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Modèle:Portail:Capucins/Apprentissage

C'est une école qui à l'époque était extraordinairement valorisante du point de vue professionnel pour les gamins qui entraient là, parce que les meilleurs comme les moins bons, étaient recherchés sur le marché du travail à l'extérieur, parce qu'ils avaient une formation extrêmement pointue, rigoureuse et une maîtrise très jeune, une maîtrise très, très jeune, on était capables de travailler seuls jeunes, à la sortie ce qui n'était pas obligatoirement le cas dans les formations de type collège technique, etc.... © Coat Paul, Mémoire en images. L'arsenal de Brest, Ed. Alan Sutton, 1996, page 75 Les apprentis chaudronniers en 1907 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 23 Introduction Les savoir faire à l'arsenal résultaient de la mobilisation d'un ensemble de savoirs (connaissances spécifiques à la construction navale et à des spécialités) acquis et développés pendant l'apprentissage et continuellement enrichis par la pratique dans les ateliers. Les savoir faire peuvent se définir comme les capacités des individus à effectuer une tâche, ils se manifestent principalement dans les gestes. Cette analyse va essentiellement s'appuyer sur les archives collectées et les entretiens. Aujourd'hui, depuis sa privatisation, à DCNS, il n'y a plus d'école de formation technique, en effet l'EFT a été fermée en 2002, les personnes sont formées ailleurs, dans des lycées professionnels. On ne rentre plus à DCNS comme ouvrier d'Etat, les personnes sont recrutées comme ouvriers en droit privé, notre étude s'est donc intéressée au système de formation qui existait avant les restructurations de l'entreprise. Un petit historique de l'apprentissage va être proposé, et nous allons essayer d'expliquer en quoi l'apprentissage à la DCN a permis une transmission de savoir faire spécifiques mais également reconnus dans le domaine de la construction et la réparation navales. L'apprentissage dans des entreprises telles que DCN, était un apprentissage sur le long terme, il y avait bien sûr l'école de formation technique, mais une fois entrés dans les ateliers et donc dans la vie professionnelle, les nouveaux ouvriers étaient également matelotés, c'est-à-dire qu'ils étaient encadrés par un ouvrier plus ancien. Cette analyse s'appuie essentiellement sur l'école de formation technique de la DCN, filière courte qui a permis de former des ouvriers professionnels d'Etat. Les autres écoles de formation seront invoquées dans le cadre de la promotion sociale. L'étude va également porter sur la deuxième forme de socialisation professionnelle qu'était le matelotage. Nous allons donc vous donner, dans un premier temps un historique de cette forme d'apprentissage. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 24 Historique Je suis entré à l'arsenal à 15 ans et 3 mois comme apprenti. On était 180 à rentrer comme apprentis. Nous rentrions le 1er septembre dans des ateliers. Les apprentis étaient dans l'atelier mère. On était dans des locaux complètements différents des ouvriers. On avait comme moniteurs des ouvriers considérés comme n'étant pas des ivrognes au moins et étant des gens près des jeunes. On restait dans ces ateliers là jusqu'à nos 18 ans. Une à deux semaines avant on faisait un essai d'ouvrier. Avec des questions orales sur le métier et après on était mis dans des ateliers avec les ouvriers à 18 ans. Avant guerre il faut bien se dire que les jeunes n'avaient que deux objectifs la marine ou l'arsenal.3 La seule industrie, la seule usine vers laquelle tous les regards se tournent, toutes les mains se tendent, toutes les sollicitations s'empressent : c'est l'arsenal4 L'apprentissage dans les arsenaux de la marine remonte à loin, il était réglé depuis le XVIème siècle dans le domaine de la construction navale pour les métiers de calfat et de charpentier, en 1689, le roi Louis XIV ordonna d'instituer l'apprentissage consistant à l'époque à un encadrement d'un jeune alors appelé « garçon » par une dizaine d'ouvriers charpentiers ou calfats. La formation se faisait sur le tas et l'expérience était acquise par le biais d'une longue présence sur les chantiers. Les apprentis étaient pour la plupart des orphelins et des enfants d'ouvriers, c'était donc une transmission « familiale » de savoirs et savoir faire. « Sa majesté voulant augmenter le nombre des ouvriers, il fera observer que sur celui de dix maîtres charpentiers, il y ait un jeune apprenti et un autre sur dix maîtres calfats, auxquels apprentis il sera donné 5 sols par jour pour leur subsistance et cette paye sera augmentée à proportion qu'ils se rendront capables dans leur métier »5 « L'intention du roi étant qu'il se forme toujours de nouveaux ouvriers, au terme de l'ordonnance, il doit être employé un apprenti pour dix ouvriers de toute espèce. On admet sur les travaux, en cette qualité, principalement des fils d'ouvriers, il faut pour être reçu 3 Entretien réalisé avec Monsieur Coat en 2006 4 Ecrits de Michel Floch, non daté (archive privée) 5 Ordonnance rédigée par l'administration de la marine en 1689 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 25 apprentis être en âge d'apprendre et susceptible de se perfectionner : on donne d'abord aux apprentis 10 à 12 sous et on augmente ensuite leur paie suivant leur mérite »6 Ce système permettait de recruter des hommes au service de la marine d'Etat, ils étaient alors appelés gens de mer, plusieurs métiers existaient dans le domaine de la construction et de l'entretien des navires, voiliers, calfats, charpentiers, cordiers, poulieurs, perceurs, scieurs de long, avant dix huit ans ces hommes étaient considérés comme des apprentis, par la suite ils devenaient ouvriers non navigants du moins s'ils continuaient à exercer leur spécialité. Le décret du 25 janvier 1793 réaffirmera la préférence accordée aux fils de maîtres et d'ouvriers ainsi que de canonniers, marins et soldats de la marine. Titre 1, Article 17 « Les places des garçons et d'apprentis seront données de préférence aux enfants des maîtres, ouvriers, canonniers marins, soldats de marine pourvu qu'ils ne soient pas âgés de moins de huit ans pour les premières places, de moins de dix et de plus de dix huit pour les secondes » Ceci peut expliquer alors la présence de « dynasties ouvrières » à l'arsenal de Brest, néanmoins ce phénomène de reproduction sociale tend à disparaître sûrement en raison des restructurations de DCNS. 8 D'ailleurs la chanson de la marche des apprentis de l'arsenal de Cherbourg pendant leur séjour à Gouville illustre bien ce phénomène de reproduction sociale : Toi qui descends de cette race D'artisans et de travailleurs De nos ancêtres suis la trace (...) 