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Révision datée du 18 juillet 2007 à 16:46 par Filyg (discussion | contributions) (L'itinéraire)

Chemins de Fer Départementaux du Finistère

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LE TEMPS DES DILIGENCES

Les dernières diligences

Relisions Jehan Bazin et partageons avec lui la nostalgie d'images anciennes :

Depuis la création de la Poste aux chevaux, c'est la diligence qui, à partir de 1776, relie Landerneau à la capitale. Grande et lourde voiture à quatre roues, traînée par cinq chevaux. Elle était partagée, dans la longueur, en trois compartiments : en avant le "coupé"; compartiment de 1ere classe pour trois voyageurs, au milieu l'"intérieur" compartiment de 2nde classe pour six voyageurs et, en arrière la 3e classe, la "rotonde" avec huit places.

Le dessus de la voiture formait fourgon où les bagages étaient entassés sous une bâche.

Deux fois par jour la diligence de Paris s'arrêtait sur le quai de Léon à 10 heures du matin et à 8 heures du soir. Le postillon portant guêtres blanches, gilet rouge et chapeau galonné, sonnait de la trompette et le "Tout-Landerneau " se précipitait aux nouvelles de Paris.

Des courriers reliaient aussi, bien entendu, Landerneau aux villes environnantes : Morlaix, Carhaix, Le Faou, Lesneven et Brest.

Un voyage de Brest à Paris durait à peine plus de deux jours (53 heures exactement) avec comme seule vraie halte un repos de 5 heures à Alençon.

Les diligences ne survivront pas au Chemin de Fer, il faudra quelques jours pour que les horaires des entreprises Jaouen, Boursicaut, Mazurié et autres disparaissent des colonnes de l'"Océan", journal brestois alors en vogue.

SUR L'ELORN EN BATEAU A AUBES

Bateau à vapeur et ses rues à aube

Une gravure du "Voyage dans le Finistère" de Cambry témoigne de la présence dans le port de Landerneau, en 1835, d'un bateau à vapeur et de ses roues à aube. En 1864 le service existait encore et un vapeur quittait Brest chaque jour pour Landerneau suivant un horaire qui variait "suivant la marée". L'arrivée du train lui vaudra une nouvelle carrière. Le "vapeur" se lancera dans un tourisme précurseur et sera le transport des jours de fête. Le service désertera l'Elorn mais se renforcera vers la presqu'île, reliant effectivement Landévennec à Brest mais dans le sens inverse de celui initialement prévu.

ENFIN LE TRAIN

On imagine sans difficulté les longues discussions qui ont précédé le choix définitif d'un tracé`pour la voie bretonne. Trois projets s'affrontaient : l'un économe par le centre de la Bretagne, l'autre par le Sud, le dernier par le Nord. C'est finalement ce troisième tracé qui l'emporte : solution plus coûteuse c'est également la plus judicieuse. Des ports comme Saint-Brieuc et Morlaix sont desservis, de riches régions agricoles comme le Trégor et le Léon sont traversées, rapprochant le poisson et les primeurs de la capitale. Le service voyageur lui-même s'avère prometteur dans la mesure où la voie longe le littoral de la Manche.

Le tracé définitif est arrêté le 3 août 1853. Son descriptif fait mention des précisions suivantes : "Dans le Sud de Landivisiau, on se dirige de manière à franchir la rivière de l'Elorn ou de Landerneau, et à se placer sur le coteau de la rive gauche de cette rivière, un peu au Nord de Lavalo. On se dirige par le bois de Kerfaven, par Pont-Christ et par La Roche-Maurice. A 600 mètres avant d'arriver à Landerneau, on traverse l'Elorn et la route impériale n° 12 en aval du moulin de Traon Lebern. On passe la ville à 100 m dans le Nord, on se rapproche de la rivière en se dirigeant au Sud du château de La Forest... "

Les travaux et l'exploitation de cette ligne sont confiés à la Compagnie de Chemins de Fer de l'Ouest. Au même moment un projet de construction d'une voie ferrée entre Nantes et Quimper est retenu, avec un prolongement vers Landerneau. Cette ligne sera à la charge de la Compagnie de Paris à Orléans et sera inaugurée le 16 décembre 1867.

