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Jeanne Perdriel-Vaissière, Le chant du cygne : Différence entre versions

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A quoi tient la destinée littéraire ? A peu de choses, à vrai dire.
 
A quoi tient la destinée littéraire ? A peu de choses, à vrai dire.
 
Quelques rencontres opportunes, un peu de talent sans doute, les contingences du moment aidant, et puis... le hasard fait le reste, qui retient contre toute attente tel scribouillard pour jeter aux oubliettes de rares et belles plumes qui eussent assurément mérité de traverser les âges.
 
Quelques rencontres opportunes, un peu de talent sans doute, les contingences du moment aidant, et puis... le hasard fait le reste, qui retient contre toute attente tel scribouillard pour jeter aux oubliettes de rares et belles plumes qui eussent assurément mérité de traverser les âges.

Version du 5 mai 2010 à 16:19

J. PERDRIEL-VAISSIERE.jpg

A quoi tient la destinée littéraire ? A peu de choses, à vrai dire. Quelques rencontres opportunes, un peu de talent sans doute, les contingences du moment aidant, et puis... le hasard fait le reste, qui retient contre toute attente tel scribouillard pour jeter aux oubliettes de rares et belles plumes qui eussent assurément mérité de traverser les âges. Le passage à la postérité est de surcroît un privilège plutôt masculin, les écrivaines devant pour leur part batailler ferme pour faire oublier la “faiblesse” de leur sexe.

Tel fut donc le lot, comme de tant d'autres, de Jeanne Perdriel-Vaissière, femme de lettres remarquable, dont le nom résonne encore dans certaine rue de Brest, au voisinage des rues Gustave Toudouze et Claude Farrère. Le hasard fait parfois bien les choses : les deux hommes fréquentèrent assidûment le salon littéraire de celle qui prit pour pseudonyme le majestueux nom de Saint-Cygne.

Brestoise d'adoption

Jeanne Vaissière vit le jour le 18 janvier 1870 à Ajaccio où son père, militaire de carrière, était en garnison. Son enfance, rythmée par la succession des affectations paternelles, lui donna peut-être le goût du voyage et la curiosité de la découverte. Après son mariage avec un Breton, l'enseigne de vaisseau Eugène Perdriel en 1891, elle n'eut de cesse en effet d'enrichir sa pensée au contact d'écrivains, d'hommes politiques ou de diplomates. Curiosité qui la poussa vraisemblablement à visiter l'Italie en 1925, la Tunisie en 1933 et la Pologne en 1934. Mais avant cette période vagabonde, le couple s'était installé en 1892 à Brest, au 30 rue Jean Jaurès dans un premier temps, puis au 13 rue Voltaire. Ils y restèrent vingt-huit ans. C'est ici que s'affirma Jeanne Perdriel-Vaissière, poétesse, romancière, dramaturge et nouvelliste. Maîtresse du verbe et du symbole, elle explora sans relâche toutes les contrées de la littérature. Un premier recueil de poésies, intitulé Les Rêves qui passent, parut en 18991 et lui permit de fixer certains des motifs qui structurèrent son œuvre ultérieure : la solitude des femmes de marins, l'espérance du retour, le désir contenu et l'érotisme discret ou encore le mystère des paysages bretons. Celles qui attendent, recueil publié en 1907, approfondit cette recherche “spleenétique” 2, avant que la poétesse, quittant Baudelaire pour Mallarmé, ne franchisse définitivement le pas symboliste avec Feuillages 3 en 1930, d'où Saint-Pol-Roux sortit “enchanté” 4. Il est cependant une constante dans ce parcours poétique, qui irrigua et stimula l'intense activité littéraire de Jeanne Perdriel-Vaissière, à savoir : l'attente mélancolique de la mort. Oscillant entre la nécessité de regarder ce “soleil noir” et l'envie de s'en détourner sur un mode frivole, les textes de Saint-Cygne traduisent cette inquiétude fondamentale et néanmoins féconde. une vingtaine de romans, vingt-cinq contes pour enfants, de nombreuses pièces de théâtre 5 et saynètes furent publiés du vivant de l'auteur... pour tomber, éphémère chant du cygne, dans l'oubli par la suite.