6VALIN (René-Josué) Nouveau commentaire sur l'Ordonnance de la marine du mois d'août 1681, Imprimeur du Roi, au Canton des Flamands. 1766, 2 vol. in-4° 7 TRAVERS Serge, Le statut du personnel ouvrier et le problème de la main d'oeuvre dans les arsenaux d e la Marine Française, Thèse pour le doctorat, Université de Paris, Faculté de droits Paris, Les Presses modernes, 1935, Page 100 8 D'ailleurs l 'Express a fait un article très intéressant sur une famille brestoise intitulé comme suit « Les Vigouroux, une dynastie ouvrière » publié le 25 septembre 2003. Deux entrevues ont été faites avec deux membres de cette famille Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 26 De plus par ce décret de 1793, l'âge minimal était fixé à huit ans pour les places de « garçons » et à dix pour les apprentis. Le nombre d'ouvriers encadrant les jeunes recrues passera également à cinq au lieu de dix. Les salaires se situaient entre six et onze sous par jour dans les premières années et de douze à dix neuf sous avant leur passage comme ouvrier. Dans chaque port, deux instituteurs étaient également détachés pour l'enseignement de différentes matières de base ce qui allait d'ailleurs nuire aux cours gratuits donnés à l'époque et depuis 1746 par les frères de Recouvrance d'autant plus que l'intendant ne leur apporta aucune aide financière pour ces cours, il craignait que« cette science de l'écriture enseignée dans cet établissement (celui des frères de Recouvrance) ne détourne les élèves de la marine et du métier de leur père ». Ce décret ordonna également que le nombre d'apprentis ne dépasse pas le quart des ouvriers, en 1795 c'était le cinquième, en 1797, le septième, en 1803, le huitième pour qu'ensuite le quota soit fixé en 1805 au dixième. En 1817, à Brest, l'école d'enseignement mutuel pour les apprentis est créée de manière provisoire et définitivement en mars 1818. Les cours étaient alors donnés dans une salle au dessus de l'atelier de sculpture, non loin des actuels bureaux de la Direction. 328 élèves étaient alors présents, la direction des cours était placée sous la responsabilité du sous directeur des constructions navales, l'instruction morale et religieuse était donnée par un aumônier de la marine. Atelier des sculptures, Plan relief de Brest (1806-1810), coll. Musée des Plans relief Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 27 Par une circulaire du 17 août 1819, le ministre de la marine prescrira ainsi « de former dans chacun des ports de Brest, Rochefort et Toulon, une école spéciale, dans laquelle un certain nombre de jeunes ouvriers destinés à la maistrance et choisis parmi les plus actifs et les plus intelligents seraient exercés aux méthodes pratiques des arts relatifs à l'architecture navale » Ce système de formation consistait à mettre à contribution les meilleurs éléments, ces derniers allaient alors à l'école de maistrance, créée à Brest en 1820. De même, les plus méritants avaient le droit à une bourse pour entrer à l'école des arts et métiers de Chalon sur Marne. Les changements techniques notamment l'essor des machines à vapeur dans le domaine de la construction navale, ont entraîné des nécessaires adaptations au niveau des programmes de formation de même une réorganisation des écoles, ainsi en 1868, deux niveaux d'enseignement sont instaurés. Ces importants changements entraîneront également la création de nouvelles spécialités et donc des nouveaux métiers. Jusqu'à la décision de création des centres de formation ou d'apprentissage en 1943, les apprentis avaient leur formation dans les ateliers qui ont été transférés à Pont de Buis pendant la Seconde guerre mondiale. C'est à la suite de la guerre que le recrutement des apprentis de l'arsenal de Brest s'élargit à l'ensemble du Finistère En 1947, le centre d'apprentissage se trouvait donc en baraques au niveau de l'actuel terrain de sport, l'école était donc composée de sept baraquements. Cette même année furent construits les ateliers (deux nefs) sur le plateau de Quéliverzan, agrandis par la suite en 1949 (3 nefs rajoutées). En 1958, les baraques furent détruites et le bâtiment école fut construit. En 1964 fut construit le terrain de sport qui auparavant se trouvait au niveau du GESMA, et en 1985 fut construit le gymnase. Plan du centre d'apprentissage en 1947 réalisé par la direction des travaux maritimes Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 28 Construction des ateliers d'apprentissage, 1947, SHM Brest Ancien terrain de sport des apprentis de l'arsenal de Brest, EFTN Brest Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 29 Les ateliers d'apprentissage étaient composés comme suit : • Une nef coque (soudure, chaudronnerie, tôlerie) • Une nef usinage (ajustage, tournage, fraisage) • Une nef électricité • Une nef mécanique • Une nef hydraulique Plan de l'actuel CFA réalisé par la Direction des travaux maritimes Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 30 Le système d'apprentissage Les articles suivants sont tirés du Guide du personnel ouvrier des arsenaux et des établissements de la marine, publié en 1904 (Hennebont Imp. Ch. Normand) Conditions d'admission- Etre âgé de 14 à 17 ans, avoir été reconnu sain et de bonne constitution, avoir la taille exigée par les règlements, satisfaire à un examen destiné à écarter les enfants illettrés Toutefois, les orphelins et fils de veuves d'ouvriers tués en service commandé ou morts des suites de maladies contractées en service sont admis sans condition de taille, à partir de l'âge de 13 ans, s'ils savent lire et écrire. Ils sont admis hors concours. Date des admissions- Les admissions ont lieu chaque année le 1er septembre Forme de l'examen- Une dictée de dix lignes sans difficultés grammaticales spéciales avec la ponctuation dictée. Une lecture à haute voix de trois minutes. Un exercice écrit de calcul sur les quatre règles. Une interrogation orale d'arithmétique. « Des titres de préférence sont attribués aux candidats d'après leur origine et sont ainsi réglés : 18 points aux orphelins et fils de veuves dont les pères sont morts en service ou en jouissance d'une pension de retraite de la marine 12 points aux fils de surveillants, dessinateurs, chefs ouvriers et ouvriers des services de la marine ainsi qu'aux fils des officiers mariniers et marins en activité de service 6 points aux fils d'employés civils et militaires du département de la marine » Selon un ouvrage de Michel Floch 9 , à la suite du décret du 21 juin 1900, un point supplémentaire était accordé par frère ou soeur. Ce système changea et un point était accordé par frère ou soeur si on en avait deux, deux si on en avait trois, trois quand on en avait quatre...De plus, quatre points de majoration étaient accordés par tête de frère ou soeur invalide, points qui se cumulaient avec les autres. 