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Interview-Sillage : Jacques Serba, militant de l'action humanitaire

    Sillage130 small.jpg Cet article est extrait du Magazine Sillage N°70 - oct. 1999
Auteur : Jérôme Le Jollec


"Faisons le pari de l'humanité"

« Je pense être un homme curieux », dit Jacques Serba. Élevé dans le culte de l'école, rien en effet, de ce qui est humain n'indiffère ce tout jeune quadra, inspecteur des impôts atypique, géographe de formation et par goût. Engagé de toutes les causes, il fut naturellement parmi les fondateurs de Bretagne-Croatie-Bosnie-Herzégovine, avant de devenir voici deux ans secrétaire général adjoint d'une grosse ONG, Action contre la Faim, et obtenir l'Ordre national du Mérite.

Drapeau de Croatie

Etes-vous Breton ?

Ma mère est de Plouguerneau, mon grand-père y était paysan. Mais je suis né rue de Belgrade, à Tucquegnieux, d'un père d'origine polonaise - il n'y a pas plus slave que Serba - qui est passé de la mine au Jean-Bart puis à la reconstruction de Brest.

De quand date votre engagement à la cause humanitaire ?

C'est lié à ma culture propre, de ce père qui était syndicaliste et nourri de la solidarité entre mineurs. Jeune, j'admirais aussi Kouchner et les French Doctors au Biafra.

Est-ce la suite d'autres engagements ?

Étudiant, j'étais à l'UNEF ID, aux impôts au SNUI.

Cela s'est donc fait naturellement ?

De façon évidente. J'ai d'abord demandé à Pharmacien sans frontières s'ils avaient besoin d'un trésorier. Ce n'était pas le cas. Ensuite je le suis devenu à la création de BCBH. Par la trésorerie, on gère la politique et la stratégie.

De même qu'aller sur le terrain ?

Je parle allemand, je suis donc parti là-bas. J'ai tout de suite été confronté à la misère humaine et surtout sociale. Les malheurs intimes, cette société qui s'écroule, tout cela m'a bouleversé.

Concevez-vous votre engagement comme un devoir ?

Au début, comme un engagement de chrétien, même si je n'ai plus la foi. Quand on vit on ne peut plus oublier l'autre.

Les organisations non-gouvernementales sont indispensables ?

Ce sont des ingrédients de la démocratie. Il faut cependant expliquer les enjeux : trop de fonds publics (parfois jusqu'à 90 %), ce n'est pas bon et les fonds privés peuvent venir d'une multinationale.

Au tout début pensiez-vous que cela vous mènerait aussi loin ?

Pas du tout ! Je pensais que c'était un geste sans trop de prise sur moi, mais cela m'a modifié douloureusement. J'ai porté des gosses souffrant de la faim. Que faire de mes mains face à cette putain de misère ?

Sur le terrain quelles ont été vos premières réactions ?

Quand je suis allé en Bosnie la première fois, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas la guerre partout. Il ne semblait pas y avoir beaucoup de solidarité entre ceux qui étaient confrontés à la guerre.

Vous attendiez-vous à ce que vous avez découvert ?

J'ai été de surprises en surprises, de malheurs en malheurs. Ce sont les copains de l'Humanitaire qui aident à tenir le coup.

La ou les plus grandes difficultés auxquelles vous avez été confronté ?

La dangerosité et les situations ingérables qui règnent au Libéria, en Sierra Leone où vous pouvez vous trouver en face de jeunes défoncés à l'alcool munis de Kalachnikov à 100 F.

Avez-vous noué des liens avec les gens auxquels vous êtes venu en aide ?

Oui, en Croatie avec le « local staff » (le personnel autochtone, NDLR) de BCBH. Au Laos, où je retourne, j'espère revoir les copains qui m'ont transporté, les chefs de village.

Dans les assos vous faites aussi des rencontres intéressantes ?

Fondamentales ! L'amitié se fonde sur des valeurs partagées, au moins à BCBH. Dans les grandes ONG, il y a plus davantage de professionnels que d'associatifs.

Votre perception de la nature humaine est-elle toujours la même ?

Je ne pensais pas que l'homme était si barbare. J'essaie de me convaincre que l'homme peut toujours être aimé. Faisons le pari de l'humanité plutôt que de la barbarie.

En privé êtes-vous du genre prosélyte ?

Oui, voire messianique ! Et je me fais marchand du temple pour vendre des CD pour planter des eucalyptus au Burkina Faso.

L'ordre national du mérite : une simple reconnaissance ou légitime fierté ?

Même si on recherche une certaine reconnaissance, ce n'est pas le but. On ne fait pas de l'humanitaire pour une médaille.

Si vous étiez ministre de l'Humanitaire, vous demanderiez un gros budget ?

L'impôt pourrait être un bon levier par le biais du crédit d'impôt. Aujourd'hui, la personne non-imposable qui donne cent francs donne vraiment cent francs.

Et Brest dans tout ça ?

Brest, c'est la ville que je ne pourrais pas abandonner. Je suis devenu brestois. J'ai appris la bombarde à la Kevrenn Brest Sant-Mark. J'ai découvert le port à l'occasion de ma maîtrise sur l'industrie de la ville. Il y a une solidarité palpable qui s'organise. BCBH est possible à Brest peut-être parce que défigurée par la guerre, elle porte aussi des espérances.


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