Elle tient salon à Brest

Nombreux furent pourtant les écrivains, musiciens, peintres, éditeurs, directeurs de revue, officiers de marine, hommes politiques ou diplomates, qui croisèrent la trajectoire de Jeanne Perdriel-Vaissière. Le salon qu'elle tint à Brest de 1900 à 1920 acquit en effet rapidement une certaine notoriété, qui conféra à son hôtesse un prestige intellectuel indéniable : deux vendredis par mois, Victor Segalen, Jules Romains, Saint-Pol-Roux, Théodore Botrel, Anatole Le Braz, Gustave Charpentier, Marcel Sauvaige et Charles Cottet, pour ne citer qu'eux, se donnaient rendez-vous au 13 de la rue Voltaire, devenant le temps d'un après-midi, un “centre fort honorable de littérature et de bel esprit” 6. Mais l'aura dont s'entoura le nom de Jeanne Perdriel-Vaissière dépassa très largement les frontières brestoises : membre de la Société académique de Brest dès 1893, elle contribua plus tard à la fondation de l'Académie de Bretagne créée en 1937 à Rennes autour notamment d'André Chevrillon, André Suarès, Roger Vercel, Max Jacob et Louis Guillou. Elle participa en outre à d'innombrables sociétés littéraires ou savantes auprès desquelles elle joua en quelque sorte le rôle d'ambassadrice, sinon de la culture bretonne, du moins de l'expression artistique “non parisienne”, dans un souci - qu'elle partageait avec Saint-Pol-Roux - de décentralisation littéraire.


Féministe avant l'heure


Derrière l'image de cette femme de marin aimante, femme du monde certes mais femme de lettres surtout, se cache enfin le visage d'une militante qui prit part à certains combats politiques visant à promouvoir l'art celtique. Elle associa en effet son nom à la Fédération Régionaliste de Bretagne, créée en 1911, et fut très sensible à l'esthétique de certains membres fondateurs du Seiz Breur (1923), comme Jeanne Malivel, Xavier de Langlais ou René-Yves Creston. Cependant, l'engagement de Jeanne Perdriel-Vaissière est plus intime qu'il n'y paraît au premier abord : féministe avant l'heure, elle développa de très nombreuses amitiés féminines, mit un point d'honneur à accueillir ses consœurs en son salon et se fit la porte-parole des poétesses de son temps. Et c'est aux femmes que s'adressent encore ses poèmes, à “Celles qui attendent” et à “Celles qui restent”, dont le visage ne voit que trop rarement refleurir “le sourire des reines de Saba !” 7. Après cette vie d'écriture, le chant du cygne - le dernier, cette fois - se fit entendre à Paimpol 8 le 23 mars 1951 et Jeanne Perdriel-Vaissière rejoignit celles qui, “plus mortes que les mortes” 9, n'attendent plus rien 10. • Nicolas Tocquer

1 Jeanne Perdriel-Vaissière, Les rêves qui passent, Préface de François Coppée, Paris : Alphonse Lemerre, 1899, BMB FB XD299.

2 Jeanne Perdriel-Vaissière, Celles qui attendent, Paris : E. Sansot & Cie, 1907, BMB FB XD1295. Ouvrage couronné par le prix Archon-Despérouses de l'Académie Française.

3 Jeanne Perdriel-Vaissière, Feuillages, Paris : A. Messier, 1930. Ouvrage couronné par le prix Jules Davaine de l'Académie Française en 1931

4 Saint-Pol-Roux, lettre à Jeanne Perdriel-Vaissière, 8 septembre 1931, BMB.

5 Plusieurs de ces pièces furent jouées à Paris, Brest, Morlaix et Nantes.

6 Jules Romains, “Souvenirs brestois”, in Les Cahiers de l'Iroise, n°38, 1963.

7 Jeanne Perdriel-Vaissière, “Retours”, in Celles qui attendent, op. cit. p.14.

8 La poétesse vivait alors chez son fils et sa belle-fille.

9 Jeanne Perdriel-Vaissière, “Celles qui n'attendent plus rien”, in Celles qui attendent, op. cit. p.120.

10 Cet article a été rédigé à partir des travaux effectués par Yves Perdriel-Vaissière, petit-fils de Jeanne Perdriel-Vaissière. Qu'il en soit ici remercié.

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