9 Ouvrage non daté, qui serait aujourd'hui introuvable, archive privée Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 31 10 Ce tableau a été fait à l'aide de l'ouvrage de Serge Travers et d'un rapport datant de 1984 TRAVERS Serge, Le statut du personnel ouvrier et le problème de la main d'oeuvre dans les arsenaux d e la Marine Française, Thèse pour le doctorat, Université de Paris, Faculté de droits Paris, Les Presses modernes, 1935 Ministère de la défense. Contrôle général des armées. Département de contrôle des services industriels et des industries de l'armement, Rapport rédigé par Monsieur le contrôleur général des armées. Objet : Ecoles et filières de formation de la délégation générale pour l'armement, Paris, le 28 septembre 1984 11 D'après un entretien réalisé avec un ancien apprenti (entré en 1953) 12 « Plus une gratification variable selon les résultats scolaires et l'effort au travail » 10 1797 Arrêté de 1803 Décret 1867 Décrets 1873 et 1883 Décret 1900 1956 1971 1977 1984 Apprentis 6 à 12 sous par jour 0,30 à 0,80 francs par jour 0,40 à 0,80 francs par jour avec une possibilité de supplément de 0,30 francs 0,60 à 1,50 francs Salaire fixe 0,60 à 1,00 par jour Salaire maximum 0,90 à 1,50 francs par jour 350 Francs par mois11 Entre 200 et 450 francs Entre 580 et 950 francs par mois Elèves de moins de 16 ans : gratification forfaitaire de 208 francs Elèves de plus de 16 ans : allocation forfaitaire mensuelle de 623 francs12 Ouvriers 18 à 28 sous par jour 1,00 à 1,60 francs par jour suivant la classe 2,00 à 4,70 francs Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 32 A partir de 1978, les élèves de 16 ans étaient placés en « contrat de formation », les études étaient toujours gratuites. Ils percevaient alors une rémunération mensuelle dont le taux dépendait de l'année de scolarité ainsi qu'une gratification trimestrielle en fonction des résultats. Un exemple de gratification en fonction des résultats (archive privée) Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 33 Le contrat d'apprentissage découlait de l'admission des enfants et de l'accord des parents ou tuteurs. De même les parents pouvaient choisir les ateliers dans lesquels seraient affectés leurs enfants. Ce qui est étonnant c'est que, bon à l'époque, son père était cadre à DCN et c'est son père qui l'a mis exprès là parce que c'était dur, le grand père était assez dur, il avait mis exprès son fils là alors qu'il aurait pu aller ailleurs, non, il avait fait exprès de mettre son fils à la plaque (...) mon père me racontait que c'était dur parce que c'était vraiment des travaux pénibles. Le recrutement des apprentis ne se faisait pas seulement avec l'objectif d'avoir les meilleurs éléments dans la construction et la réparation navale, il y avait également une volonté dans cette politique plus ou moins « paternaliste » d'une action altruiste vis-à-vis des employés ainsi que d'une certaine reproduction sociale ce qui n'était pas d'ailleurs une démarche in intéressée. En privilégiant l'accès aux fils d'ouvriers, la direction des constructions navales avait à socialiser des jeunes recrues plus ou moins déjà formatées au milieu professionnel. Au niveau de la formation, les cours pratiques se déroulaient dans des ateliers spécialement réservés aux apprentis, l'enseignement général se composait de cours d'arithmétique, de dessin industriel, de français, de géométrie. Au niveau des salaires, ils variaient en fonction de l'âge des apprentis et ils étaient versés directement aux parents ou tuteurs, ils permettaient alors de subvenir aux besoins de leurs enfants. Je remettais la paie aux parents, c'est une fierté un peu [...] enfin d'apporter son écho à la famille. Je ne sais pas mais je n'étais pas le seul, on avait tous ce sentiment quoi. Quand on arrive en tant qu'ouvrier puisque donc on a le diplôme et on est réembauché, parce qu'il faut dire le contrat d'apprentissage, si vous voulez, dit qu'à l'issue de cet apprentissage les deux parties restent libres d'un engagement supplémentaire ou pas. Donc l'apprenti, une fois qu'il a ce diplôme, s'il veut faire autre chose et qu'il ne veut pas se faire embaucher à l'arsenal, il va ailleurs et il ne doit rien à personne. Et en revanche l'employeur qui s'appelait la DCAN à l'époque n'est pas obligé non plus de l'embaucher. Bon en réalité, là, je dirais, oui facilement à 90-95% oui même plus, bon les gens restaient dans l'établissement. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 34 En effet, à l'issue de leur scolarité les élèves étaient embauchés vers le 15 septembre, mais ce n'était pas une obligation, ils avaient le statut d'ouvrier professionnel et pouvaient postuler dans d'autres entreprises. Chaque année, plus d'une centaine de garçons de 14 à 17 ans étaient reçus, les moniteurs étaient pour la plupart des ouvriers « choisis en fonction de leurs qualités morales et professionnelles » Mai 1937, des apprentis à l'atelier des forges1 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 35 Modèle d'engagement à l'arsenal de Brest Archive syndicale Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 36 L'EFT formait des mécaniciens, des électriciens et des formeurs de métaux en feuilles (charpentiers tôliers, chaudronniers). A la fin de cette formation, les apprentis obtenaient un diplôme d'apprentissage Marine (DAM) qui est devenu ensuite le diplôme de formation technique (DFT) et pouvaient alors passer le CAP. Donc en 1953, il y avait à l'époque trois ans de formation, à l'issue desquels, il y avait un examen de sortie qui s'appelait le DAM c'est-à-dire le diplôme d'apprentissage marine bon (...) en général, il y avait très peu d'échec, disons que ça faisait 1 à 2%. Parce qu'il y avait une formation quand même très, très pointue. Et la même année on passait le CAP c'est-à-dire qu'on passait l'épreuve normale de l'éducation nationale