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De Wiki-Brest

Les sites wiki une nouvelle forme d'archives : Différence entre versions

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[http://www.lapresse.ca/ La presse, par Nicolas Ritoux, Collaboration spéciale]
tacricelch
 
La presse, par Nicolas Ritoux,
 
Collaboration spσ©ciale
 
  
'''LES SITES Ï‚«WIKIÏ‚»: UNE NOUVELLE FORME D'ARCHIVES'''
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==Mes mémoires sur Internet==
  
'''Mes mσ©moires sur Internet'''
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''Les sites «wiki» comme [http://www.memoryarchive.org/ MemoryArchive.org] permettent aux gens de faire passer à la postérité des expériences personnelles aussi variées qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'étaient massés en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.''
  
''Les sites Ï‚«wikiÏ‚» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer σ  la postσ©ritσ© des expσ©riences personnelles aussi variσ©es qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'σ©taient massσ©s en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.
 
  
Photo Martin Tremblay, archives La Presse
 
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Des souvenirs de guerre des vétérans à votre premier show de Metallica, le Web se découvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il été un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mémoirer les recherches des internautes au bénéfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultra précis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.
  
 +
La ville française de Brest, nichée au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abrité d'importantes installations militaires, de l'Antiquité à nos jours. Son emplacement stratégique n'a pas échappé aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.
  
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Résultat : Brest a été pilonné sans relâche par les Alliés de 1941 à 1944, quand les Américains l'ont enfin pris après un siège de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bâtiments dans l'ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complètement rasé, ne laissant aux générations futures que quelques photos jaunies.
  
Des souvenirs de guerre des vσ©tσ©rans σ  votre premier show de Metallica, le Web se dσ©couvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il σ©tσ© un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mσ©moirer les recherches des internautes au bσ©nσ©fice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultraprσ©cis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.
 
  
La ville franσ§aise de Brest, nichσ©e au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abritσ© d'importantes installations militaires, de l'Antiquitσ© σ  nos jours. Son emplacement stratσ©gique n'a pas σ©chappσ© aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.
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Seuls les aînés, de moins en moins nombreux, ont encore une idée de ce qu'était la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont décidé d'aller la recueillir pour la postérité, dans le cadre d'un projet Web organisé par la municipalité : Wiki-Brest.
  
Rσ©sultat : Brest a σ©tσ© pilonnσ© sans relσ¢che par les Alliσ©s de 1941 σ  1944, quand les Amσ©ricains l'ont enfin pris aprσ¨s un siσ¨ge de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bσ¢timents dans l'ensemble du Ï‚« vieux Brest Ï‚». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complσ¨tement rasσ©, ne laissant aux gσ©nσ©rations futures que quelques photos jaunies.
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==Ressusciter les quartiers de la ville==
  
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Michel Briand est un maire adjoint très branché. C'est lui qui a installé, dès les débuts d'Internet, le premier des 77 points d'accès publics à Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancé un programme de formation des citoyens à la rédaction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer à un projet de mémoire collective sur le Web, basé sur l'outil le plus démocratique d'Internet : un « wiki ».
  
Seuls les aσ®nσ©s, de moins en moins nombreux, ont encore une idσ©e de ce qu'σ©tait la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont dσ©cidσ© d'aller la recueillir pour la postσ©ritσ©, dans le cadre d'un projet Web organisσ© par la municipalitσ© : Wiki-Brest (http://www.wiki-brest.net).
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Petit rappel : un site « wiki » permet à tous ses visiteurs de créer ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopédie Wikipédia. (''[http://fr.wikipedia.org source Wikipédia]'')
  
'''Ressusciter les quartiers de la ville'''
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Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'à sa première année d'existence, on peut déjà lire les récits vécus d'une enfance dans les « baraques » où vivaient les familles expropriées en raison de la guerre, ou d'une grève de 1953, ou de l'Â’ouverture d'une école en 1966.
  
