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Les sites wiki une nouvelle forme d'archives : Différence entre versions

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tacricelch
 
La presse, par Nicolas Ritoux,
 
La presse, par Nicolas Ritoux,
Collaboration spéciale
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Collaboration spϩciale
  
 
'''LES SITES «WIKI»: UNE NOUVELLE FORME D'ARCHIVES'''
 
'''LES SITES «WIKI»: UNE NOUVELLE FORME D'ARCHIVES'''
  
'''Mes mémoires sur Internet'''
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'''Mes mϩmoires sur Internet'''
  
''Les sites «wiki» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer à la postérité des expériences personnelles aussi variées qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'étaient massés en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.
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''Les sites «wiki» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer Ï  la postÏ©ritÏ© des expÏ©riences personnelles aussi variÏ©es qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'Ï©taient massÏ©s en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.
  
 
Photo Martin Tremblay, archives La Presse
 
Photo Martin Tremblay, archives La Presse
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Des souvenirs de guerre des vétérans à votre premier show de Metallica, le Web se découvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il été un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mémoirer les recherches des internautes au bénéfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultraprécis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.
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Des souvenirs de guerre des vϩtϩrans Ϡ votre premier show de Metallica, le Web se dϩcouvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il ϩtϩ un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mϩmoirer les recherches des internautes au bϩnϩfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultraprϩcis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.
  
La ville française de Brest, nichée au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abrité d'importantes installations militaires, de l'Antiquité à nos jours. Son emplacement stratégique n'a pas échappé aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.
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La ville franϧaise de Brest, nichϩe au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abritϩ d'importantes installations militaires, de l'Antiquitϩ Ϡ nos jours. Son emplacement stratϩgique n'a pas ϩchappϩ aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.
  
Résultat : Brest a été pilonné sans relâche par les Alliés de 1941 à 1944, quand les Américains l'ont enfin pris après un siège de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bâtiments dans l'ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complètement rasé, ne laissant aux générations futures que quelques photos jaunies.  
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RÏ©sultat : Brest a Ï©tÏ© pilonnÏ© sans relÏ¢che par les AlliÏ©s de 1941 Ï  1944, quand les AmÏ©ricains l'ont enfin pris aprϨs un siϨge de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bÏ¢timents dans l'ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complϨtement rasÏ©, ne laissant aux gÏ©nÏ©rations futures que quelques photos jaunies.  
  
  
Seuls les aînés, de moins en moins nombreux, ont encore une idée de ce qu'était la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont décidé d'aller la recueillir pour la postérité, dans le cadre d'un projet Web organisé par la municipalité : Wiki-Brest (http://www.wiki-brest.net).
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Seuls les aϮnϩs, de moins en moins nombreux, ont encore une idϩe de ce qu'ϩtait la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont dϩcidϩ d'aller la recueillir pour la postϩritϩ, dans le cadre d'un projet Web organisϩ par la municipalitϩ : Wiki-Brest (http://www.wiki-brest.net).
  
 
'''Ressusciter les quartiers de la ville'''
 
'''Ressusciter les quartiers de la ville'''
  
Michel Briand est un maire adjoint très branché. C'est lui qui a installé, dès les débuts d'Internet, le premier des 77 points d'accès publics à Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancé un programme de formation des citoyens à la rédaction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer à un projet de mémoire collective sur le Web, basé sur l'outil le plus démocratique d'Internet : un « wiki ».
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Michel Briand est un maire adjoint trϨs branchÏ©. C'est lui qui a installÏ©, dϨs les dÏ©buts d'Internet, le premier des 77 points d'accϨs publics Ï  Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancÏ© un programme de formation des citoyens Ï  la rÏ©daction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer Ï  un projet de mÏ©moire collective sur le Web, basÏ© sur l'outil le plus dÏ©mocratique d'Internet : un « wiki ».
  
