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Gabriel Bizien, héros et martyr de la résistance

Texte de Hervé FARRANT

Mise en page et photographies : Philippe BOISMAL


Hommage de la commune de Ploudalmézeau dédié à Gabriel BIZIEN

La croix de Lorraine
Gabriel Bizien 1924-1944
La croix de guerre
La marseillaise
Il faut qu'il y ait un idéal. Il faut qu'il y ait une espérance. Il faut que, quelque part, brille et brûle la flamme de la Résistance Française. (Charles DE GAULLE)

Le mot du député-maire, madame Marguerite LAMOUR : «Les pages consacrées à Gabriel BIZIEN, enfant de notre commune, héros et martyr de la résistance, sont émouvantes. Elles témoignent d'un amour de la patrie et d'un engagement sans faille pour son pays, jusqu'à lui donner sa vie»

Gabriel Joseph Marie BIZIEN, dit «Biel» est né le 27 juillet 1924 au lieu-dit Kerabelec en Ploudalmézeau. Il est le cadet d'une fratrie de sept frères et sœurs. Marie, Jean, Marianne, Pierre, Antoine et Marie-Louise.

Son père Gabriel, né le 2 octobre 1887 à Coat-Méal, et son épouse Marie-Françoise, née TROADEC le 23 septembre 1894 à Milizac, se sont installés comme agriculteur et éleveur de moutons à Gouranou.

La jeunesse de Gabriel BIZIEN

Après sa scolarité à l'école primaire des garçons Saint-Joseph, passionné de mécanique, il est, en 1938, apprenti mécanicien chez Gaston BOURSIER, garagiste, route de Plouguin.

Il fréquente avec assiduité comme toute la jeunesse ploudalmézienne, le patronage Saint-Joseph de Ploudalmézeau animé par le dynamique abbé Jean TANNIOU.

Exubérant de vie, sportif accompli, il est goal de l'équipe locale de football et fier de porter le maillot rouge des Arzelliz.


L'ancienne ferme des Bizien en 2009

Le Père Gabriel BIZIEN (1887-1962)

Ancien combattant de Verdun, blessé de guerre, couvert de décorations, trois de ses six frères ont laissé leur vie durant la Grande Guerre 1914-1918. Haut en couleur, un brin cocardier, revêtu d'une vieille capote de l'armée française, sa besace de toile rapiécée en bandoulière, sa casquette délavée de marin pécheur vissée sur son crâne, bâton à la main, pipe à la bouche, son fidèle chien de berger à ses côtés, robuste, énergique, vaillant, le père Gabriel compose un personnage populaire et incontournable des dunes de Tréompan et celles de Lampaul-Ploudalmézeau.

Le père Gabriel sur les dunes de Tréompan

L'occupation allemande à Ploudalmézeau

A partir du 20 juin 1940, Ploudalmézeau est occupé par des détachements de l'armée allemande. La bannière hitlérienne flotte orgueilleusement sur le bourg.


Les réquisitions allemandes

Les vainqueurs réquisitionnent l'école Saint Joseph et une partie de l'école des filles Sainte Anne, les hôtels du bourg et de Portsall, les villas du bord de mer, les maisons bourgeoises ainsi que des chambres chez les particuliers.


A Gouranou, la fermette des BIZIEN n'échappe pas à la convoitise germanique. En juillet 1940, en début d'après midi, quatre soldats allemands, havresacs sur le dos, fusils Mauser en bandoulière, bons de réquisition à la main pénètrent à l'intérieur de la demeure familiale et, avec l'arrogance des vainqueurs, annexent la minuscule chambre des enfants BIZIEN, et bardas, casques et fusils au bord des lits, entament un roupillon réparateur. Vers 17h00, les gamins BIZIEN rentrent de l'école, devant les visages incrédules, consternés, apeurés des enfants, la soldatesque teutonne, gênée, penaude, honteuse entame une retraite stratégique vers une destination inconnue...


Petite, mais première, victoire...

A la ferme de Gouranou

Le père Gabriel abasourdi, consterné, humilié par la défaite de 1940, garde une haine quasi viscérale des allemands et vitupère contre l'occupant, les maréchalistes, les collaborateurs et les profiteurs de guerre...

En 1942, devant la pénurie d'essence, le manque de pièces de rechanges automobiles et les réquisitions des véhicules privés, le garagiste Gaston BOURSIER, ses affaires périclitantes, licencie à son grand regret Gabriel BIZIEN.

