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De Wiki-Brest

Les sites wiki une nouvelle forme d'archives : Différence entre versions

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Version du 1 juin 2007 à 21:43

La presse, par Nicolas Ritoux, Collaboration spéciale

LES SITES «WIKI»: UNE NOUVELLE FORME D’ARCHIVES

Mes mémoires sur Internet

Les sites «wiki» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer à la postérité des expériences personnelles aussi variées qu’une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s’étaient massés en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.

Photo Martin Tremblay, archives La Presse



Des souvenirs de guerre des vétérans à votre premier show de Metallica, le Web se découvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il été un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mémoirer les recherches des internautes au bénéfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultraprécis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.

La ville française de Brest, nichée au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abrité d’importantes installations militaires, de l’Antiquité à nos jours. Son emplacement stratégique n’a pas échappé aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.

Résultat : Brest a été pilonné sans relâche par les Alliés de 1941 à 1944, quand les Américains l’ont enfin pris après un siège de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bâtiments dans l’ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complètement rasé, ne laissant aux générations futures que quelques photos jaunies.


Seuls les aînés, de moins en moins nombreux, ont encore une idée de ce qu’était la vie brestoise d’avant-guerre. Et parce qu’aucun livre d’histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont décidé d’aller la recueillir pour la postérité, dans le cadre d’un projet Web organisé par la municipalité : Wiki-Brest (http://www.wiki-brest.net).

Ressusciter les quartiers de la ville

Michel Briand est un maire adjoint très branché. C’est lui qui a installé, dès les débuts d’Internet, le premier des 77 points d’accès publics à Internet dont profitent aujourd’hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancé un programme de formation des citoyens à la rédaction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer à un projet de mémoire collective sur le Web, basé sur l’outil le plus démocratique d’Internet : un « wiki ».

Petit rappel : un site « wiki » permet à tous ses visiteurs de créer ou modifier facilement ses pages, d’un clic de souris. L’exemple le plus connu est l’encyclopédie Wikipedia.org.

Sur Wiki-Brest, qui n’en est qu’à sa première année d’existence, on peut déjà lire les récits vécus d’une enfance dans les « baraques » où vivaient les familles expropriées en raison de la guerre, ou d’une grève de 1953, ou de l’ouverture d’une école en 1966.

On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaériens commentées par les retraités qui les ont prises, ou le récit d’une visite d’écoliers dans les restes d’un bunker allemand.

« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l’histoire qu’ils recèlent , explique M. Briand en entrevue téléphonique. On veut valoriser cette richesse insoupçonnée, en interrogeant les gens qui ont vécu là, qui étaient souvent des pêcheurs ou d’autres marins. On veut dire à ces gens que leurs souvenirs sont précieux et qu’ils ont tous quelque chose à nous apprendre. »

« On fait chaque trimestre une collecte thématique de données sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajouté en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c’est la musique avec les artistes de la scène locale, etc. Une fois, nous sommes allés dans un foyer de personnes âgées qui nous ont prêté leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant à recueillir les propos des plus vieux. »

Ces groupes sont constitués d’élèves en difficulté qui, dit-il, ont de l’énergie à revendre. « Les personnes âgées ne savent souvent pas se servir d’un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ça les aide à reconquérir une estime d’eux-mêmes. »

Afin de refléter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d’associations, de mairies de quartier, d’institutions muséales et d’écoles de la ville. Par exemple, un musée de la géologie du bord de mer crée actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.

« On va créer plusieurs promenades interactives comme ça, où les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent écouter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vécu là, accompagnés de propos historiques. Tout le monde pourra créer ses propres wikibalades », précise M. Briand, qui tient absolument à ce que les citoyens fassent eux-mêmes vivre le site selon un principe d’«appropriation».

« On reste modeste, on avance doucement. J’en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »

Mon premier concert de Metallica

Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » créé par Marshall Poe, professeur d’histoire à l’Université Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly à Washington.

N’importe qui peut y raconter ses souvenirs d’un lieu, d’un événement, ou d’une personne « qui pourraient présenter le moindre intérêt pour quelqu’un d’autre, aujourd’hui ou dans 500 ans », indique la présentation du site.

Une femme raconte avec beaucoup d’humour comment elle a rembourré son soutien-gorge à 13 ans pour faire croire aux gars de l’école qu’elle avait des seins. Une autre personne raconte sa première entrevue avec John Lennon pour un magazine américain, à Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fierté qu’il a eu de posséder 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinés par la dépression ne lui coupent son argent de poche. Et ça continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...

« Ces récits sont tous très personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d’autres parlent longuement d’une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancé ce projet dans le cadre d’un cours de l’American University à Washington.

« J’étais supposé leur enseigner l’histoire de la Russie, qui est ma spécialité, mais je venais de découvrir les «wikis» et je leur ai donné le choix entre apprendre l’histoire russe, ou réaliser ce projet sur le Web. Ils n’ont pas mis longtemps à choisir ! »

Une valeur historique?

On peut se demander quelle est la valeur historique de récits comme « j’ai croisé Quentin Tarantino dans une salle de cinéma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la réponse ne peut être que subjective.

« En tant qu’historien, je crois que tout ça a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ça dans 100 ans, quand la vie sera totalement différente. Ce sera aussi étrange que de lire un article de journal du siècle dernier. Les récits du site vont devenir plus intéressants à mesure que le temps passe. »

 condition, bien sûr, que le Web comme on le connaît existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version française de MemoryArchive.org devrait être ouverte aux contributions du public d’ici quelques semaines.

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