A partir de 1972, la formation professionnelle est passée de trois ans à deux ans. Le concours était ouvert aux élèves de troisième, masculins ou féminins, ou de seconde, ayant au minimum quinze ans et au maximum dix sept ans au 1er septembre de l'année du concours. De même c'est dans les années 70, que la majoration de quinze points aux enfants du personnel de l'arsenal disparut, considérée d'ailleurs comme une « anomalie » en 1984. C'est à la fin de 1982 que la DCN a décidé de « maintenir les EFT mais en réorientant la formation vers les besoins spécifiques des établissements »13, en effet jusqu'à là les élèves suivaient un programme d'enseignement général et technique de l'Education nationale, sanctionné par la délivrance du brevet d'études professionnelles (BEP) ainsi les élèves ont arrêté de passer le BEP« diplôme considéré sans intérêt », ils pouvaient le passer s'ils le voulaient mais ce n'était plus obligatoire, ils passaient donc le Diplôme de formation technique (DFT) propre à la DCN. Les effectifs dans les classes étaient relativement bas, trente pour l'enseignement général et de l'ordre de quinze pour le travail en atelier et l'apprentissage technique. Les semaines étaient de trente neuf heures (25% pour l'enseignement général et 75% pour la formation pratique). Au 16 décembre 1948, la formation hebdomadaire était répartie comme telle : Ateliers : 29H10 min. Ecole : 11H40 min. Sport : 2H20 min. Ce qui faisait une semaine de 43 heures et 10 minutes. 13 Ministère de la défense. Contrôle général des armées. Département de contrôle des services industriels et des industries de l'armement, Rapport rédigé par Monsieur le contrôleur général des armées. Objet : Ecoles et filières de formation de la délégation générale pour l'armement, Paris, le 28 septembre 1984, page 20 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 37 De plus certains apprentis pouvaient adhérer à l'Union sportive des apprentis de la marine de Brest (USAM), association qui permettait de participer aux championnats de l'office du sport scolaire et universitaire, ainsi des équipes de football, de basket et de cross country étaient formées. Les apprentis avaient leur jeudi après midi de libre pour participer à ces compétitions. Au niveau de leurs vacances, en 1948, les apprentis avaient le droit à 5 jours pour les fêtes de noël, et de Pâques. Entre le 31 juillet et le 20 septembre, les moins de 18 ans avaient le droit à 14 jours ouvrables (samedi étant considéré comme jour ouvrable), les plus de 18 ans, 12 jours ouvrables. Les centres de plein air fonctionnaient du 2 au 31 août. Au niveau des horaires du service de formation professionnelle, ils étaient en 1978 de 8H06-12H18 (4 cours de 60 minutes) 13H27-17H27 (4 cours de 57 minutes) En 1982 : 8H03-12H03 13H06-16H54 Dans la mesure où les apprentis étaient formés à exercer par la suite un métier dans une enceinte militaire régie par un règlement spécifique, ils étaient alors « marinisés » A mon avis il est quand même indispensable de mariniser des gens venant d'ailleurs qui ont des connaissances théoriques mais les former quelques temps à l'ambiance maison et on ne travaille pas sur un bateau comme on travaille sur un chantier D'ailleurs dans les années 50, à l'issue de leur formation les apprentis obtenaient un diplôme d'apprentissage Marine (DAM). À la DCN, on leur donne un complément de, ce qu'on appelle la marinisation c'est-à-dire, on les spécialise dans leur métier. Cette « marinisation » permettait alors aux apprentis d'intégrer les normes et les valeurs de la marine dans le but de mettre en place une véritable coopération entre les marins, les militaires et les ouvriers de l'arsenal. Elle se faisait surtout par le biais du service militaire. Si vous ne travaillez pas ensemble sur l'oeuvre commune, ça plante et les meilleurs bateaux sont ceux où chacun fait son boulot mais ensemble Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 38 En 1971, le concours d'entrée se composait comme tel : A l'écrit : • Dictée et questions coefficient 4 • Composition française coefficient 4 • Arithmétique et algèbre coefficient 6 • Géométrie coefficient 4 • Dessin (test de dextérité manuelle) coefficient 2 Le niveau des épreuves était celui du BEPC. Il n'y avait pas d'épreuves orales. Une majoration de 15 points était accordée aux enfants du personnel des services de l'armement. En 1977, le concours comportait : • Une dictée avec questions coefficient 4 • Une composition française coefficient 4 • Algèbre coefficient 4 • Géométrie coefficient 4 • Epreuves psychotechniques (deux épreuves avec chacune un coefficient 2) En 1978, le concours portait sur les connaissances enseignées en classe de troisième, et comportait des épreuves écrites de français et de mathématiques. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 39 Quelques chiffres sur les statistiques d'admission 1974 : 86 admis pour 518 candidats 1979 : 86 admis pour 1074 candidats 1975 : 80 admis pour 700 candidats 1980 : 98 admis pour 848 candidats 1976 : 80 admis pour 674 candidats 1981 : 86 admis pour 943 candidats 1977 : 80 admis pour 627 candidats 1982 : 100 admis pour 852 candidats 1978 : 79 admis pour 776 candidats 1983 : 85 admis pour 952 candidats 1984 : 85 admis pour 1047 candidats 1985 : 75 admis pour 1292 candidats Répartition des élèves admis à l'EFT 17 15 11 8 14 17 10 12 7 20 25 23 20 25 18 18 14 10 25 34 35 32 30 27 16 12 11 18 13 20 20 20 20 30 30 13 4 6 4 5 3 4 3 3 3 3 3 3 3 6 0 20 40 60 80 100 120 1977 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 Années Effectifs Chaudronniers Electriciens Ajusteurs Charpentiers tôliers Fraiseurs Charpentiers bois Menuisiers Tourneurs Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 40 Article de Presse, août 1964, Collection privée Monsieur Floch Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 41 L'apprentissage à Pont De Buis En raison des bombardements de la seconde guerre Mondiale, un centre d'apprentissage sera créé dans des baraques de la poudrerie de Pont de Buis, trois promotions y seront alors formées. « En septembre 1943, la promotion se monte à 180 nouveaux qui entament la formule internat dans des conditions matérielles quelque peu précaires. Arrachés à leur famille les arpètes de cette première promotion s'entassent dans des baraques chaudes l'été et froides l'hiver. Ils couchent sur des châlits ou dans des hamacs. Le petit déjeuner se compose d'une eau chaude légèrement colorée et d'un morceau de pain de mauvaise qualité »14. C'était la promotion Kermarec (ingénieur de direction des travaux, chef de l'atelier électricité tué par un éclat d'obus en 1942). 