Puis Gabriel est embauché par l'entreprise de bâtiment brestoise DAUDIS. Victime des restrictions, l'entreprise ferme. Gabriel rejoint la ferme familiale et participe aux travaux agricoles.


L'arrivée des « Russes blancs » à Lézérouté

En 1943, les allemands construisent à quatre cents mètres de la ferme de Lézérouté une douzaine de bunkers. La position entourée d'un mur de barbelés est protégée par des tranchées et des épaulements de tir. A l'automne, des détachements de l'armée VLASSOV, les redoutables « Russes blancs », sont affectés au camp de Lézérouté et sur les positions fortifiées du littoral. En mai 1944 la ferme est réquisitionnée et les propriétaires sont expulsés.

La ferme de Lézérouté

Gabriel BIZIEN entre dans la résistance

Gabriel suit avec passion le déroulement du conflit : l'héroïque résistance des forces françaises libres à Bir-Hakeim, les exploits militaires de la colonne LECLERC à Koufra, la défaite allemande à Stalingrad en février 1943, et la déroute des forces italo-allemandes en Tunisie. Le succès du débarquement des alliés en Sicile enthousiasme son patriotisme ardent.

Il envisage de gagner l'Angleterre et de servir les forces françaises libres du général DE GAULLE.

Le destin en décidera autrement...


A l'été 1943, le lieutenant Alfred GERMAIN dit « Huchette », responsable du réseau gaulliste de renseignement « Quand même », cherche, pour étoffer son réseau, des volontaires de confiance, des patriotes sincères, discrets et efficaces. Sur recommandation, Gabriel BIZIEN, est recruté comme permanent du réseau de résistance « Quand même ».

Subitement, à la surprise de tous, Gabriel se découvre une vocation pastorale et remplace son père à la surveillance du troupeau familial.

Avec habilité, il observe et note l'emplacement des champs de mines, les effectifs, les habitudes et le moral des troupes, les dépôts de matériel et de munitions, les cantonnements, et comptabilise les bunkers, le calibre des pièces d'artillerie.

Champs de mines entre Tréompan et Corn ar Gazel


Puis sur les conseils de son chef de réseau, il se fait embaucher pour de nouvelles missions de renseignement comme ouvrier de l'organisation TODT au camp de Saint Pabu, importante station radar du Finistère nord. Les positions fortifiées allemandes de Corn ar Gazel et de Kervigorn n'échappent pas à sa vigilance. Son efficacité exemplaire fait de Gabriel un agent de renseignement de premier plan.


La position allemande de Kervigorn à Saint Pabu


Surveillé, observé, soupçonné, par les contremaîtres allemands, Gabriel BIZIEN, fatigué, nerveux, déserte sur les conseils de son chef de réseau le camp de Saint Pabu et s'isole au domicile familial.

Le 15 mai 1944, par voie maritime, le lieutenant GERMAIN dit « Huchette » du réseau « Quand même » transmet à Londres aux services de renseignement alliés les précieux documents récoltés par Gabriel BIZIEN et ses camarades de clandestinité.

Jusqu'à la veille de sa brutale arrestation et sa fin tragique, Gabriel BIZIEN assurera avec brio plusieurs missions nocturnes de renseignement pour le compte de la résistance finistérienne.

Le double jeu de Gabriel BIZIEN

A Ploudalmézeau, sa famille, son entourage, ses amis ignorent son rôle clandestin. Soigneux de sa personne, élégamment vêtu d'un costume confectionné avec du tissu de récupération par sa sœur Marianne, élève à l'école de couture de Madame LOCH en Bar al Lan, Gabriel joue le rôle du jeune homme insouciant, frivole, aimant la compagnie des jeunes filles, loin des préoccupations des adultes et des événements douloureux de la seconde guerre mondiale.

A la satisfaction de son chef de réseau, sa couverture de résistant est parfaite.

La famille BIZIEN - De gauche à droite : Marianne, Pierre, le père Gabriel, Jean, Marie-louise, Antoine, la Mère (cachée par Antoine), Marie et Gabriel

L'arrestation de Gabriel

A 10h00 du matin, l'office religieux est célébré, l'église est bondée. Gabriel n'assiste pas à la grande messe dominicale.

Face au magasin de graineterie JACOB, un groupe de jeunes gens dont Gabriel BIZIEN est réuni. L'ambiance joyeuse est détendue, sereine.

A proximité, place de l'église, une cavalier, officier russe de l'armée VLASSOV caracole entre la poste, la boulangerie KERBOUL, le bureau de tabac BOTERAOU et la mairie.

