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Yvonne Lagadec et son engagement en politique


Entretien enregistré réalisé par Dorine Caroff le 10 mars 2009 à 15H00, à la Caisse à Clous. La Caisse à Clous est une association située au port de commerce de Brest, qui aident les salariés des entreprises qui subissent des plans de licenciements, dans la recherche d'emploi, des informations sur la situation économique.

Yvonne Lagadec est née en 1935 à Paris. Elle s'engage très tôt en politique, à l'âge de 16 ans, par le biais de son père qui l'emmenait dans des réunions du Parti Communiste. A son arrivée à Brest en 1965, son engagement ne cessera de s'accroitre, notamment grâce à son travail au sein de l'entreprise Ericsson. C'est en 1977 qu'Yvonne Lagadec fait son entrée à la mairie de Brest, lors de l'élection de Francis Le Blé, obtenant le poste d'adjointe aux affaires post et péri-scolaires.


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Pouvez-vous vous présenter?


Je m'appelle Yvonne Lagadec, mon nom de jeune fille est Bounif, ce qui montre que je ne suis pas bretonne. J'ai 74 ans et je suis à Brest depuis 1965.


Quand avez-vous commencé à travailler?


Avant d'arriver à Brest, je travaillais dans la région parisienne dans une usine spécialisée dans le câblage et le soudage. Puis en arrivant à Brest, je n'ai pas travaillé tout de suite, il était difficile de trouver du travail. C'est quand Ericsson s'est implanté que j'ai pu retravailler. [1]. J'étais très contente car pour moi le travail était très important, chez moi une femme devait travailler.


C'est une valeur à laquelle vous teniez?


Oui, elle vient de mon père, ma mère travaillait, elle était marchande de quatre saisons. Pour mon père, une femme ne devait pas rester à la maison. J'ai mal vécu les années où je n'ai pas travaillé. Être femme au foyer ça ne me plaisait pas, retravailler signifiait pour moi redevenir une femme à part entière. Je n'aimais pas ça, être femme au foyer.


Très rapidement vous avez travaillé et vous vous êtes engagée en politique?


En 1977, la liste de gauche est passée pour la première fois aux élections municipales, avec 34 voix. Ce fût une surprise générale, on ne savait pas qu'on allait être élus. J'étais adjointe aux affaires post et péri-scolaire, à l'époque on ne disait pas l'enfance. J'ai continué à travailler. Pendant un an de 1977 à 1978, j'avais permanence, les réunions du bureau municipal et les commissions qui se faisaient dans la journée, ce qui était normal. Au bout d'un an, mon patron m'a envoyé un recommandé pour me dire que je devais choisir entre mon mandat d'élu et celui de travailleuse.


A cette époque, on ne pouvait pas être adjointe et continuer à travailler?


Non, en principe quand on était élu, on ne pouvait pas continuer à travailler. [2]. Mais moi je voulais garder les deux. Tout le monde fût prévenu que j'étais convoqué dans le bureau du patron. Des messages étaient envoyés par la Poste, sous forme de télégramme. «Â Les métallos » m'ont soutenu, j'ai reçu un bouquet de fleurs, avec une carte qui disait «Â on est avec toi, bon courage ». Les employés d'Ericsson faisaient partie de la métallurgie. Je suis arrivée dans le bureau du chef du personnel en lui disant, «Â vous voyiez, moi je reçois des fleurs, vous vous recevez des messages »! Il y eut beaucoup de discussions, avec des interventions externes, notamment du maire, Francis Le Blé, qui avait convoqué le patron et le chef du personnel. Et la presse s'y est aussi intéressée, car en plus j'étais une femme! L'évènement fût popularisé. Il y eut des discussions pendant un mois, puis un papier fût signé. Mais il a fallu que je me batte une phrase à la fin, qui précisait qu'à la fin de mon mandat, je reprendrais mon travail à temps complet. Cette phrase là n'a l'air de rien, mais c'était important. Je trouve que c'était important d'être une femme, de pouvoir travailler et être élue.


Qu'est ce qui vous a conduit à vous engager en politique?