Michel Briand est un maire adjoint trσ¨s branchσ©. C'est lui qui a installσ©, dσ¨s les dσ©buts d'Internet, le premier des 77 points d'accσ¨s publics σ  Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancσ© un programme de formation des citoyens σ  la rσ©daction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer σ  un projet de mσ©moire collective sur le Web, basσ© sur l'outil le plus dσ©mocratique d'Internet : un Ï‚« wiki Ï‚».
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On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaériens commentées par les retraités qui les ont prises, ou le récit d'une visite d'écoliers dans les restes d'un bunker allemand.
  
Petit rappel : un site Ï‚« wiki Ï‚» permet σ  tous ses visiteurs de crσ©er ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopσ©die Wikipedia. http://fr.wikipedia.org
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« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recèlent , explique M. Briand en entrevue téléphonique. On veut valoriser cette richesse insoupçonnée, en interrogeant les gens qui ont vécu là, qui étaient souvent des pêcheurs ou d'autres marins. On veut dire à ces gens que leurs souvenirs sont précieux et qu'ils ont tous quelque chose à nous apprendre. »
  
Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'σ  sa premiσ¨re annσ©e d'existence, on peut dσ©jσ  lire les rσ©cits vσ©cus d'une enfance dans les Ï‚« baraques Ï‚» oσ¹ vivaient les familles expropriσ©es en raison de la guerre, ou d'une grσ¨ve de 1953, ou de l'Ï‚’ouverture d'une σ©cole en 1966.  
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« On fait chaque trimestre une collecte thématique de données sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajouté en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scène locale, etc. Une fois, nous sommes allés dans un foyer de personnes âgées qui nous ont prêté leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant à recueillir les propos des plus vieux. »
  
On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaσ©riens commentσ©es par les retraitσ©s qui les ont prises, ou le rσ©cit d'une visite d'σ©coliers dans les restes d'un bunker allemand.
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Ces groupes sont constitués d'élèves en difficulté qui, dit-il, ont de l'énergie à revendre. « Les personnes âgées ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ça les aide à reconquérir une estime d'eux-mêmes. »
  
Ï‚« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recσ¨lent , explique M. Briand en entrevue tσ©lσ©phonique. On veut valoriser cette richesse insoupσ§onnσ©e, en interrogeant les gens qui ont vσ©cu lσ , qui σ©taient souvent des pσªcheurs ou d'autres marins. On veut dire σ  ces gens que leurs souvenirs sont prσ©cieux et qu'ils ont tous quelque chose σ  nous apprendre. Ï‚»
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Afin de refléter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions muséales et d'écoles de la ville. Par exemple, un musée de la géologie du bord de mer crée actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.
  
Ï‚« On fait chaque trimestre une collecte thσ©matique de donnσ©es sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajoutσ© en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scσ¨ne locale, etc. Une fois, nous sommes allσ©s dans un foyer de personnes σ¢gσ©es qui nous ont prσªtσ© leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant σ  recueillir les propos des plus vieux. Ï‚»
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« On va créer plusieurs promenades interactives comme ça, où les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent écouter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vécu là, accompagnés de propos historiques. Tout le monde pourra créer ses propres wikibalades », précise M. Briand, qui tient absolument à ce que les citoyens fassent eux-mêmes vivre le site selon un principe d'«appropriation».  
  
Ces groupes sont constituσ©s d'σ©lσ¨ves en difficultσ© qui, dit-il, ont de l'σ©nergie σ  revendre. Ï‚« Les personnes σ¢gσ©es ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que σ§a les aide σ  reconquσ©rir une estime d'eux-mσªmes. Ï‚»
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« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »
  
Afin de reflσ©ter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions musσ©ales et d'σ©coles de la ville. Par exemple, un musσ©e de la gσ©ologie du bord de mer crσ©e actuellement une Ï‚« wikibalade Ï‚» qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.
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==Mon premier concert de Metallica==
  
Ï‚« On va crσ©er plusieurs promenades interactives comme σ§a, oσ¹ les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent σ©couter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vσ©cu lσ , accompagnσ©s de propos historiques. Tout le monde pourra crσ©er ses propres wikibalades Ï‚», prσ©cise M. Briand, qui tient absolument σ  ce que les citoyens fassent eux-mσªmes vivre le site selon un principe d'Ï‚«appropriationÏ‚».  
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Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » créé par Marshall Poe, professeur d'histoire à l'Université Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly à Washington.  
  