Soudain, un camion de reconnaissance du bataillon FFI de Ploudalmézeau basé à Tréouargat venant de la route de Plouguin surgit. Des coups de feu éclatent. Le cavalier russe est blessé mortellement. Son cheval s'emballe et le corps s'écroule dans un fossé face au cimetière communal de Ploudalmézeau, route de Saint Renan.

Alertés, des soldats allemands, poussant des hurlements rauques, se précipitent sur le lieu du drame. Paniqué, le groupe de jeunes gens s'engouffre dans la mairie et, par une porte dérobée, s'enfuit par le jardin et la cour où stationne le corbillard communal et s'évapore dans la nature.

Pour une raison inexpliquée, Gabriel BIZIEN monte les deux étages de la mairie et se réfugie dans les appartements de fonction du secrétaire de mairie Monsieur Yves STANGUENNEC.

Pris au piège dans la cuisine, il est appréhendé, frappé à coups de poings, de bottes et de crosses de fusils.

Gabriel BIZIEN est transporté sous haute surveillance au camp russe de Lézérouté.

L'église Saint Pierre, la place du chanoine GRALL sont évacués. Le maire Monsieur Jean CAROFF, arrêté, insulté, molesté est transféré comme otage à la maison FORTIN, siège de la standortkommandantur, puis libéré le lendemain après midi.

Les allemandes, nerveux, haineux patrouillent dans les rues désertes du centre bourg, des coups de fusils d'intimidation, et le crépitement rageur, effrayant des pistolets mitrailleurs retentissent...

Ploudalmézeau est en état de siège.

A la nouvelle de l'arrestation de Gabriel, la famille BIZIEN est folle d'angoisse, que faire ?

Aller au camp russe de Lézérouté, c'est aller à une mort certaine.

Le lundi 7 août, Marianne, la sœur de Gabriel BIZIEN, part aux nouvelles, Ploudalmézeau est un village mort : église, mairie, magasins et volets des habitations sont fermés, pas une âme ne vit. Seul le passage d'un side car allemand avec ses deux occupants aux visages tendus et durs, casques d'acier vissés sur le crâne, pistolets mitrailleurs en bandoulière, brise le silence lugubre d'une commune terrorisée.

Face à la pharmacie JAOUEN, le seul être humain rencontré par Marianne est Marie OULHEN dit Mimi, jeune fille admirable et courageuse qui profite des autocars de l'entreprise de transport de son père pour convoyer, dans le plus grand secret, des documents pour le compte de la résistance locale.

Mimi propose d'accompagner Marianne et ses parents au camp russe de Lézérouté.

La retraite allemande

Lundi 7 août 1944, en fin de soirée, les allemands évacuent Ploudalmézeau en direction de Brest. Auparavant, à Lézérouté, ils ont incendié les baraquements et fait sauter deux bunkers à munitions.

La découverte du corps martyrisé

Le mardi 8 août 1944, la famille BIZIEN accompagnée de Marie OULHEN se dirige vers Lézérouté. Monsieur François GÉLÉBART de la ferme de Gwitalmézé Coz par crainte de représailles, déconseille au père Gabriel de se présenter au camp russe. Seules les femmes s'engagent dans le chemin de terre menant à la ferme.

Pierre CARIOU du bourg de Ploudalmézeau vient à leur rencontre et signale la découverte du corps de Gabriel BIZIEN, par Yves BÉGOC et François LE DREFF de la ferme de Stang An Eol, au bord du ruisseau bordant le lavoir de l'exploitation agricole.


Le ruisseau ou a été retrouvé Gabriel

 

Une odeur fétide de cadavre prend les narines, le corps revêtu de sa chemise ensanglantée, mutilé, martyrisé, couvert d'hématomes et achevé d'une balle dans la tête est transporté sur la charrette de Monsieur Jean Marie GOURVENNEC, agriculteur à Gouranou.

Dans un silence quasi religieux, devant une population épouvantée, consternée, le convoi funèbre traverse silencieusement le bourg de Ploudalmézeau.

Le corps martyrisé est déposé sur la table massive de la ferme familiale. Spontanément, l'admirable et dévouée sage femme Madame Yves TALARMAIN fait la toilette mortuaire de Gabriel BIZIEN.

Après ses obsèques religieuses, Gabriel BIZIEN est enterré au cimetière communal de Ploudalmézeau.