Je me suis engagée jeune, j'avais 16 ans. Je suis née en France, mais mon père est algérien. On a apprit à se battre très tôt contre le racisme. De part mon nom et peut -être aussi mon physique, on a du se battre tôt. Quand on est petit, on se bat comme on peut... Un grand ami de mon père avait un café. Des français venaient dans ce café tenu par un algérien, où il n'y avait que des algériens. Ces français parlaient aux algériens, en employant les termes «Â d'amis, de camarades ». Il y avait des réunions de la cellule communiste de ce quartier de Suresnes. Des fois, mon père m'emmenait aux réunions, j'adorais aller au café pour essuyer les verres!! Quand il y avait des réunions, on me disait d'être sage et j'écoutais. Ce qui me plaisait, c'est que c'était des français qui prenaient en amis des algériens. On parlait de l'Algérie, qu'il fallait qu'elle soit indépendante. C'était des choses qui me tenaient à cœur et c'est ça qui m'a amené à 16 ans à adhérer au Parti Communiste.


Y-avait-il des femmes lors de ces réunions?


Non, elles étaient très peu nombreuses. C'étaient des femmes âgées, qui s'étaient battues pendant la guerre.


Vous avez continué votre engagement lorsque vous êtes arrivée à Brest?


Oui, à Brest j'étais toujours membre du parti, c'est pour ça qu'on m'a présenté sur la liste pour les élections municipales. J'étais une femme et il fallait qu'il y ait plusieurs femmes. Ce n'était pas que pour l'image, j'étais une femme et je travaillais. A l'époque, c'était toute la liste qui passait ou pas. Je ne connaissais pas la mairie et j'ai appris à la connaître!


Votre travail a-t-il joué un rôle dans votre engagement politique?


Oui, tout allait ensemble. Quand on travaille, on est très vite prit dans les syndicats, on comprend très vite les choses qui se passent: les injustices, les choses qui ne vont pas, surtout quand on est une femme. Cela n'a fait que me conforter. Je travaillais depuis 15 jours, lorsque il y eut la première grève portant sur les conditions de travail, la hausse des salaires. Il suffisait qu'une personne subisse une injustice pour que tout le monde se mette en grève. Il fallait qu'il y ait de la vitesse, du rendement. Certaines précautions n'étaient pas prises. C'était un travail qui impliquait de faire le même geste. La personne devenait une un objet, une machine.


Au sein du Conseil Municipal, quelle était votre place? Vous accordait-on la parole?


Oui, on avait la parole, les propositions étaient prises au sérieux. Je suis très fière, j'allais dans les écoles, voir les cantines. J'étais frappée par le fait qu'à partir du 15 du mois, beaucoup d'enfants ne venaient plus à la cantine. Des enfants n'avaient pour seul repas que celui du midi. J'ai donc proposé que l'on fasse des tarifs dégressifs et que les familles les plus défavorisées est le tarif gratuit pour que les enfants puissent au moins avoir un repas. Une fois, la ville a donné une somme d'argent et j'ai envoyé des enfants de chômeurs en colonies de vacances. Mais ailleurs qu'en Bretagne. J'avais vu avec les CE et des mairies de Paris. Les enfants étaient séparés pour ne pas qu'ils soient stigmatisés comme enfants de chômeurs. J'ai organisé ces voyages pendant deux ans. Aller voir les gens étaient utiles pour expliquer certaines situations, comme certaines familles qui refusaient d'envoyer leurs enfants en colonies car on demandait une liste d'habits. Il fût décidé qu'ils partiraient avec ce qu'ils avaient!


Quelle était l'image d'une femme qui s'engageait en politique?


Il y avait beaucoup de femmes, on le voit dans l'histoire. Beaucoup ont milité contre la guerre du Viet-Nam, d'Algérie, ont fait partie de la résistance.


Mais on voit que les femmes ont eu le droit de vote et d'éligibilité, malgré cela elles ne se sont pas tout de suite engagées...