Petit rappel : un site « wiki » permet à tous ses visiteurs de créer ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopédie Wikipedia. http://fr.wikipedia.org
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Petit rappel : un site « wiki » permet Ï  tous ses visiteurs de crÏ©er ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopÏ©die Wikipedia. http://fr.wikipedia.org
  
Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'à sa première année d'existence, on peut déjà lire les récits vécus d'une enfance dans les « baraques » vivaient les familles expropriées en raison de la guerre, ou d'une grève de 1953, ou de l'Â’ouverture d'une école en 1966.  
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Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'Ï  sa premiϨre annÏ©e d'existence, on peut dÏ©jÏ  lire les rÏ©cits vÏ©cus d'une enfance dans les « baraques » oϹ vivaient les familles expropriÏ©es en raison de la guerre, ou d'une grϨve de 1953, ou de l'’ouverture d'une Ï©cole en 1966.  
  
On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaériens commentées par les retraités qui les ont prises, ou le récit d'une visite d'écoliers dans les restes d'un bunker allemand.
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On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaϩriens commentϩes par les retraitϩs qui les ont prises, ou le rϩcit d'une visite d'ϩcoliers dans les restes d'un bunker allemand.
  
« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recèlent , explique M. Briand en entrevue téléphonique. On veut valoriser cette richesse insoupçonnée, en interrogeant les gens qui ont vécu là, qui étaient souvent des pêcheurs ou d'autres marins. On veut dire à ces gens que leurs souvenirs sont précieux et qu'ils ont tous quelque chose à nous apprendre. »
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« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recϨlent , explique M. Briand en entrevue tÏ©lÏ©phonique. On veut valoriser cette richesse insoupϧonnÏ©e, en interrogeant les gens qui ont vÏ©cu lÏ , qui Ï©taient souvent des pϪcheurs ou d'autres marins. On veut dire Ï  ces gens que leurs souvenirs sont prÏ©cieux et qu'ils ont tous quelque chose Ï  nous apprendre. »
  
« On fait chaque trimestre une collecte thématique de données sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajouté en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scène locale, etc. Une fois, nous sommes allés dans un foyer de personnes âgées qui nous ont prêté leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant à recueillir les propos des plus vieux. »
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« On fait chaque trimestre une collecte thÏ©matique de donnÏ©es sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajoutÏ© en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scϨne locale, etc. Une fois, nous sommes allÏ©s dans un foyer de personnes Ï¢gÏ©es qui nous ont prϪtÏ© leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant Ï  recueillir les propos des plus vieux. »
  
Ces groupes sont constitués d'élèves en difficulté qui, dit-il, ont de l'énergie à revendre. « Les personnes âgées ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ça les aide à reconquérir une estime d'eux-mêmes. »
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Ces groupes sont constituÏ©s d'Ï©lϨves en difficultÏ© qui, dit-il, ont de l'Ï©nergie Ï  revendre. « Les personnes Ï¢gÏ©es ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ϧa les aide Ï  reconquÏ©rir une estime d'eux-mϪmes. »
  
Afin de refléter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions muséales et d'écoles de la ville. Par exemple, un musée de la géologie du bord de mer crée actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.
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Afin de reflÏ©ter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions musÏ©ales et d'Ï©coles de la ville. Par exemple, un musÏ©e de la gÏ©ologie du bord de mer crÏ©e actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.
  
« On va créer plusieurs promenades interactives comme ça, les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent écouter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vécu là, accompagnés de propos historiques. Tout le monde pourra créer ses propres wikibalades », précise M. Briand, qui tient absolument à ce que les citoyens fassent eux-mêmes vivre le site selon un principe d'«appropriation».  
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« On va crÏ©er plusieurs promenades interactives comme ϧa, oϹ les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent Ï©couter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vÏ©cu lÏ , accompagnÏ©s de propos historiques. Tout le monde pourra crÏ©er ses propres wikibalades », prÏ©cise M. Briand, qui tient absolument Ï  ce que les citoyens fassent eux-mϪmes vivre le site selon un principe d'«appropriation».  
  
 
« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »
 
« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »
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'''Mon premier concert de Metallica'''
 
'''Mon premier concert de Metallica'''
  
Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » créé par Marshall Poe, professeur d'histoire à l'Université Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly à Washington.  
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Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » crÏ©Ï© par Marshall Poe, professeur d'histoire Ï  l'UniversitÏ© Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly Ï  Washington.  
  
