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Siège de l'école de Saint-Méen et l'expulsion des Soeurs en août 1902 : Différence entre versions

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« Les hommes et les femmes qui se trouvent dans l'enclos de l'école ne peuvent prêter secours à leurs camarades qui sont sur le chemin. Ceux-ci sont donc moins nombreux que les soldats et les gendarmes, mais ils semblent aussi inébranlables que des rochers. Par une sorte de coquetterie, ils lèvent leur ''pen-bas'' comme pour faire le salut des armes. Les femmes pleurent de joie et d'admiration. ''Bravo, les hommes ! Vous êtes beaux !''. Puis elles entonnent le ''Parce Domine''. L'abbé Gayraud, le recteur de Saint-Méen et deux autres prêtres sont au milieu de leurs fidèles, et les conjurent de ne pas verser le sang. Ceux-ci, farouches, ne répondent pas. L'abbé Gayraud insiste : ''Jetez vos bâtons ! '' Personne ne bouge. Enfin il trouve des accents qui vont jusqu'aux cœurs. La plupart jettent leurs bâtons et se croisent les bras, plus fiers, plus farouches encore. Les officiers, les gendarmes les supplient de se retirer. ''Oh ! Non, jamais'', crient-ils, ''venez nous enlever''. Le sous-préfet, blême, tient crânement tête à l'orage. M. Moerdes, lui, veut sourire ; il tire même une cigarette de sa poche et s'apprête à l'allumer quand un Breton, se dressant de tout son haut sur la barricade, lui jette ces paroles : ''Ne sentez-vous pas qu'il est inconvenant de fumer devant des barricades, Monsieur le commissaire ? Jetez votre cigarette, ou je vous l'ôte moi-même de la bouche''. M. Moerdès pâlit, lance des menaces au Breton impassible, et finalement rengaine la cigarette dans son étui. »
 
« Les hommes et les femmes qui se trouvent dans l'enclos de l'école ne peuvent prêter secours à leurs camarades qui sont sur le chemin. Ceux-ci sont donc moins nombreux que les soldats et les gendarmes, mais ils semblent aussi inébranlables que des rochers. Par une sorte de coquetterie, ils lèvent leur ''pen-bas'' comme pour faire le salut des armes. Les femmes pleurent de joie et d'admiration. ''Bravo, les hommes ! Vous êtes beaux !''. Puis elles entonnent le ''Parce Domine''. L'abbé Gayraud, le recteur de Saint-Méen et deux autres prêtres sont au milieu de leurs fidèles, et les conjurent de ne pas verser le sang. Ceux-ci, farouches, ne répondent pas. L'abbé Gayraud insiste : ''Jetez vos bâtons ! '' Personne ne bouge. Enfin il trouve des accents qui vont jusqu'aux cœurs. La plupart jettent leurs bâtons et se croisent les bras, plus fiers, plus farouches encore. Les officiers, les gendarmes les supplient de se retirer. ''Oh ! Non, jamais'', crient-ils, ''venez nous enlever''. Le sous-préfet, blême, tient crânement tête à l'orage. M. Moerdes, lui, veut sourire ; il tire même une cigarette de sa poche et s'apprête à l'allumer quand un Breton, se dressant de tout son haut sur la barricade, lui jette ces paroles : ''Ne sentez-vous pas qu'il est inconvenant de fumer devant des barricades, Monsieur le commissaire ? Jetez votre cigarette, ou je vous l'ôte moi-même de la bouche''. M. Moerdès pâlit, lance des menaces au Breton impassible, et finalement rengaine la cigarette dans son étui. »
  
« Les barricades forcées, ç'a été une poursuite à coups de crosse et à coups de poings ; le recteur de Saint-Méen qui, du haut du talus, exhorte ses paroissiens au calme, est saisi à bras le corps par un officier qui le jette en bas du talus au milieu de la boue. »
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« Les barricades forcées, ç'a été une poursuite à coups de crosse et à coups de poings ; le recteur de Saint-Méen qui, du haut du talus, exhorte ses paroissiens au calme, est saisi à bras le corps par un officier qui le jette en bas du talus au milieu de la boue. L'ordre de charger est donné. Alors commence une scène que je n'oublierai jamais de ma vie. Des trois côtés à la fois les soldats et les gendarmes se ruent sur les paysans. Ceux-ci reçoivent le choc sans broncher, sans fléchir d'un pas. Ils saisissent leurs adversaires à bras le corps et roulent avec eux dans la boue. N'oublions pas qu'il pleut à torrent. D'autres les aveuglent en leur jetant de la terre dans les yeux. »
  