Oui, c'est important le droit de vote. C'est vrai qu'elles n'avaient pas le droit de vote, mais elles faisaient les campagnes. Je me souviens qu'elles disaient aux hommes qu'il fallait qu'ils votent bien!. Lorsque je vais voter, c'est toujours avec un peu d'émotion. Je pense à une vieille dame chez qui j'étais à la campagne pendant 15 jours. Cela tombait pendant les élections du 2 juin 1946. [3]. C'était une militante qui habitait au début du village, donc les gens passaient devant sa maison. Les gens lui disaient «Â Tu as vu dimanche c'est les élections, il faut voter, maintenant on peut voter ». Donc le dimanche on s'est habillé, on a mit des belles robes, la cravate pour le Pépé et au moment de partir, elle ne trouvait plus sa carte d'électeur. Elle n'arrêtait pas de répéter «Â c'est les autres qui vont avoir ma voix ». Je ne comprenais pas qui c'était les autres. J'avais 12 ans, je ne comprenais pas pourquoi en n'allant pas voter les autres auraient sa voix. Elle a dit à son Pépé «Â Va voter, c'est pas la peine qu'ils aient notre voix à tous les deux! ». Puis une femme du village est venue et a secoué les draps. Car à l'époque, on mettait les choses de valeur dans les draps, et la carte est tombée. Elle m'a prit la main et on est parti en courant. Elle m'a dit «Â Tu vois Vovonne, les autres ils n'auront pas ma voix, ben on va aller fêter ça à la pâtisserie ». C'est le seul gâteau que je me souviens avoir mangé à la pâtisserie cette époque au lendemain de la guerre! Quand je vais voter, je pense toujours à elle. Elle m'a montré sans le vouloir combien c'était important le vote. Mais elle ne savait pas que même sans sa carte elle pouvait voter...


Justement, on observe que dans ces années là et encore aujourd'hui, c'est pour les femmes les plus âgées que le vote est important?


Oui, car elles ont eut toutes ces années où elles n'avaient pas le droit de voter. C'était important pour les femmes, elles étaient inférieures. Elles n'étaient pas des vrais humains, elles étaient des sous-humains. Tout comme lorsqu'elles travaillaient, elles n'avaient pas pas le droit d'avoir un compte bancaire. D'ailleurs à la mairie, avant lorsque on se mariait on disait «Â le mari », maintenant on dit «Â les époux »...


Comment les hommes ont-ils vécu ce droit de vote?


Il y en a qui étaient avec les femmes. Je crois que la lutte pour l'égalité ne se fait pas contre les hommes, mais avec les hommes. Hommes et femmes, nous voulons la même égalité, les mêmes droits. On ne gagne que si les deux sont ensembles. Ils souffraient aussi quelque part, du fait que leurs femmes, leurs filles étaient inférieures. On a pas tout gagné, notamment dans les salaires, où il y a toujours un écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes. Trop d'inégalités demeurent: à l'Assemblée Nationale, au Sénat, on a pas encore la moitié. [4]. Vous vous rendez compte? Depuis que le monde existe! Il y a encore beaucoup de choses à faire. C'est important de célébrer la Femme le 8 mars, mais ce n'est pas le seul jour qu'il faut le faire, car le lendemain on oublie.


Peut-on considérer l'accès aux études comme un des facteurs de cette évolution?


Oui, mais pour les hommes comme pour les femmes. Les hommes qui étaient issus de familles ouvrières ne faisaient pas d'études, après le certificat d'études, ils allaient travailler. Les inégalités jouaient aussi suivant les conditions sociales. Par exemple les mineurs, qui allaient travailler dès 14 ans.


Le fait d'avoir accès à des études supérieures permet aussi d'avoir des postes plus élevés?


Oui, cela permet de choisir ce que l'on veut faire comme travail, mais je ne suis pas sûre que cela soit le cas pour tous. Il reste encore des familles qui ont de telles difficultés qu'elles ne peuvent permettre à leurs enfants de faire des études. Le gouvernement porte une responsabilité.


Pensez-vous que les femmes ont réussi à s'imposer en politique aujourd'hui? Voyez-vous des changements?


Je ne suis pas sûre qu'il y ait une grande progression. Je défends toujours les mêmes valeurs que lorsque j'avais 16 ans. J'observe que quand je vais dans des réunions, je compte le nombre de femmes, ben on est pas à 50%, on est bien en deçà. J'ai assisté à une réunion de la CGT, des retraités, on était que 3 femmes et les gars une quinzaine.


Selon vous qu'elle en est la cause? Est-ce dû au fait qu'elles s'investissent moins? Est-ce le regard que porte les hommes sur les femmes qui s'engagent?