14 Collection privée : COAT Paul, Les apprentis de l'arsenal de Brest, article de quatre pages, non daté ©Coat Paul, Mémoire en images. L'arsenal de Brest, Ed. Alan Sutton, 1996, page 77 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 42 Je suis rentré aux apprentis en 1945, je n'ai pas passé d'examen, ils appelaient ça recrutement direct, parce que mon frère était mort pour la France. Donc j'ai rejoint le centre de Pont de Buis, la vie au centre du Pont de Buis, il y avait le haut et le bas du Pont de Buis, y avait Logodec et y avait Morduc en bas et nous avons été hébergés là dans des bâtiments en dur pour débuter mais on était dans des hamacs et là comme toute personne qui loge dans un hamac, il était très fréquent qu'on vous coupe, ce qu'on appelle les araignées (des cordelettes ) comme l'extinction des feux était toujours aux environs de vingt deux heures, on se retrouvait à passer la nuit par terre. Ce qui m'avait frappé également c'est que quand vous arrivez dans ces centres là, on vous faisait les fameuses piqûres où vous étiez alignés en oignon. C'était un peu la rigueur de l'armée, tout le monde rejoignait ici les lavabos, les lavabos c'étaient bien sur des lavabos abreuvoirs, c'était simplement une rampe avec des robinets, et bon, la rigueur voulait que tout le monde se mette torse nu dans des bâtiments bien sûr non chauffés, pour faire sa toilette et exceptionnellement, une fois par semaine, nous allions aux douches à la poudrerie. Y avait un nombre d'appentis assez important. Source Le Flot Témoignage de l'un des apprentis à Pont De Buis Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 43 Le Morduc c'était le bas du Pont de Buis. Et là donc, il y avait des bâtiments en dur où les cours, mathématiques, français se faisaient, il y avait aussi les réfectoires, vous aviez le droit même, moi j'avais quinze ans quand je suis arrivé, y avait un huitième de litre de vin, les troisièmes années avaient l'habitude le soir, c'était chacun son tour de boire le litre de vin, alors vous imaginez un peu, bien sûr, la remontée du Morduc à Logodec Les ateliers c'est un lieu dit qu'on appelait le Pont Neuf, y avait quand même une petite trotte à faire pour aller à la menuiserie, moi j'étais ajusteur mécanicien, donc j'étais dans l'angle, pas très loin, il y avait la tôlerie, parce que la poudrerie, fut un temps, a formé aussi son personnel. bien sûr, on ne pouvait pas rester tout le temps dans les camps, ce qui fait qu'on nous lâchait dans la nature, un moniteur et puis un groupe « bon allez quartier libre, maintenant, occupez vous » Le dimanche c'était jour de fête et puis, on allait donc à Châteaulin à pieds et puis on retournait en train, c'était toujours en groupe, donc, on nous conduisait en groupe à Châteaulin, et bien sûr ces fameux troisièmes années n'avaient qu'une adresse, c'était le café, ça fait que le retour était assez tumultueux. Nous c'était la promotion Devillemeux ; y avait le baptême de la promotion, je me rappelle très bien, sur le terrain de sport, tout le rituel. A leur retour du centre du Pont de Buis, certains apprentis n'habitant pas Brest étaient alors hébergés au fort du Toulbroc'h. Goulet de Brest. Fort de Toulbroch Service Historique de la défense Département Marine Brest Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 44 Et je suis revenu sur Brest, donc en 46, 47 comme je n'étais pas de Brest, j'ai fait tous les jours, par camions de la marine, le trajet Brest-Toulbroch, donc, nous étions en haut sur le plateau, sur le casernement et il fallait mériter son hamac Le repas du soir à Toulbroch et le petit déjeuner aussi, et à l'heure de midi c'était à la Gueule d'Or, le restaurant de la Madeleine. Ça n'a été ouvert que pour nous, on avait notre cuisinier, on avait notre prisonnier allemand qui était là pour les travaux techniques J'étais là à Toulbroch, avec toutes les bêtises qu'on peut faire quand on est jeunes, la pêche aux crabes Le terrain n'était pas déminé, on trouvait des obus, comme les week end la garde était plus ou moins relâchée, il n'y avait qu'un moniteur, alors ma foi, on se promenait là dans les casemates, un peu partout. On tapait pour dessertir l'obus et puis on s'amusait après à récupérer la poudre et on mettait ça dans le tube d'aspirine pour faire des mini fusées après, il y avait encore des macabés quand je suis arrivé, alors on trouvait de tout, aussi bien, ça aurait pu être miné par les allemands pour que ça explose. On gambadait partout, on descendait de Toulbroch à la plage des surfeurs maintenant, le Minou... On était une trentaine, à peu près, enfin en semaine. La meilleure source de personnel qualifié est le centre d'apprentissage où l'on forme les spécialistes des constructions navales. L'arsenal de Brest possède en ce moment 336 apprentis recrutés par concours. Autrefois, il n'y avait pas d'internat pour les apprentis de l'arsenal appartenant à des familles brestoises ou de la proche banlieue. Le repliement du centre d'apprentissage au Pont de Buis fit que le recrutement intéressa de nombreuses familles réparties dans le Finistère. Depuis la rentrée du centre à Brest, 70 à 80 apprentis bien que séparés des leurs ont tenu à y demeurer. C'est alors que la DCAN a installé à Toulbroch dans un fort désaffecté un internat où ces apprentis vivent dans d'excellentes conditions matérielles. Article du Télégramme 17 Décembre 1946 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 45 Ensuite cette même personne a été hébergée dans les baraques du Polygone Marine. Au polygone de la marine, pratiquement où est le stand de tir. Il y avait donc de nombreuses baraques dont une réservée pour les jeunes apprentis. On était dans des baraques de Polygone marine, mais gardées bien sûr par un moniteur responsable, ici bien sûr on couchait quand même à douze par chambrée alors ce n'était pas évident Au Pont de Buis c'était quand même beaucoup plus rigoureux...Donc, moi j'ai fini mon apprentissage et nous allions à l'école dans les baraques qui étaient construites, vous rentrez à gauche du Carpon, à gauche là, vous montez, sur votre droite vous avez le bâtiment où j'étais comme apprenti en 48 et vous montez un tout p'tit peu, et presque sur le plateau là c'était couvert de baraques, y avait l'école préparatoire, y'avait l'école des apprentis, la cantine des chefs de travaux. © Aux anciens du Bouguen. Les baraques du Polygone. