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Description de Brest, du Léon et d'Ouessant en 1844 : Différence entre versions

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La ville est posée au bord d'une rade immense ; cette rade est d'un mouillage solide, fortement abritée, fermée de toute part. La nature avait préparé le travail de M. Vauban de façon formidable. Sa position à l'extrémité de la France, tout en face de l'Angleterre et de cette Amérique dont le rôle s'agrandit de jour en jour, ajoutait à l'importance de ce rempart. On songea donc à fortifier la passe étroite, le goulet qui forme l'unique issue de cette rade ; on creusa le Penfeld pour en faire un port ; on construisit, sur les deux rives, des arsenaux, des magasins ; enfin, quand tout fut prêt, M. Vauban vint lui-même à Brest pour diriger les fortifications du port et de la ville.
 
La ville est posée au bord d'une rade immense ; cette rade est d'un mouillage solide, fortement abritée, fermée de toute part. La nature avait préparé le travail de M. Vauban de façon formidable. Sa position à l'extrémité de la France, tout en face de l'Angleterre et de cette Amérique dont le rôle s'agrandit de jour en jour, ajoutait à l'importance de ce rempart. On songea donc à fortifier la passe étroite, le goulet qui forme l'unique issue de cette rade ; on creusa le Penfeld pour en faire un port ; on construisit, sur les deux rives, des arsenaux, des magasins ; enfin, quand tout fut prêt, M. Vauban vint lui-même à Brest pour diriger les fortifications du port et de la ville.
  
À la seule annonce de ces grands travaux, la Bretagne s'agite et s'inquiète. Qui donc ! On creuse le port, on enlève les terres, on apporte des canons, donc la liberté de la Bretagne est menacée ! En conséquence, le Parlement de Bretagne fait défense aux maîtres de forges de fondre des canons ; il fait défense aux propriétaires des forêts du Faou et de Cranou de livrer leur bois à la marine royale. Le roi de France fut plus fort que le Parlement de Bretagne : on fit venir des canons du Nivernais ; on prit, de force, tout le bois nécessaire. Pour élargir le Penfeld, il fallait briser des masses de granite ; elles furent brisées. En même temps, dix vaisseaux de ligne et six frégates se construisaient sur ce formidable chantier, sous l'inspection de Maître Laurent Plubac, charpentier du roi. On ne résistait pas à Richlieu, de même que l'on ne résistait pas à Louis XIV.
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À la seule annonce de ces grands travaux, la Bretagne s'agite et s'inquiète. Qui donc ! On creuse le port, on enlève les terres, on apporte des canons, donc la liberté de la Bretagne est menacée ! En conséquence, le Parlement de Bretagne fait défense aux maîtres de forges de fondre des canons ; il fait défense aux propriétaires des forêts du Faou et de Cranou de livrer leur bois à la marine royale. Le roi de France fut plus fort que le Parlement de Bretagne : on fit venir des canons du Nivernais ; on prit, de force, tout le bois nécessaire. Pour élargir le Penfeld, il fallait briser des masses de granite ; elles furent brisées. En même temps, dix vaisseaux de ligne et six frégates se construisaient sur ce formidable chantier, sous l'inspection de Maître Laurent Plubac, charpentier du roi. On ne résistait pas à Richelieu, de même que l'on ne résistait pas à Louis XIV.
  