C'est les deux. On ne va pas mettre toute la responsabilité sur les hommes! Il faut aussi vouloir le faire. Il y en a qui disent «Â moi je suis une femme, donc ce n'est pas à moi de faire ça ». Chez Ericsson, on a pas connu ça car les femmes étaient plus que majoritaires: 75%. Cela se retrouvait aussi parmi les délégués du personnel, du CE. Les femmes sont encore bien battantes, mais je ne suis pas sûre que s'il n'y avait eut que 20% de femmes on aurait eu la même place. Aux premières réunions des syndicats des métallos, on était les seules femmes. Il y avait un copain, quand on voulait intervenir, il disait «Â non n'interviens pas parce que tu vas dire une bêtise ». On arrivait dans un milieu d'hommes, la métallurgie, on a un peu forcé la porte...


Il a fallu le faire?


Oui, mais ça c'est fait assez vite, surtout lors des luttes où la solidarité a joué tout de suite. Lorsque eux étaient en grève, on les soutenait et inversement. Cela c'est fait presque naturellement. Il y avait des petites boutades : «Â On voit bien que les filles d'Ericsson sont venues, il y a des paquets de bonbons ». Et nous on répondait «Â On voit bien que les métallos sont venus, il y a des cannettes de bière ». C'était pas méchant, on a gagné notre intégration de part les luttes qu'on menait, notamment lors de la grève de 1973, deux ans après l'ouverture de l'usine. On a pas souffert au syndicat de la métallurgie. On ne fût pas exclues.


Et au sein de la mairie, il n'y a pas eu de difficultés?


Non. On avait nos responsabilités.


Aujourd'hui, vous êtes toujours engagée en politique?


Oui, je suis dans un groupe engagé à gauche. C'est une association, qui n'appartient pas à un parti politique. On se réunit, on discute, on fait des petites actions, des débats. Surtout maintenant. Il faut se battre. Je pense à mes enfants et mes petits-enfants. Il faut continuer à se battre.


Dans ce groupe auquel vous appartenez, il y a d'autres femmes?


Oui, mais c'est pareil, il n'y en a pas beaucoup, à chaque fois je compte. Mais c'est partout comme ça. Des femmes il y en a, mais... Pourtant quand on va aux manifestations, on voit beaucoup de femmes. Car maintenant on peut emmener les enfants, avant les flics nous courraient derrière avec des bombes lacrymogènes. A Paris, il y avait une militante âgée, qui gardait mes enfants, c'était sa façon à elle de participer à la manifestation. Il y a eut une manifestation, comme le 8 février 1962, à Brest contre l'OAS et contre la guerre en Algérie. Les flics sont venus, il y a eut 8 morts, dont un jeune de 16 ans. [5]. Vous alliez aux manifestations, des fois vous étiez pas sûrs de revenir. Il fallait courir.


A cette époque, il y avait des femmes dans les manifestations?


Oui, oui. D'ailleurs, dans les 8 morts, il y avait trois femmes, tuées par les flics. Oui, on a toujours vu des femmes aux manifestations. Si on reprend toute l'histoire eut des femmes qui étaient en tête, meneuses.


Pourquoi ne franchissent-elles pas le pas de s'investir en politique, afin d'avoir plus de responsabilité?


Ce n'est pas facile à avoir, il y a les hommes...C'est une lutte à gagner, avec les hommes, pour que la parité se fasse réellement. Mais pas simplement la parité. Ce n'est parce que on est une femme que l'on est forcément plus capable de faire quelque chose. Il y a des femmes qui ont été formidables et qui ont mené des luttes. Je pense à Louise Michel [6] qui a été une femme extraordinaire et qui n'avait pas le droit de vote. Elle a pourtant été une grande dame, ce n'est pas n'importe qui. Elle fait encore peur. Il y avait une école à la Cavale Blanche, qui s'est construite entre 1983 et 1989. Le maire était Jacques Berthelot. Les enseignants et parents d'élèves voulaient qu'elle s'appelle Louise Michel. Nous on a proposé ce nom au Conseil Municipal, la maire s'y est opposé. Lors de prise de parole, j'appelais cette école Louise Michel, le maire me reprenait! En 1989, quand la gauche est revenue, c'est une des premières choses que l'on a fait. Elle faisait encore peur à des hommes de droite longtemps après sa mort.