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 46 Cité ouvrière du Polygone Caserne. Ci-dessus, un foyer d'ouvriers en novembre 1946. Collection DCNS Brest Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 47 Un encadrement et une formation spécifiques à la DCN Les instructeurs c'est des ouvriers qui ont été formés, donc eux, ils savent de quoi ils parlent, j'ai rien contre les enseignants mais je veux dire, y a une différence entre un prof qui parle de sa chair, qui dit voilà comment on fait un tuyau, et puis un mec qui a fait le tuyau, qui a réfléchi et qui a fait la théorie après et qui dit au gars ben voilà comment on fait un tuyau bon donc, la compétence, disons, du noyau dur de la DCN Les personnels ouvriers instructeurs des EFT avaient un régime spécial, ils étaient nommés instructeurs stagiaires du groupe VI après essais professionnels, au bout de six mois de fonction ils pouvaient suivre un stage pédagogique de quatre mois sanctionné par un examen donnant accès à la profession d'instructeur du groupe VII.15 Un exemple : Au 26 novembre 1968, la DCAN recherchait des instructeurs chargés de la formation professionnelle des apprentis électriciens (moteurs et radios), le concours se présenta comme suit : ô€‚ƒ Un examen technique comprenant des épreuves manuelles et des épreuves de dessin ô€‚ƒ Un examen technologique comprenant des problèmes d'électrotechnique et des questions sur les appareils et matériaux utilisés dans la profession ô€‚ƒ Un examen d'instruction générale comprenant une épreuve de français, de mathématiques et de pédagogie dont le sujet consistait à répondre à des questions d'ordre général sur les relations entre instructeurs et apprentis Les moniteurs c'étaient des ouvriers qui avaient accès encore par un examen, ils étaient ouvriers, ce n'étaient pas des gens de l'éducation nationale, c'étaient des ouvriers, les meilleurs ouvriers et on leur donnait, l'accès à la catégorie 8 qui était le summum Les formateurs que l'on avait, ils avaient les horaires de l'arsenal, c'est-à-dire que le moniteur d'apprentissage, il commençait à huit heures le matin, il finissait à midi et demi et il recommençait à deux heures moins le quart et il finissait à six heures cinq avec ses apprentis, c'est-à-dire qu'il avait à corriger,il avait à préparer mais c'était un apprentissage permanent, 15 Instructeur d'apprentissage diplômé : Catégorie VII : ouvrier professionnel assurant depuis plus de deux ans la formation d'apprentis dans une des spécialités enseignés dans les écoles d'apprentissage et capable en outre d'établir des programmes de formation pour l'ensemble des apprentis de sa spécialité. Titulaire du certificat de stage pédagogique d'une école normale nationale d'apprentissage de l'enseignement technique ou d'une école de formation reconnue par la direction de l'enseignement technique. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 48 je ne veux pas dire du mal de ce qui se passe aujourd'hui mais j'ai des collègues qui sont dans l'enseignement technique, ils doivent dix huit heures. Là le moniteur, c'est pas un prof, il doit sa vie de travail aux arpètes, avec douze, quinze, vingt arpètes toujours en même temps avec lui, c'est une solution riche. On passait l'épreuve normale de l'éducation nationale, le CAP. Bon là, c'était du 100%, c'est pour dire la qualité de la formation qu'on avait, ce n'était pas simple, il fallait y aller. Et ils formaient vraiment les gens qui étaient à leur sortie, des gens en capacité, je dirais, d'apprendre, je le dis en deux mots, une fois qu'on est sorti, on fait les choses de A à Z parce que pour faire telle opération, il faut passer par telle étape. En effet, le pourcentage de réussite au BEP était de 95 à 100% et les échecs au DFT étaient très rares. Pour valider leur Diplôme de formation technique, les élèves avaient un essai à réaliser, ils avaient en général 24 heures pour l'effectuer. Lors d'une collecte d'archives à l'école de formation technique de l'arsenal nous avons pu en récupérer quelques uns, voici des exemples : Contrôleur d'équerrage Essai d'ajusteur mécanicien Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 49 On peut expliquer la spécificité de ce système de formation du fait que la DCN a toujours eu pour objectif de répondre au plus près de ses besoins, et il faut dire que pour cela l'entreprise a déployé de grands moyens financiers et matériels, selon un rapport établi en 1984 (dont les références ont été données auparavant), au niveau national le coût global de la formation initiale à la DCN dans les EFT, en 1983 représentait 51,5 millions de francs, avec un coût unitaire de formation par élève de 79000 francs. ©Brest Métropole Océane Essai combiné (tournage, fraisage et montage). Genre d'essai mis en place à partir de 1982. Laminoir. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 50 À l'époque ce concours c'était quelque chose d'assez prisé quand même et y avait entre mille et mille deux cents candidats. Et il y avait, je ne dirais pas quatre vingt dix élus mais quatre vingt dix retenus. Et ça faisait quand même un sacré écrémage Au niveau de la qualité de la formation donnée dans les EFT, il faut dire qu'à la base une sélection stricte se faisait par le biais du concours. Dans les années 80, les modalités du concours étaient de sélectionner entre 5 et 10 % des meilleurs élèves des lycées et collèges, entre 1977 et 1983, le taux de sélection était passé de 15 à 10 %. Sélection très sévère à l'entrée en école, effectifs peu nombreux des classes, horaires chargés, intensité du travail, encadrement nombreux16 et de qualité, surveillance et contrôle continus des connaissances, caractérisent les EFT, il serait donc anormal que les résultats ne soient pas suffisants17 16 Entre 3,2 et 3,4 élèves par personnel d'encadrement (ratio établi en 1983) 17 Ministère de la défense. Contrôle général des armées. Département de contrôle des services industriels et des industries de l'armement, Rapport rédigé par Monsieur le contrôleur général des armées. Objet : Ecoles et filières de formation de la délégation générale pour l'armement, Paris, le 28 septembre 1984, page34 Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 51 Petit encart sur la méthode Carrare inculquée au centre d'apprentissage C'était le nec plus ultra, on appelait ça la méthode Carrare qui était importée de Suisse alors la méthode carrare