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Menhir de Kerloas

Le texte suivant a été rédigé par Michel Le Goffic, archéologue départemental et est intégré à l'exposition qui se déroule chaque été à la chapelle Saint-Yves de Plouarzel.

Le Menhir de Kerloas est classé Monument historique depuis le 25 septembre 1883.

Roche et site d'extraction

La roche constituant le menhirde Kerloas est un granite porphyroïde à très gros feldspaths roses (orthoses essentiellement) et micas noirs (biotites). ce granite qui comporte des petites enclaves endogènes allongées de teinte gris-noir, à grain fin, est connu sous le nom de granite de l'Aber-Ildut. Ce granite est réputé pour sa couleur rosée (due à la présence de particules microscopiques d'hématite dans les orthoses), et sa résistance à l'altération.

Il a servi à la construction de phares, de bâtiments publics ou privés, de forts et, en 1835, on l'utilisa pour former le socle de l'obélisque de Louqsor à Paris.

Au Néolithique, la plupart des mégalithes (dolmens et menhirs) de la région de Porspoder ont été construits avec cette roche.

La carte géologique révèle que le substratum du site d'implantation du Menhir de Kerloas est formé par le granite de Saint-Renan, granite à grain fin au sein duquel existent des formations stanno-wolframifères. L'érosion de ce granite est à l'origine des gîtes alluvionnaires de cassitérite (minerai d'étain).

L'affleurement de granite de l'Aber-Ildut le plus proche de Kerloas est distant de 2 km et il est raisonnable de penser que les hommes du Néolithique ont transporté le bloc sur une distance de plusieurs kilomètres, ce qui ne fut sans doute pas une mince affaire.

Choix du site

L'emplacement choisi pour ériger le menhir de Kerloas est, bien entendu, en relation étroite avec la signification de ce menhir, c'est pourquoi une petite étude géomorphologique s'impose. Si ce menhir se range parmi les menhirs de hauteur, il répond à la règle générale de cette catégorie qui est de se situer sur un terrain élevé, mais jamais au sommet topographique. Il s'agit, à n'en pas douter, d'une volonté ferme car dans la plupart des cas rien, apparemment, n'empêchait de lever un menhir au somet topographique.

Il est placé à l'interfluve de deux talwegs où prennent leur source deux ruisseaux affluents de l'Aber Ildut. Ces deux petites vallées sont orientées Est-Ouest et s'infléchissent ensuite vers le Nord.

La base du menhir est à 132 m d'altitude, tandis que le sommet topographique du massif de l'Aber Ildut, qui culmine à 142 m, se trouve à 500m plus au sud.

Il en résulte que, par temps dégagé, ce monolithe est visible de fort loin, à condition que la nature de la végétation le permette. Ce site est le point culminant du Bas-Léon et pour trouver des altitudes comparables, il faut se déplacer d'une quarantaine de kilomètres vers l'Est, dans la région de Landerneau-La Roche-maurice. Nous pouvons ajouter que la limite maximum de visibilité, à l'oeil nu, d'un tel élément structurant structurant le paysage est fonction de l'acuité visuelle de l'observateur et ne peut guère dépasser une trentaine de kilomètres. cependant, en raison de la présence de la croupe portant le sommet topographique, un observateur situé dans un secteur Sud, entre N 160° et N 200°, à plus de 500m de distance, ne peut le voir et il est permis de se demander si ce n'est pas délibéré.

Méthodes de transport

De nombreux monuments préhistoriques ou protohistoriques sont constitués de matériaux pondéreux transportés sur des distances parfois très longues :

  • les pierres du dolmen de la Roche aux Fées (35) et une dalle de couverture de Gavrinis (56) ont subi un transport d'au moins 4 km;
  • les pierres en sarsen de Stonehenge (Angleterre) proviennent de 30 km et les blocs de dolérite de 200 km.

Le colossal monolithe de Baalbeck en Syrie, dont le poids est estimé à 1500 tonnes, n'a pas connu un long transport, mais sa masse montre que les hommes ne reculaient pas devant le gigantisme.

Le menhir de Kerloas a connu un transport d'au moins 2 km, mais vraisemblablement bien davantage car il est peu probable qu'un tel bloc ait existé en limite sud du massif granitique de l'Aber-Ildut. le transport a été d'autant plus difficile qu'i a fallu gravir des pentes, la dénivellation entre son lieu d'origine et l'endroit de son implantation pouvant être de 50 à 100 mètres. Plusieurs méthodes de transport plausibles pour l'époque ont été imaginées et testées. Il faut garder présent à l'esprit que la traction animale, à l'aide de boeufs, a pu être utilisée, épargnant ainsi une nombreuse main d'oeuvre.