Emu, bouleversé, l'officier de l'état-civil de Ploudalmézeau enregistre sur le livre communal des actes de décès, la mention décédé à son domicile au lieu-dit « Gouranou » en place de Lézérouté.

Administrativement, Gabriel BIZIEN est une victime civile de guerre.


Le 12 août 1944, les américains libèrent Ploudalmézeau.

Epilogue

Le père Gabriel BIZIEN décède le 27 juin 1962 à l'âge de 75 ans, sont épouse Marie Françoise meurt à 73 ans le 22 octobre 1967. Ils reposent tous deux à côté de leurs enfants Marie, Antoine et Gabriel dans le caveau familial au cimetière communal de Ploudalmézeau.

La sépulture BIZIEN en 2009

La réhabilitation

Dans les années 1980, par un pur et heureux hasard, Marianne, la sœur de Gabriel BIZIEN apprend le rôle éminent tenu par son frère Gabriel dans la résistance française.

Avec une patiente énergie, une pugnacité exemplaire et confiante, elle engage le combat de sa vie : faire reconnaître le titre de résistant de son frère Gabriel et réparer l'honneur d'une famille meurtrie.

Elle écrit, alerte et obtient l'aide et le soutien des associations patriotiques, des anciens combattants de la résistance, des autorités compétentes, du député honoraire de Coat-Méal monsieur Gabriel DE POULPIQUET, du sénateur maire de Ploudalmézeau monsieur Alphonse ARZEL, de monsieur Charles LE GOASGUEN, Compagnon de la Libération et président du Mémorial Finistérien de la Seconde Mondiale, l'amitié et les encouragements de messieurs Jean L'HOSTIS, Yves BÉGOC et la sympathie d'anonymes...

Si miracle fut, ce fut bien celui là !

Par ordonnance du 18 janvier 1995, la mention « mort pour la France » est enregistrée sur le registre d'état-civil. Le nom de Gabriel BIZIEN, victime de guerre est inscrit sur le granit du monument aux morts de Ploudalmézeau et au Mémorial Finistérien de la Seconde Mondiale du fort de Montbarrey et sur le monument dédié aux morts, combattants et résistants du bataillon FFI de Ploudalmézeau à Kergoff en Tréouergat.

La stèle de Kergoff en Tréouergat


Et enfin, au cours d'une émouvante cérémonie patriotique, Marianne et son frère Jean reçoivent au nom de leur frère Gabriel BIZIEN, la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil.


Remise de la croix de guerre


Gabriel BIZIEN est sous-lieutenant, titulaire de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil, de la croix du combattant volontaire de la résistance à titre posthume.

Son nom est inscrit sur le livre d'or de la France Combattante et Résistante.

Une rue de Ploudalmézeau porte le nom de Gabriel BIZIEN


Rue bizien.JPG
Carte combattant Bizien.jpg


Citation bizien 400x500.jpg Citation à l'ordre du corps d'armée comportant l'attribution

de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile de vermeil


« Jeune agent d'un réseau de renseignements fonctionnant en territoire occupé par l'ennemi, remarquablement dévoué et animé du plus pur esprit de sacrifice. De septembre 1943 jusqu'à son arrestation, à toujours accompagné son chef de réseau et parcourant sans cesse une zone très surveillée, a procédé à un gros travail de repérage du dispositif de la défense côtière. Arrêté par un groupe de soldats ennemis, questionné sur place est mort héroïquement après avoir subi d'horribles tortures dans rien révéler de l'organisation à laquelle il appartenait. Fils d'une famille nombreuse, restera le plus bel exemple du sacrifice à la cause de la grande famille Française »

Remerciements 

Madame le député-maire de Ploudalmézeau Marguerite LAMOUR

Madame et Monsieur Jean JESTIN

Monsieur Jean François PERROT pour son infinie patience

Monsieur Yves BÉGOC de Coat-Méal

Monsieur Jo GÉLÉBART de Lézérouté

Monsieur Gildas SAOUZANET

Madame Catherine GUEVEL-MICHEL responsable de l'espace multimédia « la clé des champs » de Ploudalmézeau.


Sources 

Documents et archives photographiques famille JESTIN Jean

Note manuscrite de Monsieur Yves BÉGOC (1990)

Archives et photographies d'Hervé FARRANT et de Philippe BOISMAL

Le bataillon FFI de Ploudalmézeau par Jacques ANDRÉ (2004)

La vie quotidienne dans le pays de Ploudalmézeau de 1939-1945. Collectif (2002)

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