Ï‚« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. Ï‚»
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N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un événement, ou d'une personne « qui pourraient présenter le moindre intérêt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans », indique la présentation du site.
  
'''Mon premier concert de Metallica'''
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Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourré son soutien-gorge à 13 ans pour faire croire aux gars de l'école qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa première entrevue avec John Lennon pour un magazine américain, à Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fierté qu'il a eu de posséder 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinés par la dépression ne lui coupent son argent de poche. Et ça continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...
  
Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre Ï‚« wiki Ï‚» crσ©Ïƒ© par Marshall Poe, professeur d'histoire σ  l'Universitσ© Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly σ  Washington.  
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« Ces récits sont tous très personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancé ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University à Washington.  
  
N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un σ©vσ©nement, ou d'une personne Ï‚« qui pourraient prσ©senter le moindre intσ©rσªt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans Ï‚», indique la prσ©sentation du site.
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« J'étais supposé leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spécialité, mais je venais de découvrir les «wikis» et je leur ai donné le choix entre apprendre l'histoire russe, ou réaliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps à choisir ! »
  
Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourrσ© son soutien-gorge σ  13 ans pour faire croire aux gars de l'σ©cole qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa premiσ¨re entrevue avec John Lennon pour un magazine amσ©ricain, σ  Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fiertσ© qu'il a eu de possσ©der 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinσ©s par la dσ©pression ne lui coupent son argent de poche. Et σ§a continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...
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==Une valeur historique ?==
  
Ï‚« Ces rσ©cits sont tous trσ¨s personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse Ï‚», explique Marshall Poe, qui a lancσ© ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University σ  Washington.  
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On peut se demander quelle est la valeur historique de récits comme « j'ai croisé Quentin Tarantino dans une salle de cinéma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la réponse ne peut être que subjective.
  
Ï‚« J'σ©tais supposσ© leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spσ©cialitσ©, mais je venais de dσ©couvrir les Ï‚«wikisÏ‚» et je leur ai donnσ© le choix entre apprendre l'histoire russe, ou rσ©aliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps σ  choisir ! Ï‚»
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« En tant qu'historien, je crois que tout ça a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ça dans 100 ans, quand la vie sera totalement différente. Ce sera aussi étrange que de lire un article de journal du siècle dernier. Les récits du site vont devenir plus intéressants à mesure que le temps passe. »
  
'''Une valeur historique?'''
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À condition, bien sûr, que le Web comme on le connaît existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version française de MemoryArchive.org devrait être ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.
  
On peut se demander quelle est la valeur historique de rσ©cits comme Ï‚« j'ai croisσ© Quentin Tarantino dans une salle de cinσ©ma Ï‚» ou Ï‚« mon premier concert de Metallica Ï‚». Pour Marshall Poe, la rσ©ponse ne peut σªtre que subjective.
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[[Catégorie:Vie du projet]]
 
 
Ï‚« En tant qu'historien, je crois que tout σ§a a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant σ§a dans 100 ans, quand la vie sera totalement diffσ©rente. Ce sera aussi σ©trange que de lire un article de journal du siσ¨cle dernier. Les rσ©cits du site vont devenir plus intσ©ressants σ  mesure que le temps passe. Ï‚»
 
 
 
σ€ condition, bien sσ»r, que le Web comme on le connaσ®t existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version franσ§aise de MemoryArchive.org devrait σªtre ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.
 
 
 
[[Catσ©gorie:Vie du projet]]
 

Version actuelle datée du 22 décembre 2015 à 11:56

La presse, par Nicolas Ritoux, Collaboration spéciale

Mes mémoires sur Internet

Les sites «wiki» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer à la postérité des expériences personnelles aussi variées qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'étaient massés en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.


Des souvenirs de guerre des vétérans à votre premier show de Metallica, le Web se découvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il été un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mémoirer les recherches des internautes au bénéfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultra précis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.