  

Version du 17 décembre 2012 à 18:55

Le "Bulletin des Congrégations", journal évidemment favorable aux protestataires, raconte en ces termes les évènements survenus à Saint-Méen les 17 et 18 août 1902, à la suite de la décision d'expulsion des congrégations religieuses décidée par le gouvernement de l'époque :

« La foule sort des vêpres. M. l'abbé Gayraud gravit les marches du calvaire et la harangue. (...) Il lit la dépêche au Président du Conseil et termine : « Êtes-vous toujours disposés à défendre vos Sœurs ? ». « Oui, jusqu'à la mort » répondent cent voix. « C'est bien, vous me trouverez à votre tête » (...)[1]»

« Le tocsin sonne dans toutes les paroisses. De lourds nuages roulent dans le ciel.La route de Lesneven à Saint-Méen est semée de patrouilles à pied et à cheval, des sonneurs de trompe et de clairon parcourent à cheval les fermes (...). Il n'est pas 11 heures (du soir) lorsque je pénètre dans Saint-Méen. 200 hommes et autant de femmes sont rassemblés devant le Calvaire. Les femmes chantent des cantiques en breton ; les hommes discutent, appuyés sur leur pen-bas (bâton). Sur toutes les routes, tous les sentiers, on entrevoit des groupes humains qui se meuvent. Dans toutes les directions retentissent des appels. Minuit : la phalange héroïque est rassemblée. Il en est venu depuis près de trois lieues. M. l'abbé Gayraud prononce quelques paroles. La foule répond par des acclamations enthousiastes et les cris : « Vivent les Sœurs ! À bas Combes ! À bas le ministère ! » Que vont faire des hommes, ces femmes, pendant les longues heures de la nuit qui restent à passer ? Dormir ? Non. Les femmes se rangent par rangs de six, et se tenant par le bras, vont de l'église à l'école en chantant le Cantique à Sainte-Anne, l' Ave Maria et Nous voulons Dieu. Comme les hommes, elles portent des bâtons ou des branches d'ajonc. Les hommes se forment en peloton et, précédés des clairons qui sonnent comme des enragés, exécutent des charges au pas gymnastique, puis se massent à nouveau autour de l'abbé Gayraud et entament la Marseillaise avec cette variante : Hardis Bretons ! Debout et nous vaincrons ! Et encore Vive la liberté ! (...) »

« Je dois expliquer ici, en quelques mots, le plan de bataille. L'école de Saint-Méen n'est pas close de murs comme celles de Ploudaniel et du Folgoët. Du côté de la route, elle n'est abritée que par une simple grille renforcée de madriers et une épaisse haie d'aubépines. Par derrière, elle n'est séparée des champs que par une haie facile à franchir. (...) »

« Le 18 août, 5 heures du matin : la pluie tombe sans interruption depuis deux heures, hommes et femmes continuent sans interruption leurs exercices et leurs cantiques, indifférents à cette douche glacée. (...) Le tocsin sonne. Les troupes appellent à la bataille ceux qui se sont écartés. Au dernier moment, on ferme l'entrée de la route par une barricade formée de quatre voitures. Autour de l'école, c'est une muraille vivante. Voici les soldats. À l'entrée du village, une clameur immense, prolongée, violente, saccadée, retentit : Vivent les Sœurs ! Vive la liberté ! À bas Combes !. Puis un millier de voix entonnent le Parce Domine. C'est poignant. »

