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Révision datée du 11 juillet 2018 à 12:48 par Claude PERON (discussion | contributions) (Comment s'organise une fouille)

Fouilles archéologiques de l'abri sous roche du Rocher de l'Impératrice

Le tombant du Rocher de l'Impératrice.

Les fouilles, commencées en 2013, continuent sur le site de l'abri sous roche découvert après l'ouragan de 1987 au pied du Rocher de l'Impératrice à Plougastel-Daoulas.

Des étudiants et des archéologues amateurs

Prévues pour durer un mois, elles sont dirigées par Nicolas Naudinot (Université de Nice Sophia Antipolis/CEPAM CNRS), accompagné par Michel Le Goffic, archéologue départemental aujourd'hui retraité. Une équipe de 25 personnes se répartit les différentes tâches pour mener à bien l'opération. Elle est composée d'étudiants de différentes universités qui viennent sur le terrain pour se former et d'archéologues amateurs qui prêtent leur concours et leur expérience. Le tout se passe dans un climat de confiance favorisant les échanges, une spécificité de l'archéologie en Bretagne.

Merci l'ouragan du 15 octobre 1987 !

Deux jours après son passage, c'est la désolation partout et Plougastel-Daoulas n'y échappe pas ! Michel Le Goffic, alors archéologue départemental en activité, reçoit un coup de téléphone d'un habitant qui a aperçu des tessons de poterie et des ossements entre les racines d'un pin couché par le vent. Il se rend sur place, dans le secteur du bois de Kerérault pour vérifier l'information, mais il ne s'agit que de restes datant au plus du XIXe siècle !

Au retour, il longe la paroi rocheuse du Rocher de l'Impératrice qui surplombe un abri sous roche. Il aperçoit un tas de terre, des déblais d'un terrier creusé par un animal, et dans lequel il trouve des silex, dont une lame de 10 cm. Une idée lui vient à l'esprit, lui qui rêve depuis sa jeunesse de découvrir un site magdalénien en Bretagne. D'ailleurs, c'est cette hypothèse qu'il mentionne sur la fiche de description qu'il adresse au service régional de l’Archéologie, avec un point d'interrogation.

Une acquisition et des premières fouilles

Le site étant sur une propriété privée, il faudra attendre 2010/2011 que la préemption du Département pour la préservation d'une fougère rare ne se transforme en acquisition du terrain. Dès lors, il va être possible d'intervenir afin de faire parler les objets contenus dans l'abri. Les grimpeurs qui fréquentent ce site prisé pour l'escalade, en voulant aménager un parcours, ont creusé à la base du rocher et ont aussi découvert quelques silex.

Le service régional de l'archéologie autorise Michel Le Goffic, qui va bientôt prendre sa retraite, à effectuer quelques sondages et à tamiser la terre dans l'abri. Une trentaine de pièces sont exhumées et datées de la période qui vient juste après le magdalénien.

Un nouvel archéologue, Nicolas Naudinot, spécialiste de l'Azilien

Au même moment, Nicolas Naudinot termine sa thèse de doctorat portant sur les sociétés tardiglaciaires du Grand-Ouest.

Dans ce cadre il cherche notamment à mieux caractériser les premières sociétés aziliennes, période particulièrement mal connue dans la région. Ayant entendu parler des pièces mises au jour par Michel Le Goffic, il contacte ce dernier afin de pouvoir étudier le matériel alors découvert au Rocher de l’Impératrice.

Cette étude permet alors d’actualiser l’attribution du site en le plaçant au début de l’Azilien.

En 2013 Nicolas Naudinot lance un programme de recherche sur ce site (financement DRAC Bretagne et Conseil départemental du Finistère, commune de Plougastel-Daoulas).

Trois niveaux d'occupation

Trois périodes d'occupation sont révélées par les premières fouilles au pied de la barre de roches (grès armoricain) :

  • une occupation azilienne (environ 12500 ans avant JC). Le nom donné à cette période, l'Azilien, provient du Mas d'Azil dans les Pyrénées, où l'on a trouvé notamment des galets gravés/peints.

des occupations plus récentes :

  • au mésolithique, autour de entre 10000 et 5000 8000 avant JC
  • au néolithique final, il y a environ 5000 ans

Un paysage totalement différent de celui d'aujourd'hui

L'analyse des charbons trouvés sur le site permet de dire qu'au lieu du bois actuel avec de grands arbres, les hommes vivaient dans un environnement encore très ouvert.