Pensez-vous que si les femmes ne sont pas autant représentées, c'est parce que d'une certaine manière, elles font peur aux hommes?


Il faudrait demander aux hommes s'ils ont peur de nous!


Par exemple, lors de l'obtention du droit de vote, ceux qui s'y opposaient invoquer l'idée que les femmes auraient les mêmes droits qu'eux?


Ou alors ils avaient peur qu'elles votent à droite, ou qu'elles ne sachent pas voter! «Â Elles vont voter n'importe comment, elles savent pas... ». Alors qu'elles savaient voter. Tout de suite elles ont su voter d'ailleurs. Mais il y a des choses qui sont importantes, comme le droit de vote, avoir son compte bancaire. Il y a des choses qui ont été gagnées, mais il faut continuer à se battre. Par exemple pour le droit à l'avortement, de Simone Veil en 1976. [7]. Aujourd'hui il est remis en cause. Cela touche tous les droits. Si on ne fait pas attention, ils peuvent être pris. Il faut continuer à se battre pour conserver les droits que nous avons obtenu, mais aussi ceux de nos parents et grands-parents. Toutes les luttes que les femmes et les hommes ont mené. Même si les femmes n'avaient pas le droit de vote, elles étaient dans les manifestations. Pendant la guerre avec l'Allemagne, les femmes ont eu de l'importance. Aussi durant la guerre d'Algérie, elles ont pris leur place. Alors que maintenant il y a le Code de la Famille qui les place comme mineures à vie. Pour les actes importants de la vie, ils leur faut un tuteur. Par exemple, une dame de 90 ans, c'est son petit-fils qui peut être son tuteur. Mais elles se battent aussi, avec des hommes qui trouvent que ce n'est pas normal. Et les hommes ont le droit d'avoir 4 femmes...Pourtant les femmes algériennes ont fortement participé à la lutte pour l'indépendance, combien ont été tuées, torturées...Cette loi date de 1984. [8]. Plus de 20 ans après la guerre, le Code de la Famille leur tombe dessus. Il faut faire attention et continuer à se battre ensemble, hommes et femmes. Car quand on nous prend des droits, c'est aussi des droits que l'on prend aux hommes.


Pensez-vous que la parole des femmes est plus entendue aujourd'hui qu'auparavant?


Il y avait des femmes qui étaient des grandes femmes. Qui portaient des choses. C'est vrai, elles étaient peut-être pas nombreuses. A mon avis, elles étaient entendues, écoutées, même par les hommes. Mais maintenant, il faut continuer.


Par exemple, concernant le Planning Familial, beaucoup pensent que les droits sont acquis, que c'est simple puisque on a le droit, alors que ce n'est pas toujours le cas...


Acquis une fois pour toute, ce n'est pas vrai. Aucun droit n'est acquis une fois pour toute, surtout maintenant. Jamais on a vu autant de droits repris qu'aujourd'hui. Mais si on est pas concernait tout de suite, il y a des choses qui peuvent passer. On va revenir en arrière, par exemple pour la retraite. L'âge de la retraite recule, c'est grave. Avant on travaillait à 14 ans. Maintenant, comme on fait des études, on travaille plus tard. J'espère qu'ils ne vont pas toucher à ça : par exemple, par enfant on a le droit à 2 ans. Si vous aviez travaillé 35 ans, cela donnait 37 ans. Chez Ericsson, on avait obtenu que les femmes qui allaitaient un enfant avaient droit à une heure par jour. Elles pouvaient arriver plus tard.


Vous avez milité pour les droits des femmes?


Oui, notamment au travail, où ça venait naturellement. Et puis j'ai été élevé comme ça. Mon père est algérien. Chez moi, filles et garçons c'était pareil. J'ai été élevée avec mes cousins, on était 5 filles et 1 garçon. Mon père nous titillait, à propos de la vaisselle, disant que mon cousin Claude n'avait pas à la faire puisque c'était un garçon. Et il était content car nous tout de suite, on montait au créneau... On a été habitué comme ça, que les garçons et les filles c'est pareil. A la maison, mon père faisait à manger, nous langeait. A l'époque, il n'y avait pas beaucoup d'hommes qui savaient langer. Mais ma mère travaillait, donc on avait pas le choix. On a été élevé comme ça : les femmes travaillent comme les garçons, à la maison pareil.