N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un événement, ou d'une personne « qui pourraient présenter le moindre intérêt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans », indique la présentation du site.
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N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un Ï©vÏ©nement, ou d'une personne « qui pourraient prÏ©senter le moindre intÏ©rϪt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans », indique la prÏ©sentation du site.
  
Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourré son soutien-gorge à 13 ans pour faire croire aux gars de l'école qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa première entrevue avec John Lennon pour un magazine américain, à Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fierté qu'il a eu de posséder 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinés par la dépression ne lui coupent son argent de poche. Et ça continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...  
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Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourrÏ© son soutien-gorge Ï  13 ans pour faire croire aux gars de l'Ï©cole qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa premiϨre entrevue avec John Lennon pour un magazine amÏ©ricain, Ï  Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fiertÏ© qu'il a eu de possÏ©der 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinÏ©s par la dÏ©pression ne lui coupent son argent de poche. Et ϧa continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...  
  
« Ces récits sont tous très personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancé ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University à Washington.  
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« Ces rÏ©cits sont tous trϨs personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancÏ© ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University Ï  Washington.  
  
« J'étais supposé leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spécialité, mais je venais de découvrir les «wikis» et je leur ai donné le choix entre apprendre l'histoire russe, ou réaliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps à choisir ! »
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« J'Ï©tais supposÏ© leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spÏ©cialitÏ©, mais je venais de dÏ©couvrir les «wikis» et je leur ai donnÏ© le choix entre apprendre l'histoire russe, ou rÏ©aliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps Ï  choisir ! »
  
 
'''Une valeur historique?'''
 
'''Une valeur historique?'''
  
On peut se demander quelle est la valeur historique de récits comme « j'ai croisé Quentin Tarantino dans une salle de cinéma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la réponse ne peut être que subjective.
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On peut se demander quelle est la valeur historique de rÏ©cits comme « j'ai croisÏ© Quentin Tarantino dans une salle de cinÏ©ma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la rÏ©ponse ne peut Ϫtre que subjective.
  
« En tant qu'historien, je crois que tout ça a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ça dans 100 ans, quand la vie sera totalement différente. Ce sera aussi étrange que de lire un article de journal du siècle dernier. Les récits du site vont devenir plus intéressants à mesure que le temps passe. »
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« En tant qu'historien, je crois que tout ϧa a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ϧa dans 100 ans, quand la vie sera totalement diffÏ©rente. Ce sera aussi Ï©trange que de lire un article de journal du siϨcle dernier. Les rÏ©cits du site vont devenir plus intÏ©ressants Ï  mesure que le temps passe. »
  
À condition, bien sûr, que le Web comme on le connaît existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version française de MemoryArchive.org devrait être ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.
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 condition, bien sϻr, que le Web comme on le connaϮt existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version franϧaise de MemoryArchive.org devrait Ϫtre ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.
  
[[Catégorie:Vie du projet]]
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[[Catϩgorie:Vie du projet]]

Version du 3 novembre 2008 à 23:22

tacricelch La presse, par Nicolas Ritoux, Collaboration spϩciale

LES SITES «WIKI»: UNE NOUVELLE FORME D'ARCHIVES

Mes mϩmoires sur Internet

Les sites «wiki» comme MemoryArchive.org permettent aux gens de faire passer Ï  la postÏ©ritÏ© des expÏ©riences personnelles aussi variÏ©es qu'une rencontre avec Bill Clinton ou un premier concert de Metallica. On voit ci-dessus des fans qui s'Ï©taient massÏ©s en 2003 au parc Jean-Drapeau pour entendre entre autres le groupe de James Hetfield.

Photo Martin Tremblay, archives La Presse



Des souvenirs de guerre des vϩtϩrans Ϡ votre premier show de Metallica, le Web se dϩcouvre une nouvelle vocation: l'archivage de la tradition orale. Une mine de renseignements pour les historiens comme les simples curieux. D'ailleurs, le bel anonymat d'Internet aurait-il ϩtϩ un leurre? Les moteurs de recherche gardent aussi en mϩmoirer les recherches des internautes au bϩnϩfice des publicitaires. De quoi dresser un portrait ultraprϩcis des consommateurs: M. Tremblay cherche une tondeuse.