ça consistait à apprendre aux gens à avoir des gestes automatiques. Quand les apprentis rentraient, l'élève rentrait, par rapport à la position idéale pour pouvoir limer, il y avait des apprentis donc qui étaient trop petits et alors on leur mettait sous les pieds des caillebotis, et puis lime et lime.Il fallait que votre coude arrive à la hauteur de l'étau qui était monté sur l'établi.Il y avait la technique, vous savez, du coude collé au corps, et donc de pouvoir taper régulièrement et puis il y avait la tige, la pauvre tige qui était en gros comme ça, qui était dans la pièce d'acier qui était serrée à l'étau, donc l'élève n'avait, dans un premier temps, qu'à frapper là-dessus, et automatiquement, c'était marrant ce truc d'ailleurs, tout le monde arrivait à taper ensemble, ça faisait, bloum,bloum, bloum, bloum, il n'y avait qu'une note, qu'on entendait et de loin, et puis je ne sais pas si le moniteur avait un signal pour dire, on arrête, parce qu'il y avait une pause à un moment donné. Il y avait des gosses qui sortaient de l'école, qui n'étaient pas très grands, qui n'étaient pas robustes et puis qui supportaient parce que les premières journées de formation, avec la méthode Carrare, il n'y avait pas de cours d'école, ce n'était que manuel, avec quelques récréations d'un quart d'heure, vingt minutes. à force de taper, vous en aviez ras le bol, mais vous étiez tenu d'avoir votre main, vous teniez la tige de la main, et donc au bout d'un moment, qu'est ce qui arrivait, blam ! y avait des gars qui avaient leur main en sang. Et les menuisiers, il y avait une technique rapprochée aussi, avec la lame à l'envers pour apprendre à tenir la scie à débiter et les grands rabots longs, il y avait un geste à acquérir aussi alors que le fer n'était pas placé pour faire des copeaux, c'était simplement pour prendre l'attitude, il y avait des choses qui n'étaient pas bêtes. A ce moment là, elle a donné de bons résultats, parce qu'on a fait des manuels. Ajusteur c'était faire de la lime là, à limer pendant des journées entières, je trouvais ça fastidieux Alors on a mangé de la lime, « on nous donne de la ferraille pour en faire des bons outils, apprentis des constructions navales », effectivement, on avait des blocs d'acier et dessus, il fallait arriver à une pièce,voilà, c'était ajusteur mécanicien, on a laissé un peu de sueur là dedans. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 52 Un apprenti au travail, 1955 journées portes ouvertes DCAN, collection privée M. Floch Alors, l'école de formation, c'est une formation dans la recherche de l'exception, du plus que parfait et, bon, souvent, c'est excessif, c'est même excessif, ce qui a peut être fait la perte de , parce que vouloir trop faire bien, coûte trop cher (...) quand on fait un sous marin nucléaire, il vaut mieux que l'on fasse toujours bien et très bien, et plus que bien, la preuve c'est qu'il n'y a aucun qui n'a coulé, hein, il n'y a pas eu de vie humaine perdue dans les sous marins nucléaires, c'est peut être à cause de l'excellence. Alors voilà, cette formation c'est, d'ailleurs on nous apprenait à travailler avec deux mains, de faire un bon outil avec une vieille ferraille comme c'est dans la chanson. L'apprentissage se faisait également en vase clos, en effet les apprentis étaient séparés du reste du personnel de l'arsenal, ils ne participaient en aucune manière au système de production de l'entreprise, ils n'allaient pas dans les ateliers de production, des ateliers propres à l'école de formation étaient mis en place, les salles de cours se trouvaient à proximité, les apprentis avaient également des cours de sport. Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 53 J'ai oublié quelque chose, il y a aussi trois moniteurs sportifs qui vous font, donc il y a les trois piliers qui sont vachement importants, travail manuel, travail intellectuel, et là c'est des p'tits gars qui tiennent debout. Même, à l'heure de midi, les apprentis étaient séparés des ouvriers, du moins les apprentis qui étaient en première année, ils étaient également accompagnés par leurs instructeurs. On mangeait sous la responsabilité des instructeurs, c'était des tables réservées, les deuxièmes années mangeaient avec les ouvriers. Les apprentis mangeaient là aussi, les apprentis bien sûr, leurs enseignants, les instructeurs mangeaient là également. Ah ouais parce que les instructeurs devaient surveiller les apprentis aussi. Parce que le centre d'apprentissage, ben, se trouvait en face donc c'était facile aussi pour les apprentis de venir manger dans le restaurant directement. Tout était mis en oeuvre par la DCN pour que l'intégration sociale des apprentis se passe pour le mieux, nous pouvons parler alors de management paternaliste dans la mesure où l'entreprise offrait aux nouveaux arrivants un grand nombre d'avantages sociaux : concours gratuit, formation gratuite et rémunérée, assurance de l'emploi jusqu'à l'âge de la retraite, régime de protection sociale, ... L'entreprise s'employait également dans la vie sociale des apprentis extra muros comme les loisirs (activités sportives, centre de plein air, foyer pour les apprentis...), le système de transports... Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 54 Les syndicats participaient grandement à cette politique paternaliste en communiquant tous les privilèges offerts par la DCN et son « comité d'entreprise », l'Action Sociale des Armées. Les personnels de nos établissements peuvent bénéficier des diverses activités sous certaines conditions ; colonies de vacances, maisons familiales de vacances, prêt au Les centres de plein air des apprentis de l'arsenal. Collection privée : M. Floch Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 55 logement,possibilité de logement des jeunes salariés de notre établissement, prêt aux jeunes ménages, subventions diverses (cantines, vacances,...)18 Dès leur entrée, les apprentis apprenaient également à respecter un règlement strict, de nouvelles normes et valeurs étaient donc à intégrer. Voici quelques exemples de punitions et sanctions tirés du journal d'entreprise « Le Flot » ô€‚ƒ 3/11/1920 : 15 jours RSH (Retenue sur salaire horaire) de 0.10fr pour avoir raboté un piège à rats. ô€‚ƒ 2/2/1923 : 4 jours RSH pour avoir été surpris assis dans les cabinets. ô€‚ƒ 27/10/1931 : 4 jours RSH de 0.10 pour avoir tenté de sortir sans motif dans un camion. ô€‚ƒ 16/04/1940 : 4 jours RSH, pour avoir été surpris inoccupé. ô€‚ƒ 12/09/1940 : 