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Histoire du Bouguen hiver 1954

L'histoire du Bouguen en hiver 1954 Dans l'hiver de l'année 1954, cette année là a eu lieu l'opération de l'abbé Pierre pour les sans-abris.

Les habitants du Bouguen, en se réveillant, ont découvert des glaçons qui pendaient des toits, une température et de la neige : un temps à ne pas mettre le nez dehors.

Mais pour les enfants que nous étions, prendre la glace des toits pour la sucer, nous semblait tout naturel. Faire des glissades sur la neige, jouer ainsi, quoi de plus simple pour les gosses des baraques, la télé, à l'époque, n'était pas encore là. Nous étions heureux de vivre dehors, la nature à notre porte, pas de télé ; la radio parfois, avec les chanteurs de l'époque : le jeu des 1000 francs. Pas de violences pas d'agressions, ma baraque était ouverte en permanence. Le 28 juillet 1947, une nouvelle tragédie va secouer Brest. Le liberty- Ship "Océan Liberty", avec un chargement de 3133 tonnes de nitrate d'ammonium, (engrais chimique) ; prend feu, et à 17 h 25, l'explosion se produit. Trois ans après la guerre qui à déjà détruit la ville, sa reconstruction en prend un sérieux coup (toitures, baraques des réfugiés, vitres soufflées par ce nouveau coup du destin, un des hasards de la vie) un morceau de ferraille atterrit dans un quartier de baraques. J'avais 2 ans, ma tante qui était à la maison m'a raconté en long et en large cet épisode de ma jeunesse, comment elle s'est sauvée, avec moi dans ses bras, pour aller se cacher dans un fossé. La peur de sa vie, de nouveaux bombardements ? Que se passe - t'il. Après elle a appris l'explosion au port de commerce, les victimes, une grande tristesse pour elle comme pour toute la ville qui n'avait pas besoin de cette nouvelle tragédie.

Les petits métiers du Bouguen animent aussi la vie de la cité.

Le vitrier, ancien militaire, (mon grand père) Alphonse Le Guen, un petit bonhomme, "le mangeur de pointes" pour les enfants, certains petits en avaient peur. Il avait les pointes dans la bouche pour les mettre au bord des vitres, un mystère pour les enfants. Un as dans son métier, un filou aussi. Souvent il lui arrivait de prendre l'argent de son travail avant la pose des vitres, et ensuite les clients attendaient souvent son passage. Ma mère, bien souvent la pauvre, devait rembourser car le vitrier avait investi l'argent dans sa petite chopine. Son métier, il le pratiquait dans tous les quartiers de baraques de la ville. Brave homme quand même, il avait l'estime des habitants, au lit avec les poules le soir et debout le matin avec le coq comme le militaire qu'il avait été. Les charbonniers (mon oncle, plus pépé de Brest 2) Les rois des charbonniers. La vente du charbon dans les quartiers, un jeu pour les crieurs. "Charbonnier" le cri était connu. Là aussi ont pourrait faire un roman, le cœur sur la main, le crédit à l'époque était chose courante, pas besoin de papier, seule la parole comptait.

Les ferrailleurs du quartier (des amis aussi et des gens généreux)

Le négoce des métaux, une affaire qui à cette époque a rapporté gros (une fortune pour certains) des anecdotes aussi, Monsieur S du quartier sort sa cuisinière de la maison pour en faire le nettoyage de printemps, chose qui fut faite mais voilà que passe le ferrailleur. Une cuisinière dehors, sûrement jetée, la masse arrive, la cuisinière se retrouve, vite fait bien fait, réduite à l'état de morceaux de ferraille bons pour la vente. Hurlement du propriétaire qui arrive, ma cuisinière ! L'affaire fut vite réglée entres eux, dans la journée une cuisinière neuve était de retour pour réparer cette erreur, bonne affaire pour l'un, mauvaise pour l'autre, ainsi va la vie.

L'affûteur de couteaux, ciseaux, un artisan du quartier de la famille d'un très célèbre coureur cycliste. Le bijoutier en baraque qui n'avait pas besoin de coffre fort, les braquages n'étaient pas dans les coutumes des habitants du Bouguen.