La ville franϧaise de Brest, nichϩe au creux du trident qui forme la pointe de la Bretagne, a toujours abritϩ d'importantes installations militaires, de l'Antiquitϩ Ϡ nos jours. Son emplacement stratϩgique n'a pas ϩchappϩ aux Allemands, qui en ont fait une importante base sous-marine durant la guerre.

RÏ©sultat : Brest a Ï©tÏ© pilonnÏ© sans relÏ¢che par les AlliÏ©s de 1941 Ï  1944, quand les AmÏ©ricains l'ont enfin pris aprϨs un siϨge de 43 jours. Il ne restait alors plus que trois bÏ¢timents dans l'ensemble du « vieux Brest ». Le reste de ce patrimoine inestimable fut complϨtement rasÏ©, ne laissant aux gÏ©nÏ©rations futures que quelques photos jaunies.


Seuls les aÏ®nÏ©s, de moins en moins nombreux, ont encore une idÏ©e de ce qu'Ï©tait la vie brestoise d'avant-guerre. Et parce qu'aucun livre d'histoire ne saura remplacer la tradition orale, de jeunes Brestois ont dÏ©cidÏ© d'aller la recueillir pour la postÏ©ritÏ©, dans le cadre d'un projet Web organisÏ© par la municipalitÏ© : Wiki-Brest (http://www.wiki-brest.net).

Ressusciter les quartiers de la ville

Michel Briand est un maire adjoint trϨs branchÏ©. C'est lui qui a installÏ©, dϨs les dÏ©buts d'Internet, le premier des 77 points d'accϨs publics Ï  Internet dont profitent aujourd'hui les habitants de la ville. Il a ensuite lancÏ© un programme de formation des citoyens Ï  la rÏ©daction et la diffusion sur le Web. Et maintenant, il veut les faire tous participer Ï  un projet de mÏ©moire collective sur le Web, basÏ© sur l'outil le plus dÏ©mocratique d'Internet : un « wiki ».

Petit rappel : un site « wiki » permet Ï  tous ses visiteurs de crÏ©er ou modifier facilement ses pages, d'un clic de souris. L'exemple le plus connu est l'encyclopÏ©die Wikipedia. http://fr.wikipedia.org

Sur Wiki-Brest, qui n'en est qu'Ï  sa premiϨre annÏ©e d'existence, on peut dÏ©jÏ  lire les rÏ©cits vÏ©cus d'une enfance dans les « baraques » oϹ vivaient les familles expropriÏ©es en raison de la guerre, ou d'une grϨve de 1953, ou de l'’ouverture d'une Ï©cole en 1966.

On peut aussi voir des photos effrayantes de tirs antiaϩriens commentϩes par les retraitϩs qui les ont prises, ou le rϩcit d'une visite d'ϩcoliers dans les restes d'un bunker allemand.

« Il y a plein de quartiers dans lesquels les gens passent chaque jour sans se douter de l'histoire qu'ils recϨlent , explique M. Briand en entrevue tÏ©lÏ©phonique. On veut valoriser cette richesse insoupϧonnÏ©e, en interrogeant les gens qui ont vÏ©cu lÏ , qui Ï©taient souvent des pϪcheurs ou d'autres marins. On veut dire Ï  ces gens que leurs souvenirs sont prÏ©cieux et qu'ils ont tous quelque chose Ï  nous apprendre. »

« On fait chaque trimestre une collecte thÏ©matique de donnÏ©es sur notre ville, pour remplir le site, en plus de ce qui est ajoutÏ© en continu par les internautes, poursuit M. Briand. Un coup, ce sont des recettes de cuisine, un coup, c'est la musique avec les artistes de la scϨne locale, etc. Une fois, nous sommes allÏ©s dans un foyer de personnes Ï¢gÏ©es qui nous ont prϪtÏ© leurs photos en nous les expliquant. Deux groupes de quartier travaillent maintenant Ï  recueillir les propos des plus vieux. »

Ces groupes sont constituÏ©s d'Ï©lϨves en difficultÏ© qui, dit-il, ont de l'Ï©nergie Ï  revendre. « Les personnes Ï¢gÏ©es ne savent souvent pas se servir d'un ordinateur, alors ce sont ces jeunes qui vont les rencontrer dans les maisons de retraite et retranscrivent leurs paroles. Je crois que ϧa les aide Ï  reconquÏ©rir une estime d'eux-mϪmes. »

Afin de reflÏ©ter tous les visages de la ville, Wiki-Brest implique un ensemble d'associations, de mairies de quartier, d'institutions musÏ©ales et d'Ï©coles de la ville. Par exemple, un musÏ©e de la gÏ©ologie du bord de mer crÏ©e actuellement une « wikibalade » qui offre des photos, du texte et du son sous forme interactive.

