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Témoignage de Marguerite Sire : La vie du quartier de Saint-Martin à Brest pendant la guerre

Portrait Marguerite SIRE, fév. 2010

Marguerite SIRE, née PORS, est née à Lambézellec en 1929.

Elle a habité au 3 de la rue Coat ar Guéven, au troisième étage.

Elle nous livre ses souvenirs de jeunesse pendant la guerre.

Rue Coat ar Gueven.jpg

Lavoir de la rue Conseil

Mes parents sont venus habiter au 3 rue Coat ar Gueven en 1939, au troisième étage, une famille par étage. J'avais alors 10 ans et au 1, il y avait un commerce. On n'était pas desservi en eau, le point d'eau était au coin de la rue. Par exemple, pour laver la salade qui demande beaucoup d'eau, et bien c'était la salade qui allait à l'eau. Le quartier n'était pas tout à fait comme maintenant, une rue a disparu. C'était la rue Asile des Vieillards, qui partait en biais de la rue Conseil et arrivait à l'angle de la rue Coat ar Gueven et la rue Anatole France ( rue Jean Jaurès maintenant ) et fermait la rue Graveran. La mère d'une amie qui était avec moi à la Feuillée, avait un magasin d'alimentation rue Asile des Vieillards.

Ma mère allait au moins une fois ou deux par semaine au lavoir et je l'aidais à porter son linge dans la brouette quand je partais à l'école à 14 heures, ou pour redescendre le linge mouillé. C'était un lieu toujours plein. Chacune apportait sa caisse en bois. Je me rappelle les grandes lessiveuses à gauche en entrant, elles étaient vraiment très grandes. Le linge était mis là à bouillir. On pouvait le faire sécher au lavoir ou le faire égoutter mais ma mère le ramenait toujours à la maison le soir. J'ai toujours vu le linge qui séchait dans la cuisine sur des fils tendus en travers. La pièce était très grande et mon frère et moi, on jouait à cache-cache derrière le linge.


Les années de guerre

Mon père a été embrigadé en 39, dans les premiers et pourtant, il avait trois enfants. Mais mon frère et moi, les deux derniers, sommes nés rue Jean Jaurès, à Lambézellec, donc non inscrits à Brest. Je revois encore mon père, à la portière du train, dire à ma mère : « Ne t'inquiètes pas, Françoise, je serai là dans trois jours" ; il est resté huit mois.

En 44, on nous a obligés à partir à cause des bombardements et nous sommes allés à Lampaul-Plouarzel, invités par une cousine à faire la moisson, pour huit jours maximum. Mon père est parti à bicyclette avec des bagages et ma mère et moi à pied. Il faisait des aller retours pour nous prendre à tour de rôle. Après la moisson, on a été obligés de partir et on s'est retrouvés à Saint-Renan, chez une belle sœur qui nous a offert son grenier, près de la place aux cochons. Tous les soirs, on allait sur un endroit surélevé et on voyait toujours le clocher de l'église Saint Martin. On gardait espoir.

C'était défendu de retourner à Brest mais mon père a quand même pris son vélo pour y aller. Quand il est rentré le soir un torchon à la main,, il a dit à ma mère « Tiens Françoise, voilà un torchon, il faut tout recommencer ». Il avait trouvé le torchon sur la route. Quand il est arrivé au bout de la rue Coat ar Gueven, côté Glasgow, toute la rangée de maisons paraissait intacte. Au fur et à mesure qu'il avançait, il n'y avait rien, que des façades. Il a reconnu sa cuisinière intacte au sous-sol parmi les décombres, une très belle cuisinière blanche. Mes parents avaient 42 et 45 ans. Le départ a été tellement précipité que mes parents ont même laissé leur argent. Ma bourse aussi est restée. On a tout perdu. Heureusement, les livrets de caisse d'épargne étaient partis pour Carhaix, je crois.

Au premier habitait un couple avec leurs enfants. Le monsieur est venu nous trouver, un jour, pour nous dire qu'il avait emmené sa famille dans le Nord Finistère et qu'il allait partir. Je ne suis pas sûr de revenir, nous a-t-il dit, mais vous direz bien à ma femme que je l'aimais énormément. Nous n'avons malheureusement jamais revu la famille.

Je me souviendrais toujours de l'arrivée des allemands à Brest. Ils ont descendu la rue Jean Jaurès en défilant. Il y avait plein de monde qui regardait, mais dans un silence assourdissant. A un moment, un homme a claqué des mains et les gens l'ont regardé ; il a arrêté de suite.


L'école et la guerre

J'ai habité environ quatre ans à Saint-Martin et je me souviens très bien des bombardements, à la maison et à l'école. Pendant deux ans, j'ai fréquenté l'école Proudhon puis le Lycée de Jeunes Filles rue Jean Macé mais pendant la durée de la guerre, j'ai changé treize fois d'école ; Morlaix, la Feuillée, Huelgoat, Saint Renan ( 41 et 44 ). Les tickets de rationnement étaient supprimés pour obliger les gens à partir, puis on revenait ensuite, dès que l'on nous redonnait le droit aux tickets. Pendant les alertes, chez moi, on allait à la cave mais à Proudhon, on restait assis dans le couloir.

J' étais à l'école à Huelgoat et au mois de mai, vers midi, les allemands sont arrivés. A quatre heures, on devait être tous partis. Nous dormions là-bas et nos lits et matelas ont été mis sur le car pour arriver à Brest sans que mes parents ne nous attendent. On a dormi chez la dame qui nous lavait le linge et on a prévenu nos parents le lendemain. Ma mère est venue chercher le lit avec sa brouette. A la Feuillée, la dernière année, les deux instituteurs qui se partageaient les cours nous paraissaient très fatigués le matin. C'était un coin particulièrement actif de la résistance. Il y avait souvent des plasticages.

Je dormais avec une amie chez une dame, qui me donnait un bol de lait de chèvre tous les matins. Une nuit, et on a été réveillées par des coups de crosse dans la porte. Les allemands ont fouillé la maison à la recherche de parachutistes.

Tous les midis, nous mangions, mon amie et moi, au restaurant qui est sur la place, au milieu de trente à quarante allemands. Leur chef venait toujours s'asseoir avec nous. Il est arrivé que quelqu'un, parachuté dans la nuit, soit à notre table. Nous mangions tranquillement tous les trois lorsque le chef s'est installé avec nous. Cela a été épouvantable, nous avions hâte de partir.

Documents sonores

Les bombardements <flashmp3>Bombardements anglais.mp3</flashmp3>La Feuillée<flashmp3>Mme Sire La Feuillee1.mp3</flashmp3>

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