Les travaux de construction

Les expropriations

Le passage de la voie à Landerneau donne lieu, comme ailleurs, à des expropriations. Quelques procès également : une loi du 15 juillet 1845 stipulait que les constructions récouvertes de chaume devaient être situées à plus de 20 mètres du rail, sous peine d'être démolies. Un seul propriétaire se montre récalcitrant, il refuse de recouvrir sa construction (une bergerie) d'un matériau ininflammable. Le tribunal tranche : la bergerie est démolie...

La réalisation
travaux de terrassement

Les premiers cheminots que les Landernéens ont vu au travail ont été les géomètres. Aux abords immédiats de la ville, aucune difficulté particulière ne s'est présentée. Le terrain est relativement plat, les dénivellations ne sont guère prononcées.

Par contre, le long de l'Elorn, aux environs de Kerfaven, un gros problème doit être surmonté. La voie doit passer entre le lit de la rivière et une colline de roche dure, un tunnel serait judicieux mais coûteux. On décide donc de dévier le lit de l'Elorn. II faut remarquer que le tronçon Landivisiau-Landerneau est le plus sinueux de toute la ligne Paris-Brest à cause, justement, des méandres de l'Elorn.

On pouvait distinguer deux types de chantiers : les travaux "à poste fixe" et les travaux réalisés "sur le terrain". Des ateliers accueillaient les travaux à poste fixe. Ceux-ci étaient installés en différents points de la voie. Divers corps de métier s'y côtoyaient : des tailleurs de pierre, des menuisiers, des forgerons, des charrons...

C'est à proximité de ces ateliers qu'étaient installés les logements provisoires de la population du Chemin de Fer. Un atelier avait été ouvert à Landerneau. La ville a ainsi connu les premières retombées économiques du rail. Les matériaux, les outils... étaient achetés sur place et les ouvriers et leurs familles s'approvisionnaient dans les commerces locaux.

La réalisation de ces gigantesques travaux de terrassement mettait en oeuvre les moyens les plus modernes de l'époque : pelles, pioches, tomberaux tirés par des chevaux ou des baeufs ! Autant dire que le chantier n'avançait par bien vite, même si la main-d'oeuvre était nombreuse. Un arrêté préfectoral autorisait le travail le dimanche.

Les ouvrages d'art avançaient au même rythme que les terrassements, on montait également les bâtiments. Le corps principal de la gare de Landerneau était achevé dès 1862. C'est la gare de type classique sur cette voie. Elle ressemble comme une soeur à celles de Lamballe, Morlaix...

Début 1865 tout était achevé et le train inaugural pouvait quitter Guingamp le 25 avril pour rejoindre Brest.

L'inauguration

Les archives landernéennes sont très discrètes sur cet événement. Un conseil municipal s'était réuni quelques jours plus tôt, il n'y est fait aucune mention de l'arrivée proche du train. Le problème qui mobilise la municipalité est alors la mendicité. L'économie locale n'était déjà pas très florissante mais l'arrêt du chantier de la voie ferrée a pour effet temporaire d'accentuer le chômage et donc la mendicité. Le 2 mai le conseil se souvient enfin de l'existence du train mais c'est pour constater qu'il n'existe toujours pas de route reliant la gare à la ville.

Par contre à Brest l'accueil a été grandiose. Depuis le début avril tout était fin prêt. Un train spécial amenant les principaux administrateurs et hauts fonctionnaires de la Compagnie de l'Ouest était entré en gare le 18 avril. Les festivités commencèrent le 25 avril. Une foule énorme, accourue de toute la région, déferla sur la ville. Il ne restait plus une place dans les hôtels et les auberges, à tel point que le préfet maritime doit mettre à la disposition des visiteurs les cent lits d'un dortoir de pupilles de la Marine.