Vous aussi, vous avez reproduit ce schéma dans l'éducation de vos enfants?


Oui, mais moi j'ai eu que des garçons, donc ils faisaient tous la vaisselle! Pour moi c'était clair que je travaillerais. J'ai essayé d'éduquer mes fils comme ça, même s'il n'y avait pas de filles. C'est quelque chose qui doit se transmettre de générations en générations. C'est cette éducation qui nous a mené à êtres des battantes.


Quelle était l'image rendue par une femme qui s'engageait en politique?

Mes souvenirs sont plus à Paris. Je vois dans le quartier, les femmes qui s'engageaient en politique, elles étaient bien reconnues. Surtout que la solidarité primait, elles allaient voir le autres femmes en leur disant de ne pas se laisser faire. C'est vrai qu'il y a de choses qui me révoltent, quand on voit que tous les trois jours (à vérifier), il y a une femme qui meurt sous les coups de son mari, son compagnon. Je me dis encore maintenant! Mais il y a des hommes qui sont aussi battus...Cela vient aussi de l'éducation, mais pas seulement dans les familles, dans les écoles aussi. Si on apprend que les garçons et les filles doivent être égaux et qu'il faut respecter l'autre, on arriverait pas à cette situation là. Maintenant, on le dit, mais ça date, il y a toujours eut des violences. Ce sont des crimes et qui restent impunis. Quand vous avez appris le respect à l'école, vous le traduisez dans votre propre famille.

Notes et références

  1. Ericsson s'est installé en 1971 à Brest.
  2. Statut de l'élu : La loi n° 92-108 concernant le statut de l'élu date du 3 février 1962. Par cette loi, l'employeur doit laisser du temps au salarié, mais n'est pas tenu de le payer durant les heures passées en temps qu'élu. Ces heures d'absence ne peuvent être le motif d'un licenciement ou de sanctions. La réintégration et le reclassement se font de droit. Ils bénéficient d'une couverture sociale s'ils n'exercent plus du tout d'activité professionnelle au profit de leur charge d'élu.
  3. Le 2 juin 1946, ont lieu les élections législatives.
  4. Nombre de femmes à l'Assemblée Nationale : 107 femmes sur 577 hommes. Nombre de femmes au Sénat : 76 femmes sur 347 hommes.
  5. Le 8 février 1962, une manifestation est organisée à Paris par diverses organisations de la gauche contre l'OAS (Organisation Armée Secrète) et la politique menée en Algérie par le gouvernement français. La manifestation est interdite, mais rassemble pourtant près de 200 000 personnes, selon Alain Dewerpe, historien. La manifestation se soldera par des morts à la station de métro Charonne, où des manifestants se réfugient suite à des charges de policiers. Neuf personnes seront tuées, dont trois femmes, par asphyxie et fractures.
  6. Louise Michel est née en 1830. Devenue institutrice, elle s'investit en politique, se réclamant du mouvement anarchiste. Elle participe activement à la Commune en 1871, ce qui lui vaudra d'être déportée en 1873 en Nouvelle-Calédonie, où elle continuera ses combats, notamment pour les Canaques. Amnistiée en 1880, elle rentre à Paris, où elle reprend ses activités politiques.
  7. Le président de la République Valéry Giscard d'Estaing et la Ministre de la santé Simone Veil présentent au Parlement en 1974 deux textes de loi. Le premier porte sur la contraception, en décembre 1974, qui supprime les entraves existantes pour les mineures de la loi Neuwirth de 1967. Le second texte porte sur l'interruption de grossesse (IVG), en janvier 1975, adopté grâce aux voix de l'opposition. La loi est prévue pour cinq ans et confirmée en 1979.
  8. Le Code de la Famille algérien date du 9 juin 1984. Il rend la femme algérienne mineure à vie, notamment par l'Article 11, où elle ne peut se marier sans l'accord d'un tuteur de sa famille, on encore une juge qui devient son tuteur.

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