Le marché du jeudi. Les marchands de fruits et légumes, de linge, draps couvertures, le marchand de conserves avec ses sardines en boîtes, treize à la douzaine. Lieu de rencontre des femmes des différents quartiers de baraques, une avant - première des nouvelles de l'ensemble du quartier, de quoi alimenter les conversations de la semaine.

Certains enfants de la cité donnaient un coup de main aux commerçants, moyennant la petite pièce à la fin de leur travail. Ce petit pécule servait à payer la place de cinéma au patronage le jeudi. L'autre cinéma le "Select" était aussi une sortie pour nous, les films d'aventures, et d'autres thèmes. A la fin du ciné nous discutions avec les copains et copines, à notre manière nous réécrivions le film pour le mettre à l'image que nous voulions. Combien d'idylles dans ce cinéma ? Le monde est à nous et nous sommes tous simplement heureux de notre situation.




En 1956 une grosse tempête survint en pleine nuit, la foudre le vent, des toits se soulèvent, nos baraques en carton souffrent, les habitants sont dans la rue, avec la crainte de voir partir leurs maisons. Le 1er Avril de l'année 1970, un mercredi, au Bouguen ouest un incendie ravage quelques baraques. Les téléphones, une denrée rare, seuls les cafés, les médecins, en possèdent. Pas de cabine. Le café du plateau en a un, les pompiers sont prévenus, mais voilà on est le 1er avril : une plaisanterie, sûrement des enfants qui font une blague, un deuxième coup de téléphone fut nécessaire.

Une grande panique s'empare du quartier, le vent s'en mêle attisant l'incendie, lui donnant encore plus de violence, l'embrasement est général les baraques prennent feu à une vitesse incroyable, la cité risque de brûler en entier. Les gens qui n'étaient pas bien riches commencent à regrouper leurs maigres affaires, des balluchons sont prêts l'évacuation est imminente.

Après un dur combat contre le feu les pompiers arrivent à maîtriser cet incendie, l'aide des jeunes et des voisins fût d'un grand secours pour les hommes du feu. Les sinistrés furent relogés dans d'autres baraques où dans la famille. Les ouvriers du bâtiment, affectés de cette situation, ainsi que monsieur Echardour et monsieur Tournellec, demandent aux ouvriers du bâtiment et des travaux publics d'apporter leur soutien matériel aux personnes sinistrées. La générosité des brestois se manifeste aussi. Notre départ pour un H L M fût au début une joie, qui bien vite se transforma en cauchemar pour certaines familles, car c'est un nouveau mode de vie, des voisins dessus, des voisins dessous, des bruits inconnus. Les autres locataires nous sont inconnus, en baraques nous avions la solidarité entre voisins, entre les gosses de familles différentes, mais souvent considérés comme frères plus que comme copains.

Il faut savoir que pour avoir son H L M, il fallait être à jour de ses loyers de la baraque, ce qui donnait une espèce de priorité pour accéder à un logement, en apparence de meilleure qualité. Partir de son habitation provisoire, perdre son petit jardin. Les familles avec des revenus plus modestes et un retard de loyer se voyaient de toute façon exclues de toute attribution locative.

Certaines familles, rares quand même, ont aussi quitté leur H L M pour retourner vivre en baraque, et y sont restées jusqu'à la fin, d'autres sont parties du Bouguen pour le Polygone.

Cathy et Janine, des petites filles du Bouguen (4 ans) ont fait aussi l'école buissonnière, entraînées par leur frère. Leur plaisir : prendre des cartons pour faire des glissades, comme elles disent, derrière le porche de la poterne, juste en face de leur classe maternelle pendant les cours (précoces les fillettes) un souvenir agréable pour elles aujourd'hui.

Elles ont trouvé difficile toutes ces amitiés perdues, et n'ont jamais retrouvé cela ailleurs.

Un certain fouillis dans le quartier est resté aussi dans leurs mémoires.

Le lavoir revient souvent dans les récits, beaucoup de gosses sont tombés dedans souvent par jeu, même avec un vélo, ils prenaient le droit de jouer sur ce terrain d'aventures en l'absence des lavandières, le jour du nettoyage du lavoir quand l'eau était propre


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