La ville française de Brest, nichée au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abrité d'importantes installations militaires, de l'Antiquité à nos jours. Son emplacement stratégique n'a pas échappé aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.

Résultat : Brest a été pilonné sans relâche par les Alliés de 1941 à 1944, quand les Américains l'ont enfin pris après un siège de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bâtiments dans l'ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complètement rasé, ne laissant aux générations futures que quelques photos jaunies.


Seuls les aînés, de moins en moins nombreux, ont encore une idée de ce qu'était la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont décidé d'aller la recueillir pour la postérité, dans le cadre d'un projet Web organisé par la municipalité : Wiki-Brest.

Ressusciter les quartiers de la ville

Michel Briand est un maire adjoint très branché. C'est lui qui a installé, dès les débuts d'Internet, le premier des 77 points d'accès publics à Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancé un programme de formation des citoyens à la rédaction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer à un projet de mémoire collective sur le Web, basé sur l'outil le plus démocratique d'Internet : un « wiki ».

Petit rappel : un site « wiki » permet à tous ses visiteurs de créer ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopédie Wikipédia. (source Wikipédia)

Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'à sa première année d'existence, on peut déjà lire les récits vécus d'une enfance dans les « baraques » où vivaient les familles expropriées en raison de la guerre, ou d'une grève de 1953, ou de l'Â’ouverture d'une école en 1966.

On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaériens commentées par les retraités qui les ont prises, ou le récit d'une visite d'écoliers dans les restes d'un bunker allemand.

« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recèlent , explique M. Briand en entrevue téléphonique. On veut valoriser cette richesse insoupçonnée, en interrogeant les gens qui ont vécu là, qui étaient souvent des pêcheurs ou d'autres marins. On veut dire à ces gens que leurs souvenirs sont précieux et qu'ils ont tous quelque chose à nous apprendre. »

« On fait chaque trimestre une collecte thématique de données sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajouté en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scène locale, etc. Une fois, nous sommes allés dans un foyer de personnes âgées qui nous ont prêté leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant à recueillir les propos des plus vieux. »

Ces groupes sont constitués d'élèves en difficulté qui, dit-il, ont de l'énergie à revendre. « Les personnes âgées ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ça les aide à reconquérir une estime d'eux-mêmes. »

Afin de refléter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions muséales et d'écoles de la ville. Par exemple, un musée de la géologie du bord de mer crée actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.

« On va créer plusieurs promenades interactives comme ça, où les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent écouter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vécu là, accompagnés de propos historiques. Tout le monde pourra créer ses propres wikibalades », précise M. Briand, qui tient absolument à ce que les citoyens fassent eux-mêmes vivre le site selon un principe d'«appropriation».

« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »

Mon premier concert de Metallica

Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » créé par Marshall Poe, professeur d'histoire à l'Université Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly à Washington.

N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un événement, ou d'une personne « qui pourraient présenter le moindre intérêt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans », indique la présentation du site.

Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourré son soutien-gorge à 13 ans pour faire croire aux gars de l'école qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa première entrevue avec John Lennon pour un magazine américain, à Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fierté qu'il a eu de posséder 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinés par la dépression ne lui coupent son argent de poche. Et ça continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...

« Ces récits sont tous très personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancé ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University à Washington.

« J'étais supposé leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spécialité, mais je venais de découvrir les «wikis» et je leur ai donné le choix entre apprendre l'histoire russe, ou réaliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps à choisir ! »

Une valeur historique ?

On peut se demander quelle est la valeur historique de récits comme « j'ai croisé Quentin Tarantino dans une salle de cinéma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la réponse ne peut être que subjective.

« En tant qu'historien, je crois que tout ça a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ça dans 100 ans, quand la vie sera totalement différente. Ce sera aussi étrange que de lire un article de journal du siècle dernier. Les récits du site vont devenir plus intéressants à mesure que le temps passe. »

À condition, bien sûr, que le Web comme on le connaît existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version française de MemoryArchive.org devrait être ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.

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