« Il était 11 heures du matin lorsque les gendarmes et le bataillon colonial se sont présentés devant la petite barricade. L'expédition était dirigée par le sous-préfet en personne, M. Moerdes, commissaire à Brest et deux commissaires-adjoints. M. Moerdès et le sous-préfet sont livides ; ils essaient d'haranguer la foule. Les paysans répondent par des cris : Vivent les Sœurs ! Vive la liberté ! Allez-vous-en ! Nous les défendrons jusqu'à la mort !Voyant l'inutilité de son éloquence, le sous-préfet ordonne à l'infanterie de marine d'envelopper l'école. Les hommes font face sur tous les points. Des fenêtres, des haies de la cour, des jardins, les femmes les excitent de la voix et du geste. De temps en temps, elles s'interrompent pour entonner un cantique ou réciter l' Ave Maria les bras en croix. Elles adjurent les soldats de s'en retourner, de leur laisser leurs Sœurs. Des scènes déchirantes, à attendrir un rocher, se passent alors. Beaucoup de soldats détournent la tête, quelques-uns ricanent. Une femme apostrophe ces malheureux : Vous n'avez donc pas de mère ! Vous n'avez donc pas de sœurs ! On voit bien que vous n'êtes pas des soldats comme les autres ! Vous êtes des vauriens ! »

« Le mouvement tournant est achevé. Les gendarmes essaient d'enlever la barricade de voitures qui obstrue l'entrée de la rue. Ils sont repoussés à coups de pen-bas (bâtons). M. Lhomond, commissaire de police, est blessé à la tête. Un médecin major le panse aussitôt. Le sous-préfet veut parlementer de nouveau. Il demande M. l'abbé Gayraud. Celui-ci, ceint de son écharpe tricolore, franchit la barricade et converse quelques minutes avec les chefs de l'expédition. Que répond-il ? Je l'ignore. Mais je crois qu'on peut traduire ainsi ses paroles : Vous voulez les Sœurs ? Venez les prendre. Le sous-préfet annonce qu'il va faire donner l'assaut. À ce moment critique, environ 300 paysans occupent le chemin qui longe la grille de l'école. L'infanterie coloniale et la gendarmerie sont massées aux deux extrémités, de l'autre côté des barricades. Elles occupent en même temps le champ qui domine la route, à l'exception des haies. »

« Les hommes et les femmes qui se trouvent dans l'enclos de l'école ne peuvent prêter secours à leurs camarades qui sont sur le chemin. Ceux-ci sont donc moins nombreux que les soldats et les gendarmes, mais ils semblent aussi inébranlables que des rochers. Par une sorte de coquetterie, ils lèvent leur pen-bas comme pour faire le salut des armes. Les femmes pleurent de joie et d'admiration. Bravo, les hommes ! Vous êtes beaux !. Puis elles entonnent le Parce Domine. L'abbé Gayraud, le recteur de Saint-Méen et deux autres prêtres sont au milieu de leurs fidèles, et les conjurent de ne pas verser le sang. Ceux-ci, farouches, ne répondent pas. L'abbé Gayraud insiste : Jetez vos bâtons ! Personne ne bouge. Enfin il trouve des accents qui vont jusqu'aux cœurs. La plupart jettent leurs bâtons et se croisent les bras, plus fiers, plus farouches encore. Les officiers, les gendarmes les supplient de se retirer. Oh ! Non, jamais, crient-ils, venez nous enlever. Le sous-préfet, blême, tient crânement tête à l'orage. M. Moerdes, lui, veut sourire ; il tire même une cigarette de sa poche et s'apprête à l'allumer quand un Breton, se dressant de tout son haut sur la barricade, lui jette ces paroles : Ne sentez-vous pas qu'il est inconvenant de fumer devant des barricades, Monsieur le commissaire ? Jetez votre cigarette, ou je vous l'ôte moi-même de la bouche. M. Moerdès pâlit, lance des menaces au Breton impassible, et finalement rengaine la cigarette dans son étui. »

« Les barricades forcées, ç'a été une poursuite à coups de crosse et à coups de poings ; le recteur de Saint-Méen qui, du haut du talus, exhorte ses paroissiens au calme, est saisi à bras le corps par un officier qui le jette en bas du talus au milieu de la boue. L'ordre de charger est donné. Alors commence une scène que je n'oublierai jamais de ma vie. Des trois côtés à la fois les soldats et les gendarmes se ruent sur les paysans. Ceux-ci reçoivent le choc sans broncher, sans fléchir d'un pas. Ils saisissent leurs adversaires à bras le corps et roulent avec eux dans la boue. N'oublions pas qu'il pleut à torrent. D'autres les aveuglent en leur jetant de la terre dans les yeux. »


Notes et références

  1. "Bulletin des Congrégations", 24 août 1902, consultable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57577650/f6.image.r=Ploudaniel.langFR
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