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Les mariages collectifs de Plougastel au début du XXe siècle

Les mariages collectifs de Plougastel étaient célèbres à la fin du XIXème et au début du XXe siècle à l'exemple de celui-ci en 1901 :

«Â Cette fête locale et traditionnelle, qui n'a pas sa pareille en France, mérite d'être connue du grand public. La vieille tradition au pays des Plougastels, c'est de grouper ainsi tous les mariages de la commune et de toute l'année avant les gras du Carême. Nous ne savons pas de quand date cette pittoresque et bizarre coutume, mais elle a rendu célèbre ce gros bourg du Léonnais (sic), presque autant que son antique calvaire du XVIIe siècle, certes le plus beau de France, et que l'énorme commerce des fraises du plateau plougastellien. De tous côtés, de Brest, de Landerneau et e Châteaulin, l'on va voir les mariages à Plougastel-Daoulas.

C'était mardi dernier le grand jour. Le bourg est décoré ; des drapeaux tricolores flottent aux façades des auberges et des restaurants ; une foule joyeuse, aux costumes bigarrés et aux couleurs voyantes, tous si anciens et si curieux dans la région, se presse dans les rues et sur la place de l'église. Là les cortèges arrivent les uns après les autres, ou se forment binious en tête et enrubannés.C'est plus beau qu'un dimanche de fête nationale ou un jour de pardon, puisqu'il y a souvent près de 3 000 personnes, gens de la noce ou spectateurs. La pièce est en trois actes, nous allons les indiquer.

D'abord le mariage civil. Souvent, il a lieu la veille, et c'est un jour de fête de plus pour la bourgade, ou bien avant la cérémonie à l'église. Mais ce n'est pas une mince besogne, quand on pense qu'il y a eu 19 mariages cette année, et qu'on en a vu parfois jusqu'à quarante et quelques... C'est le maire, M. Nicolle, qui se réserve ce grand honneur. Et il le paie cher, car il lui faut lire dix-neuf fois les articles de la loi, titre V, chapitre VI, du Code civil. Et au milieu de quel brouhaha !.. Je crois aussi que le maire doit embrasser chaque mariée, selon la mode du pays. Quel plaisir, mais aussi quelle corvée, car il lui faut aussi donner la poignée de main traditionnelle au marié !..

Le deuxième acte, et c'est le plus couru, c'est le mariage à l'église. Sur le coup de 9 heures, les cortèges nuptiaux arrivent de toute part, toujours précédés des binious ; hommes et jeunes gens devant, avec le marié ; la mariée et ses compagnes suivent. Les mariés sont de beaux gars. Ils portent le vêtement noir, avec des broderies vertes aux poches, aux cols et aux revers, tout comme des «Â académiciens », et le chapeau noir et rond, aux larges ailes, avec une boucle d'argent tenant le ruban de velours, et en plus des chenilles tricolores en guise de rubans.

Les mariées ont revêtu aussi la robe noire ornée de liserés verts, jaunes et oranges ; dessus et par devant est le tablier de soie, tout multicolore. Elles n'ont que de belles dentelles pour ornements de leurs grandes coiffes blanches à rubans pendants semblables assez de loin aux «Â jobelines » cornouaillaises. Pour les distinguer de leurs camarades, les futures épouses portent un large ruban de moire blanche autour de la taille ; il est pailleté d'argent et est garni de franges d'argent aux deux grands bouts qui pendent le long de la robe. Les filles d'honneur ont aussi de larges rubans avec frange d'argent, mais ceux-ci sont de couleurs chatoyantes et variées.

Et tous ces gens de noces écoutent dans le bruit les binious et les bombardes qui jouent leurs gavottes les plus gaies avant d'entrer à l'église. Cette foule endimanchée est d'un pittoresque achevé, car les costumes des Plougastels s'y prêtent et sont des plus curieux. À côté des vieux bretons aux larges braies brunes, presque l'ancien bragou-braz, et dont quelques-uns sont coiffés encore du bonnet rouge catalan, sont les vieilles femmes, dont le costume plutôt sévère et d'un autre âge diffère de ceux plus bigarrés des jeunes femmes et filles ; d'ailleurs, il n'est pas le même dans toute la commune, et là il y a des coiffes de tous les environs.

Plougastel-Daoulas, quoique commune de près de 8 000 habitants, a bien quatre vicaires et trois chapelains, mais leur chef n'est pas curé-doyen, simplement recteur. C'est le chanoine Illio, qui se fait toujours un devoir d'unir à la même grand'messe en musique les dix-neuf couples de ses paroissiens, ponctuant cette originale et grandiose union d'une petite allocution de circonstance.

À la sortie de la messe de mariage se pratiquent pur tous les mariés de bien vieilles et singulières coutumes. Ainsi les domestiques, hommes et femmes, des maisons des jeunes époux, se présentent ensemble devant eux et offrent au couple des cruches pleines de lait et de crème. Les mariés invitent alors les domestiques à venir au repas de noce. Cependant, avant de se rendre à ce repas nuptial, coutume non moins bizarre et que l'on voit encore dans d'autres localités de Basse-Bretagne, les nouveaux époux quittent leurs veaux habits brodés et enrubannés pour revêtir des vêtements plus ordinaires. Le repas fini, ils échangeront ceux-ci avec leurs habits de noce.

Le repas de noce est le troisième acte. Il est aussi le plus long. Chaque auberge a sa noce, et partout des tables sont dressées, suivant le nombre des convives ; à part les mariés et les pères et mères, les invités se placent à leur guise. Ces repas sont même pantagruéliques, au moins comme coup d'œil. Les mets sont abondants et partout les mêmes : soupe, bouilli, tripes à la mode bretonne, et «Â fars », mets national de Basse-Bretagne, sorte de bouillie qui se mange froide, et composée de farine, de raisins, de lait et de sucre.

Les convives étalent leurs mouchoirs en guise de serviettes sur leurs genoux et piquent avec leurs couteaux dans les plats : un pour quatre ou six. Le cidre, le vin, le café, et surtout l'eau-de-vie coulent à flots, au milieu de cris assourdissants, de rires sonores et de conversations à haute voix. Après ces festins, dont les convives sortent grisés en partie, les noces se promènent de par le bourg et sur les routes qui y conduisent ; le soir venu, l'on danse aussi au son du biniou dans les salles des banquets ou les cours des auberges.

Tel est le grand mariage des Plougastels du vingtième siècle ! »

(Journal "Le Gaulois" n°6974 du 14 janvier 1901[1])

  • NB: Pour un article de synthèse sur les mariages groupés de Plougastel voir "Wikipedia Plougastel-Daoulas"

Notes et références

  1. Journal "Le Gaulois" n°6974 du 14 janvier 1901, consultable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5312701.r=Daoulas.langFR

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