Le paysage ressemblait plutôt à une steppe parsemée de petits buissons où coulaient, au milieu, des cours d'eau encaissés comme l'Elorn, ou l'Aulne, … .

Le rivage devait être situé à quelques dizaines de kilomètres, au-delà d'Ouessant, qui n'était pas une île, le niveau de la mer étant inférieur de 80 m à celui d'aujourd'hui.

Le renne commence à quitter le secteur du fait des transformations environnementales qui marquent cette période. Les principales espèces animales sont le cheval, l'aurochs et le cerf.

Des outils de silex venus d'ailleurs

Par ailleurs, l'étude des outils retrouvés donne des indications concernant le types d'activités des occupants :

  • Ce sont des groupes itinérants dont l'activité principale est la chasse.
  • L'occupation du site, orienté au Noroît, est généralement courte.
  • Les gens sont peu nombreux, ne restent pas longtemps mais reviennent peut-être régulièrement.

La plupart du temps, ils arrivent ici avec leurs outils. En effet, on a trouvé une proportion très importante d’outils qui contraste avec le faible taux de déchets de production.

Ces outils sont essentiellement constitués de pointes de flèches et de couteaux en silex pour la plupart utilisés pour découper des matières tendres animales.

Un site azilien ancien, rare et donc très intéressant

Les archéologues connaissent très peu de sites aziliens anciens en Europe, ce qui fait tout l'intérêt de celui de Plougastel-Daoulas.

Cette période-charnière se caractérise par de gros changements techniques, mais qui se font de manière très progressive. Le but du programme de fouilles à venir (et de leur traitement) est d'expliquer et comprendre ces évolutions en parallèle du changement climatique.

Des œuvres d'art figuratives et abstraites datant de 14 000 ans

Parmi les objets trouvés lors des fouilles, les archéologues recueillent des plaquettes de schiste gravées (80 fragments dont une douzaine où l'on voit des animaux).

Datées [Note : Ce ne sont pas les plaquettes qui sont directement datées mais des charbons découvert dans le niveau azilien du site.] au carbone 14 de 14 500 ans et de 13 900 ans, elles figurent 2 aurochs et 36 chevaux, très nets, homogènes stylistiquement, ainsi que de petites têtes de chevaux stylisées ou des triangles et des lignes droites qui se croisent.

Si l'art azilien récent est bien connu (fin de l'art pariétal, gravure et tracés géométriques sur galets), l'art azilien ancien est peu connu en Europe : deux sites principalement, un dans le Lot ainsi que celui du Rocher de l'Impératrice.

Maintenant, il reste à définir qui étaient les artisans qui ont produit ces œuvres et la société dans laquelle ils vivaient. Les fouilles en cours à Plougastel-Daoulas vont jouer un rôle majeur pour cette compréhension.

Comment s'organise une fouille

Une fouille consiste à « détruire » un site de façon extrêmement méthodique et en enregistrant un maximum d’informations pour en retirer les éléments intéressants pour la connaissance de celui-ci. Ici, il s'agit d'enlever des sédiments, de la roche et de la terre, du sol et de les analyser de la manière la plus complète possible sur la fouille elle-même puis en laboratoire.

Les outils sont variés : truelles, pinceaux, seaux, tamis,...

Des relevés sont faits régulièrement : photos, plans, dessins, et les différents éléments repérés selon un quadrillage en carrés et sous-carrés matérialisés par des fils tendus.

Un tachéomètre permet d'effectuer les diverses mesures dans les différentes couches (niveaux stratigraphiques) et d’enregistrer les pièces au dixième de millimètre près afin de mieux comprendre les modalités d’occupation du site.

Tous les sédiments retirés du site vont être stockés dans des seaux portant une étiquette avec leurs coordonnées. Ils seront transportés dans un autre endroit, lavés à l'eau douce et passeront une deuxième fois dans un tamis de 2 mm.

Cette opération a pour but de collecter et de stocker des éléments fins et nombreux qui auraient échappé au premier tamisage. On y trouve :

  • Des éclats de taille de silex. Leur emplacement permet de mieux comprendre l’organisation spatiale des activités, notamment lieux de taille ou de fabrication/entretien des outils.
  • Des morceaux de charbon de bois, analysés, donneront des renseignements sur les essences d'arbres ou arbustes ayant servi à alimenter le feu. Ils permettront aussi la datation au carbone 14.
  • Des fragments de schiste.
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