Inauguration de la ville de Brest

La presse parisienne avait dirigé sur Brest ses reporters les plus connus : Théophile Gautier fils, les Brestois Zaccone et Gouzien... A 17h20 train spécial entrait en gare; le ministre des Travaux publics, du Commerce et de l'Industrie, Arnaud Béhic, représentant l'empereur en descendit. Il était accompagné du vice-président de la chambre des députés, de sénateurs, du directeur général des points et chaussées, des préfets des départements bretons et de divers élus. Le maire, Bizet, accueillait les personnalités.

On procéda tout d'abord à la cérémonie de la bénédiction des locomotives qu'on avait baptisées du nom de "Paris" et "Brest". C'est avec des accents lyriques que le chroniqueur du journal "l'Océan" rend compte de l'événement :

"La cérémonie a été ouverte par un discours de M. l'archiprêtre curé de Saint-Louis, sur l'harmonie qui doit régner entre la religion, la science et l'industrie; puisque tous les progrès se tiennent, et qu'il n 'v a de vraiment solides que ceux qui ont Dieu pour principe et pour dernier terme.

Deux locomotives, parées de fleurs et de guirlandes, ont été amenées par le chef de gare, se sont avancées doucement pour s'incliner en quelque sorte devant l autel et le vénérable prêtre et Jésus-Christ.

A ce spectacle, tous les assistants ont été saisis d'un profond respect. Les deux locomotives étaient là comme deux fiancées qui venaient recevoir la bénédiction de leur union avec l'océan, comme autrefois, a Vénise, le doge, à son avènement, épousait la mer Adriatique. "

Un banquet réunit ensuite l'ensemble des officiels suivi à 20 h 30 d'une retraite aux flambeaux partant du Champ de Bataille. Les édifices publics s'illuminaient ainsi que les rampes du Port Napoléon. La soirée s'achevait par des bals sur le Champ de Bataille et le quai Jean-Bart.

Le lendemain la fête commençait par une distribution de viande aux indigents. Le grand moment de la journée fut le lancement de la frégate "La Gauloise". Un gigantesque feu d'artifice clôturait la journée : 1 000 feux de couleur dessinaient un temple du progrès surmonté de l'aigle impérial. Sur l'entablement se détachaient les deux mots : "Vive l'Empereur".

La"Gauloise"

Troisième jour de liesse avec encore une distribution de viande pour calmer les affamés et après le pain : les jeux. Ce sera une cavalcade historique représentant l'entrée à Brest des ambassadeurs du Siam en 1687. P. Blanchard, journaliste à l' Illustration", n'est pas déçu :

"Beaucoup de Chinois aux costumes authentiques, beaucoup de mousquetaires de Louis XIII et Louis XIV, des gardes françaises, des Syriens, des Bédouins, un char de la Marine monté par les pupilles, cette nouvelle institution si populaire déjà à Brest; d'autres chars transportant des musiciens, l'emblème de l'abondance, etc. . . ont parcouru les principales rues de Brest pendant une partie de la journée. Il y avait un char de la Bretagne accompagné de biniou national et portant à son sommet, à la hauteur d'un premier étage, un magnifique bœuf blanc qui semblait assez étonné de sa nouvelle position. J'attendais ce char avec beaucoup d'impatience car dans ce siècle de nivellement général des costumes (j'ai vu des blouses en Espagne) je désirais pouvoir contempler encore quelques-uns des restes des vêtements de nos aïeux. Mon espérance n'a pas été trompée : c'étaient des Bretons bien authentiques que je voyais, couverts de plus de gilets que ce paysan du cirque-olympique, qui finit par se trouver vêtu d'une tunique pailletée d'or lorsqu'il les a tous ôtés; les joueurs de biniou étaient passés maîtres, et en les écoutant je me demandais de quel pays est originaire cet instrument, qui est également national en Ecosse, en Auvergne et à Rome. Aux archéologues de résoudre la question. "

Le soir, à la Halle aux Blés, un bal, par souscription au profit des pauvres, clôturait ces trois jours de fête.

Dès le lendemain, des trains réguliers reliaient Brest à la capitale.

On quittait le port du Ponant à 7 heures du matin pour atteindre Paris à 23h40. En première classe le prix du billet était de 69,80 F, en 2° classe de 52,35 F et en 3° classe de 38,40 F. Par comparaison, les prix en diligence étaient de 90,50 F, 85,50 F et 18,50 F pour les trois classes.