Recouvrance, qui était jadis une ville à part, fut réunie avec Brest dans l'enceinte fortifiée des mêmes murailles ; rien ne fut négligé de ce qui pouvait ajouter à l'ensemble de ces remparts. On menait de front le port à creuser, les forteresses à bâtir, la formation des équipages ; la côte fut étudiée et sondée de Belle-Isle à Saint-Malo ; on dressait en même temps la carte de Brest ; on bâtissait l'hôpital, on forgeait des ancres, on armait de canons le Goulet et les côtes du Conquet. Des ingénieurs français furent envoyés dans toutes les places fortes de l'Angleterre et de la Hollande pour étudier l'art difficile de la construction navale. Les murailles bâties, le port creusé, les canons armés sur les hauteurs, les navires achevés, la Bretagne, un peu par force, beaucoup par instinct et pour la gloire, fournit les équipages de ces vaisseaux, de ces frégates.
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Recouvrance, qui était jadis une ville à part, fut réunie avec Brest dans l'enceinte fortifiée des mêmes murailles ; rien ne fut négligé de ce qui pouvait ajouter à l'ensemble de ces remparts. On menait de front le port à creuser, les forteresses à bâtir, la formation des équipages ; la côte fut étudiée et sondée de Belle-Isle à Saint-Malo ; on dressait en même temps la carte de Brest ; on bâtissait l'hôpital, on forgeait des ancres, on armait de canons le Goulet et les côtes du Conquet. Des ingénieurs français furent envoyés dans toutes les places fortes de l'Angleterre et de la Hollande pour étudier l'art difficile de la construction navale. Les murailles bâties, le port creusé, les canons armés sur les hauteurs, les navires achevés, la Bretagne, un peu par force, beaucoup par instinct et pour la gloire, fournit les équipages de ces vaisseaux, de ces frégates.(...)
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Brest occupe une place immense dans nos annales maritimes : du port de Brest est parti la frégate qui portait reconnaissance des États-Unis par le roi de France ; la ''Belle-Poule'', qui commença le feu contre l'Angleterre, sortait du port de Brest ; la flotte de combat d'Ouessant (27 juillet 1778) sortait du port de Brest ; blessé à mort, du Couëdic revint à Brest pour y mourir ; ''la Boussole''' et ''l'Astrolabe'', commandées par La Pérouse, sont sorties du port de Brest. (...)
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Du ''Cours d'Ajot'', admirable promenade qui domine le port de Brest et que domine le château, on découvre toute la rade, et c'est là un grand spectacle. À l'ouest s'étend, menaçante, imprenable, la presqu'île de Quélern ; au sud Lanveau [Lanvéoc] ; à l'est, la presqu'île de Plougastel et l'embouchure de l'Aulne et de l'Élorn. (...)
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Landerneau, la ville des tanneries, jolie petite ville assise dans une vallée fraîche et riante, bornée de tous côtés par ces charmantes hauteurs 'où tombent mille ruisseaux limpides, infatigables travailleurs. (...)
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L'habitant du pays de Léon est le plus religieux de la Bretagne entière ; rien n'égale son respect pour les morts : il s'agenouille à [la vue de] la croix de bois qui lui désigne un cercueil, sans même lire le nom du chrétien enterré à cette place. Dans sa prière, il se rappelle même les générations depuis longtemps ensevelies. Quand il n'y a plus de place dans le champ des morts, le Léonais, fidèle au culte des ancêtres, recueille cette sainte poussière dans les plus beaux reliquaires de granite, chefs-d'œuvre d'un art naïf et patient. C'est lui qui élève, aux plus belles places de ses campagnes, ces riches calvaires, en témoignage de la Passion de Notre-Seigneur, drame sincère taillé en ''kersanton'' ; rien n'y manque, depuis le clou de la croix jusqu'à l'éponge imprégnée de vinaigre et de fiel. Les calvaires de Saint-Thégonnec, de Plougastel, de Cléder, de Guimilliau, sont les plus admirables de tous.
  
 
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Version du 14 février 2012 à 12:08

Jules Janin, dans La Bretagne, publié en 1844, fait cette description de Brest :

Brest, ce n'est pas la Bretagne, mais c'est la France ; c'est le port ouvert aux nations pacifiques, mais fermé aux nations conquérantes. Brest est plutôt un port qu'une ville, plutôt un arsenal qu'un port. À peine êtes-vous entré dans ces rues turbulentes où se heurtent les soldats, les marins, les étrangers, les marchands, les voyageurs de tous les pays du monde, vous ne songez plus que vous êtes en Bretagne. (...) Le vrai fondateur de Brest, c'est Richelieu, c'est Louis XIV ; vous ne songez qu'à pénétrer dans les mystères de cette force placée au bord de l'Océan : l'arsenal, le bagne, les canons, les vaisseaux, «Â armées et millions, la force de la France entassée au bout de la France, tout cela dans un port où l'on étouffe entre ces deux montagnes chargées d'immenses constructions » [a dit Michelet]. Brest est le point de départ et le point d'arrivée ; qui arrive là vient d'une tempête, il y va ou il y retourne ; on n'entend dans ces rues stridentes que le cri des travailleurs, le bruit des marteaux, la chaîne des forçats ; on n'y sent que l'odeur du goudron, de la poudre et de la mer. Brest, comme ville maritime, date de 1630. Il y avait bien le proverbe : Qui n'est pas maître de Brest n'est pas duc de Bretagne. (...)