« On va crÏ©er plusieurs promenades interactives comme ϧa, oϹ les gens passent par exemple dans un hameau et peuvent Ï©couter dans leur baladeur des discours de gens qui ont vÏ©cu lÏ , accompagnÏ©s de propos historiques. Tout le monde pourra crÏ©er ses propres wikibalades », prÏ©cise M. Briand, qui tient absolument Ï  ce que les citoyens fassent eux-mϪmes vivre le site selon un principe d'«appropriation».

« On reste modeste, on avance doucement. J'en parle autour de moi, et les gens se rendent sur le site et envoient leurs textes. Ils peuvent aussi bien raconter des choses historiques que leurs histoires personnelles. »

Mon premier concert de Metallica

Des histoires personnelles, on en trouve des tas sur le site MemoryArchive.org, un autre « wiki » crÏ©Ï© par Marshall Poe, professeur d'histoire Ï  l'UniversitÏ© Harvard et collaborateur du magazine Atlantic Monthly Ï  Washington.

N'importe qui peut y raconter ses souvenirs d'un lieu, d'un Ï©vÏ©nement, ou d'une personne « qui pourraient prÏ©senter le moindre intÏ©rϪt pour quelqu'un d'autre, aujourd'hui ou dans 500 ans », indique la prÏ©sentation du site.

Une femme raconte avec beaucoup d'humour comment elle a rembourrÏ© son soutien-gorge Ï  13 ans pour faire croire aux gars de l'Ï©cole qu'elle avait des seins. Une autre personne raconte sa premiϨre entrevue avec John Lennon pour un magazine amÏ©ricain, Ï  Toronto en 1969. Un homme se souvient de la fiertÏ© qu'il a eu de possÏ©der 50 cents dans son premier compte bancaire en 1931, avant que ses parents ruinÏ©s par la dÏ©pression ne lui coupent son argent de poche. Et ϧa continue sur des dizaines de pages : mon premier baiser, mon premier concert de Metallica, ma rencontre avec Bill Clinton...

« Ces rÏ©cits sont tous trϨs personnels. Certains racontent le 11 septembre en deux lignes, d'autres parlent longuement d'une aventure amoureuse », explique Marshall Poe, qui a lancÏ© ce projet dans le cadre d'un cours de l'American University Ï  Washington.

« J'Ï©tais supposÏ© leur enseigner l'histoire de la Russie, qui est ma spÏ©cialitÏ©, mais je venais de dÏ©couvrir les «wikis» et je leur ai donnÏ© le choix entre apprendre l'histoire russe, ou rÏ©aliser ce projet sur le Web. Ils n'ont pas mis longtemps Ï  choisir ! »

Une valeur historique?

On peut se demander quelle est la valeur historique de rÏ©cits comme « j'ai croisÏ© Quentin Tarantino dans une salle de cinÏ©ma » ou « mon premier concert de Metallica ». Pour Marshall Poe, la rÏ©ponse ne peut Ϫtre que subjective.

« En tant qu'historien, je crois que tout ϧa a de la valeur. Je me demande souvent ce que les gens vont penser en lisant ϧa dans 100 ans, quand la vie sera totalement diffÏ©rente. Ce sera aussi Ï©trange que de lire un article de journal du siϨcle dernier. Les rÏ©cits du site vont devenir plus intÏ©ressants Ï  mesure que le temps passe. »

 condition, bien sÏ»r, que le Web comme on le connaÏ®t existe encore dans 100 ans ! En attendant, la version franϧaise de MemoryArchive.org devrait Ϫtre ouverte aux contributions du public d'ici quelques semaines.

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