Le déplacement à l'aide de rouleaux formés par des rondins de bois est le plus classiquement évoqué. Il a été expérimenté par J.-P. Mohen à Bougon en Vendée en 1979 pour déplacer un bloc de 32 tonnes. La partie la plus difficile à réaliser fut de rassembler les matériaux, cordages et filets. 230 hommes tiraient sur les cordes, 20 poussaient avec des leviers.

Le mouton étant domestiqué au Néolithique, l'idée de faire glisser un menhir placé sur un ber sur un chemin suiffé formé de tins (sortes de rails de bois) a été testée à Plabennec en 1985 lors du relevage du menhir de Prat-Ledan. Le résultat a dépassé les espérances.

Les anciens carriers avaient l'habitude de déplacer de lourds blocs en jouant avec le centre de gravité de la pierre. Ils faisaient avancer un côté, puis l'autre, alternativement. C'est une méthode longue, peu spectaculaire mais efficace et qui nécessite peu de personnel, peu d'efforts et peu de moyens; seuls quelques rondins et leviers suffisent.

Certains auteurs ont pensé qu'à la faveur d'un hiver très froid, il était possible de déplacer des masses importantes sur des rivières ou des sols gelés.

Erection d'un menhir

La traduction en français de menhir est pierre longue et qui dit pierre longue dit pierre fragile, aussi c'est une chose de déplacer une longue pierre, c'en est une autre de l'ériger sans la briser, tant il est vrai qu'un porte-à-faux malencontreux peut réduire à néant de longs et pénibles efforts. C'est pourquoi l'érection de certains menhirs a dû demander beaucoup de préparation, de technique et de soins. On ignore bien entendu, comment ont procédé les hommes préhistoriques mais on peut cependant proposer quelques méthodes qui ont été testées.

LES GRAPHIQUES SUIVRONT BIENTOT

Age et destination

Des sondages et fouilles de calage de menhirs ont été exécutés à maintes reprises, au moins depuis le XIXème siècle. Ces investigations ont presque toujours livré des traces de cendre et des charbons de bois, restes d'un probable feu rituel lors de la cérémonie d'érection. De plus, divers objets ont parfois été recueillis : haches polies, silex, tessons de poterie permettant de dater la mise en place. Les fouilles récentes de Saint-Just (35) et de Locmariaquer (56) pratiquées respectivement par C.T. Le Roux et J.L'Helgouac'h ont révélé la complexité et la succession des évènements qui se sont produits sur de tels sites : mise en place, transformations, remplois...

L'une des premières interprétations du menhir de Kerloas vient du toponyme de la ferme voisine de laquelle il tire son nom et qui signifierait, selon le Chevalier De Fréminville, le lieu du deuil ou de la douleur rappelant ainsi, après de nombreux siècles la sépulture d'un chef important. De nos jours, Kerloas est plutôt traduit par la ferme de Loas ou de Gloas, patronyme de la personne qui s'est établie en ce lieu. Cependant, cvertains menhirs semblent bien associés à des sépultures; on les nomme menhirs indicateurs et ils sont à proximité de dolmens ou dans le prolongement d'allées couvertes (Kercordonner à Moëlan-sur-Mer ou Parjou-Menhir à Pleumeur-Bodou par exemple)

En 1961, des tessons se rapportant à plusieurs vases de l'Age du Bronze furent découverts entre les pierres du massif de calage du menhir de Kerloas, ce qui fit penser à certains que ce monolithe datait de l'Age du Bronze et qu'il était en relation avec l'important gisement de cassitérite voisin (la cassitérite est un minerai d'étain nécessaire à la réalisation du bronze qui est un alliage de cuivre et d'étain. Il aurait servi de repère aux voyageurs en quête de ce précieux minerai.

On pense aujourd'hui que la plupart des grands menhirs à surface régularisée datent du néolithique. Ce qui est indéniable c'est que, de l'emplacement où il est érigé, la vue s'étendà des kilomètres à la ronde et qu'il apu servir de repère à terre ou d'amer pour des navigateurs. Il a aussi pu, tel un gigantesque gnomon, servir à des visées de type astronomique à partir de divers points et il ne faut pas oublier que des structures plus légères et donc moins pérennes ont pu l'accompagner.

De tels menhirs ont aussi été considérés comme étant des idoles primitives ou des symboles religieux, des totems de pierre ayant pu être revêtus de couleurs vives, lieux de culte litholâtrique à l'instar de ceux, bien connus, du Moyen-Orient.

Les ethno-archéologues pensent que certains menhirs peuvent avoir été mis en place en commémoration de grands évènements et pourraient marque la puissance d'un individu ou d'une société en créant un ouvrage colossal et impérissable.

Les menhirs ont également été considérés comme étant des symboles phalliques et les deux protubérances basales de celuis de Kerloas ne sont pas sans évoquer certains attributs masculins.

Rien ne nous dit qu'il faille chercher une et une seule explication.

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