La ville est posée au bord d'une rade immense ; cette rade est d'un mouillage solide, fortement abritée, fermée de toute part. La nature avait préparé le travail de M. Vauban de façon formidable. Sa position à l'extrémité de la France, tout en face de l'Angleterre et de cette Amérique dont le rôle s'agrandit de jour en jour, ajoutait à l'importance de ce rempart. On songea donc à fortifier la passe étroite, le goulet qui forme l'unique issue de cette rade ; on creusa le Penfeld pour en faire un port ; on construisit, sur les deux rives, des arsenaux, des magasins ; enfin, quand tout fut prêt, M. Vauban vint lui-même à Brest pour diriger les fortifications du port et de la ville.

À la seule annonce de ces grands travaux, la Bretagne s'agite et s'inquiète. Qui donc ! On creuse le port, on enlève les terres, on apporte des canons, donc la liberté de la Bretagne est menacée ! En conséquence, le Parlement de Bretagne fait défense aux maîtres de forges de fondre des canons ; il fait défense aux propriétaires des forêts du Faou et de Cranou de livrer leur bois à la marine royale. Le roi de France fut plus fort que le Parlement de Bretagne : on fit venir des canons du Nivernais ; on prit, de force, tout le bois nécessaire. Pour élargir le Penfeld, il fallait briser des masses de granite ; elles furent brisées. En même temps, dix vaisseaux de ligne et six frégates se construisaient sur ce formidable chantier, sous l'inspection de Maître Laurent Plubac, charpentier du roi. On ne résistait pas à Richelieu, de même que l'on ne résistait pas à Louis XIV.

Recouvrance, qui était jadis une ville à part, fut réunie avec Brest dans l'enceinte fortifiée des mêmes murailles ; rien ne fut négligé de ce qui pouvait ajouter à l'ensemble de ces remparts. On menait de front le port à creuser, les forteresses à bâtir, la formation des équipages ; la côte fut étudiée et sondée de Belle-Isle à Saint-Malo ; on dressait en même temps la carte de Brest ; on bâtissait l'hôpital, on forgeait des ancres, on armait de canons le Goulet et les côtes du Conquet. Des ingénieurs français furent envoyés dans toutes les places fortes de l'Angleterre et de la Hollande pour étudier l'art difficile de la construction navale. Les murailles bâties, le port creusé, les canons armés sur les hauteurs, les navires achevés, la Bretagne, un peu par force, beaucoup par instinct et pour la gloire, fournit les équipages de ces vaisseaux, de ces frégates.(...)

Brest occupe une place immense dans nos annales maritimes : du port de Brest est parti la frégate qui portait reconnaissance des États-Unis par le roi de France ; la Belle-Poule, qui commença le feu contre l'Angleterre, sortait du port de Brest ; la flotte de combat d'Ouessant (27 juillet 1778) sortait du port de Brest ; blessé à mort, du Couëdic revint à Brest pour y mourir ; la Boussole' et l'Astrolabe, commandées par La Pérouse, sont sorties du port de Brest. (...)

Du Cours d'Ajot, admirable promenade qui domine le port de Brest et que domine le château, on découvre toute la rade, et c'est là un grand spectacle. À l'ouest s'étend, menaçante, imprenable, la presqu'île de Quélern ; au sud Lanveau [Lanvéoc] ; à l'est, la presqu'île de Plougastel et l'embouchure de l'Aulne et de l'Élorn. (...)

Landerneau, la ville des tanneries, jolie petite ville assise dans une vallée fraîche et riante, bornée de tous côtés par ces charmantes hauteurs 'où tombent mille ruisseaux limpides, infatigables travailleurs. (...)

L'habitant du pays de Léon est le plus religieux de la Bretagne entière ; rien n'égale son respect pour les morts : il s'agenouille à [la vue de] la croix de bois qui lui désigne un cercueil, sans même lire le nom du chrétien enterré à cette place. Dans sa prière, il se rappelle même les générations depuis longtemps ensevelies. Quand il n'y a plus de place dans le champ des morts, le Léonais, fidèle au culte des ancêtres, recueille cette sainte poussière dans les plus beaux reliquaires de granite, chefs-d'œuvre d'un art naïf et patient. C'est lui qui élève, aux plus belles places de ses campagnes, ces riches calvaires, en témoignage de la Passion de Notre-Seigneur, drame sincère taillé en kersanton ; rien n'y manque, depuis le clou de la croix jusqu'à l'éponge imprégnée de vinaigre et de fiel. Les calvaires de Saint-Thégonnec, de Plougastel, de Cléder, de Guimilliau, sont les plus admirables de tous.

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