi-même et, au gré des besoins soit du syndicat, soit du travail
 
La plupart des gens qui travaillaient au plateau, faisaient toute leur carrière au plateau et ils
 
ne connaissaient pas du tout les autres endroits de la DCN, mais avant on arrivait au plateau
 
et puis on partait en retraite, on ne connaissait que son atelier, on ne connaissait rien d'autre
 
que le plateau, on connaissait les gens du plateau et puis c'est tout et je pense qu'il y avait
 
pas mal de virulents, les jeunes qui arrivaient sur le chantier étaient un p'tit peu poussés à
 
s'engager, nous, de toute façon quand on sortait des apprentis, on avait des réunions
 
officielles avec tous les syndicats.
 
Les syndicats jouaient des coudes pour avoir le maximum parce qu'on sortait une centaine
 
d'apprentis chaque année, ça faisait des effectifs et puis du sang jeune
 
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Ce qui a permis la construction de cette solidarité syndicale aux ateliers des Capucins, c'est
 
principalement ce socle d'identités partagées, en effet chaque individu se sentait alors membre
 
d'un groupe manifestant des intérêts communs qu'il s'agissait ainsi de défendre.
 
Lors des restructurations de l'entreprise, et surtout lors du transfert des activités des Capucins,
 
les syndicats ont connu un déclin relativement important, les effectifs ont baissé de manière
 
considérable, ceci peut s'expliquer par les départs massifs des personnels et l'arrivée
 
d'individus partageant une faible culture syndicale. De même, le phénomène sociétal qu'est la
 
montée d l'individualisme et le repli vers la sphère privée ont largement contribué à la baisse
 
d'adhésions syndicales. Il faut également préciser que lors du transfert, les personnes ont été
 
réparties dans différents ateliers ce qui a engendré des distanciations.
 
En fait au plateau il n'y a que la CGT qui a défendu, qui ont vraiment été les derniers
 
mohicans, avec Luc Tréguer par exemple, qui ont lutté, il n'y avait que la CGT, après Luc
 
Tréguer était considéré comme,pas un bandit (...) et il était obligé de jouer serré.
 
Le télégramme 7 juin 2004
 
Luc Tréguer, syndicaliste de la CGT :
 
Je ne pense pas que je reviendrai ici après mon départ à la retraite tellement
 
ça me fait mal de parler de ce gâchis industriel...
 
 
 
''Donc en 2004, on est parti de l'atelier des machines alors l'argument invoqué c'était le schéma directeur industriel, donc qui demandait de recentrer un peu toutes les activités, du côté de Laninon, on l'a très mal vécu, pour nous, ça devait se faire mais ça devait se faire en son temps, ça fait quand même des siècles que ces services là étaient là donc on a un peu mal vécu cette histoire. on ne fonctionnait plus comme un atelier des machines comme on l'entendait, nous, avant, on faisait tout quoi, on faisait tout, on faisait des arbres d'hélice, on ne peut plus faire des arbres d'hélice... après fatalement alors le plateau c'était machines,
 
chaud', électricité et machines R, donc, ça a été dispatché, y en a qui se sont retrouvés à SEM, service électromécanique dont électricité et machines R, y en a qui se sont retrouvés dans la chaudronnerie, y en a d'autres à l'usinage, donc tout ça, ça été dilué, , ça a perdu, c'est clair, syndicalement, on a perdu en termes d'actions, on a perdu, ça c'est sûr.''
 
''Le plateau c'est un truc qui a laissé des traces chez les ouvriers ça a laissé, les gens se sont dits quand même un peu trahis on n'est pas dupes, de toute façon quand ils ont déménagé, quand ils ont transféré les activités, y a plein de machines outils qui sont restées derrière, y a plein d'activités qui n'ont pas été transférées donc comme les ouvriers n'étaient
 
pas remplacés...''
 
 
 
La fermeture de l'école de formation ayant retardé l'entrée dans le monde du travail a rendu aléatoire la transmission des valeurs essentiellement orale sur lesquelles reposait le syndicalisme. De même, le nouveau personnel est d'une certaine manière mieux informé et n'hésite pas alors à s'adresser directement à leur supérieur sans passer par le biais d'un délégué, privant ainsi les syndicats d'une source d'adhésions.
 
 
 
De même, à l'instar de la crise syndicale en France, les syndicats de l'arsenal de Brest et leur influence n'ont pas été épargnés par la crise économique, en effet les plans de restructuration, les menaces liées à la question du statut du personnel, la privatisation de l'entreprise DCN, les baisses importantes des effectifs, tous ces phénomènes ont engendré un climat négatif peu
 
propice aux actions revendicatives considérées comme plus risquées, de même le paiement des cotisations semble plus difficile, ainsi ce serait plutôt le « chacun pour soi ».
 
 
 
''On a beaucoup plus de mal à faire suivre les gens dans la rue, ça c'est beaucoup plus difficile, à l'époque, ceux qui ne faisaient pas grève étaient montrés du doigt. Quand la Jeanne partait, tous les ans, c'était le rituel, y avait manif, on allait devant la Jeanne, on profitait, des caméras puis on faisait passer un message c'était le rituel.''
 
 
 
''Ça fait quinze ans, des grèves, y en avait dix fois plus que maintenant. Si dans la société, les solidarités n'arrivent plus à s'exprimer, le syndicalisme en France, il est pauvre, y a 7% de syndiqués, et encore parce qu'on compte les retraités, il faut
 
aussi regarder les choses.''
 
 
 
 
 
 
 
 
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