2 jours RSH pour s'être lavé les pieds à 16h 40. ô€‚ƒ 6/6/1945 : 15 jours RSH : pour avoir cueilli des fraises pendant le travail. ô€‚ƒ 02/04/1947 : 15 jours RSH pour avoir jeté des allumettes enflammées sur ses camarades pendant le passage du train dans le tunnel. ô€‚ƒ 22/07/1947 : 15 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour s'être baigné pendant le travail. ô€‚ƒ 28/02/1949 : 90 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour avoir profité de l'absence de son camarade pour échanger une paire de sandales à l'état neuf contre une autre usagée. ô€‚ƒ 01/1950 : 4 jours RSH pour avoir fraudé sur sa température à l'infirmerie. ô€‚ƒ 08/01/1958 : 15 jours RSH et rétrogradation d'un échelon pour avoir été surpris à dormir dans un vase clos de chaudière à bord du « Vauquelin »... Les ouvriers et les apprentis avaient également comme devoir, le respect du secret professionnel : « Outre la règle instituée par le droit pénal en matière de secret professionnel et de crimes et délits contre la sûreté de l'Etat, tout ouvrier est lié par l'obligation de discrétion professionnelle quant aux affaires, faits, documents et informations... ». Six formes de sanctions disciplinaires existaient : ô€‚ƒ L'avertissement ô€‚ƒ Le blâme ô€‚ƒ La rétrogradation de un à trois échelons pendant une période de quatre jours à trois mois ô€‚ƒ La mise à pied pour une durée qui ne peut excéder sept jours ouvrables 18 Livret d'accueil. Spécial jeunes. CGT Arsenal de Brest, Non daté Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 56 ô€‚ƒ La rétrogradation définitive de un à trois échelons ô€‚ƒ Le congédiement exclusif de toute indemnité de préavis ou de licenciement Mais, il fallait quand même être changé et être à l'atelier ou en salle de cours à huit heures impérativement. Et le soir, à l'époque, on finissait à six heures cinq, on faisait quarante quatre heures hein, compris les apprentis. Donc on finissait à six heures cinq hé, mais je crois me souvenir, qu'à six heures on avait le droit de quitter la salle de cours ou l'atelier, surtout l'atelier parce qu'on était en bleu de chauffei. Bon, et il fallait se changer et ensuite il fallait donc regagner la gare, ce qui fait, lorsqu'on rentrait aussi à la maison, il était quand même sept heures et quart, sept heures et demie. Enfin bon, c'est l'apprentissage de la vie aussi, de la vie professionnelle. Dès les premiers temps de l'apprentissage, par les contrôles continus et les classements des élèves, les plus méritants se distinguaient alors. Donc y a cent personnes, y a donc trois classes de trente trois ou une de trente quatre, à chaque fois y a une évaluation et cette évaluation, vous allez l'avoir partout, cette évaluation, elle est permanente, elle est dans le travail d'atelier, une note à chaque fois, un classement à chaque fois, et celui qui aura le meilleur classement à la sortie choisira. C'est, c'est assez motivant, c'est assez motivant. D'ailleurs, les futures spécialités et métiers étaient fonction de ces classements, tous les ouvriers issus de l'apprentissage et qui avaient réussi le DFT étaient admis en cinquième catégorie (il y en avait huit), ceux qui n'avaient pas réussi le DFT étaient classés en quatrième catégorie, néanmoins ils avaient la possibilité de le repasser. Toutefois, il y avait un classement et suivant ce classement, les jeunes ouvriers étaient soit électriciens, soit mécaniciens, soit formeurs de métaux. Plusieurs stages étaient réalisés et déterminaient alors les futures spécialités. De plus l'attribution des spécialités avait pour objectif de répondre aux besoins de l'entreprise, certaines années par exemple, il fallait davantage de chaudronniers, ou de fraiseurs... Ils choisissent où y a un classement, ils se mettent d'accord et donc dans la première année, il y aura douze ou quatorze charpentiers tôliers, il faudra en trouver, tout le monde Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 57 veut être électricien et donc à mon avis y a une opération de peigne où on doit prendre sans doute les meilleurs Y avait un pré apprentissage qui durait trois mois, alors on faisait un stage d'ajustage, un stage de menuiserie et un stage de chaudronnerie, suite à ça, on avait des notes et puis, après, l'établissement divisait, ben celui là fera chaudronnier, celui là fera un menuisier, alors moi, ma demande c'était de faire ajusteur quoi, je n'ai pas eu, j'avais donc dû bien travailler à la chaudronnerie aussi, alors on m'a mis chaudronnier Bon le premier, en général ou le deuxième, ils étaient électriciens parce qu'ils considéraient que c'étaient les cerveaux Alors à l'école, la première année, tout le monde poussait la lime, le premier trimestre, dans les ajusteurs, on choisissait les meilleurs pour pousser la lime, et, je ne vais pas dire les moins bons, pour être machinistes. Puisque les instructeurs, à cette époque là, avaient détecté que le gars n'avait pas les qualités manuelles, par contre au niveau de la machine outil, il pouvait avoir des qualités, donc c'est pour ça que je dis « moins bon à ce moment là » donc ce qui fait que après, ils sont partis soit tourneurs, soit fraiseurs, puisque l'atelier des machines aussi, nous demandait « ben dans deux ans, il nous faut huit tourneurs ou bien il nous faut huit fraiseurs » donc, nous, au niveau des promotions, on préparait huit tourneurs, huit fraiseurs pour l'atelier des machines. C'est comme ça que ça se faisait un p'tit peu la sélection, et après eux, aussi, ils avaient un essai bien spécifique à leur métier. Le jeune ouvrier arrivait alors dans les ateliers de production et là encore, il était encadré par un ouvrier plus ancien, c'était le matelotage. Et là encore, l'entreprise entretenait le bon fonctionnement de cette intégration au milieu professionnel. Un règlement intérieur était d'ailleurs établi à l'intention des chefs d'ateliers. En voici un extrait : « Le chef d'atelier doit veiller à la préservation des jeunes et en particulier : • Eviter les voisinages dangereux • Eliminer l'influence d'adultes peu soucieux de leur dignité d'homme et de père de famille Plateau des capucins, collecte de mémoires, phase d'expérimentation, Analyse et interprétation des témoignages oraux. CRBC. 58 (...) Le premier jeune ouvrier prenant contact avec la vie des travaux éprouve toujours une certaine déception. Le chef d'atelier doit s'efforcer de limiter cette déception et de l'enthousiasmer »

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