Deux voies pénétraient alors la Bretagne. Jusqu'à Brest par le Nord et jusqu'à Quimper par le Sud. Les deux métropoles finistériennes sont reliées en passant par Châteaulin le 16 décembre 1867.

LE CHEMIN DE FER A LANDERNEAU

Les Compagnies de Chemins de Fer qui ont desservi Landerneau

La Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest Constituée par le rachat ou la fusion de plusieurs petites compagnies s'étendant autour de Paris, la Compagnie des Chemins de Fer de l'Ouest qui existe depuis 1851 de manière embryonnaire, naît véritablement en 1855. Sa zone d'action recouvre peu à peu la Normandie et le Nord de la Bretagne. Elle exploite, entre autre, la ligne Paris-Brest jusqu'en 1909, année de son rachat par l'Etat.

La Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Orléans (P.O) A l'origine le P.O. est chargé de l'exploitation de la ligne de Paris à Orléans qui a été inaugurée le 2 mai 1843. Petit à petit la Compagnie P.O s'est étendu sur tout le Sud-Ouest de la France jusqu'au Sud de la Bretagne. Elle a exploité la ligne de Savenay à Landerneau par Quimper jusqu'en 1934, année où cette ligne a été rachetée par l'Etat. La Compagnie P.O a exploité d'autres lignes jusqu'à la création de la S.N.C.F. en 1938.

Les Chemins de Fer Départementaux du Finistère (C.F.D.F) Leur création est décidé en août 1888 par le Conseil Général. Plusieurs lignes existeront dont celle de "Landerneau vers la mer" qui verra le jour en 1894 et qui desservira dans un premier temps Plounéour-Trez puis Brignogan à partir de 1901. Fermée pour cause économique en 1939, elle sera remise en service par l'armée d'occupation en 1941. Vaincue par la route, cette ligne sera définitivement fermée en 1946.

Dorénavant, Landerneau possède un mode de transport rapide tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Les temps de trajet ont considérablement diminué. Par ailleurs, le confort s'est trouvé nettement amélioré. Les prix des voyages et du transport des marchandises ont baissé par rapport à ceux pratiqués par la diligence. Le train a donc connu un gros succès dès ses premiers tours de roues. Ces trains qui roulent jour et nuit sans interruption remorquant des wagons dont les destinations sont variées, demandent une organisation très compliquée.

Une gare est une concentration de plusieurs activités. Des hommes et des femmes y travaillent et y pratiquent des métiers différents bien qu'ils soient tous cheminots. Leur but commun est que ces trains puissent rouler dans les meilleures conditions de sécurité et qu'ils transportent, selon leur nature, le maxi mum de voyageurs ou de marchandises. Ceci est vrai aujourd'hui et l'était aussi au siècle dernier dans toutes les Compagnies de Chemin de Fer.

Nous l'avons déjà dit, la gare de Landerneau, comme peu de gares en France, a eu la particularité de voir se côtoyer des cheminots de trois réseaux distincts. Bien que travaillant ensemble, dans le même but, sur les mêmes lieux et, dans la plupart des cas, en utilisant les mêmes outils, ils ont oeuvré les uns pour l'Ouest, les autres pour le P.O. et d'autres encore pour le C.F.D.F.

La cohabitation Ouest - P.O - C.F.D.F

Aujourd'hui, le transport ferroviaire étant assuré par la seule S.N.C.F, il n'existe aucune rupture dans la circulation des trains entre Quimper et Brest et vice-versa. La liaison ferroviaire Landerneau-Brignogan n'existe plus.

Il est donc difficile de se représenter le trafic en gare de Landerneau quand il existait trois réseaux. Les trains venant de Quimper avaient leur terminus à Landerneau et, en sens inverse, les trains à destination de Quimper y avait leut origine. Ceci impliquait un garage des locomotives et une remise pour les voitures. Un dépôt fut donc implanté par le P.O. Ce bâtiment en arc de cercle existe toujours. Il est situé au Nord de la gare. La remise à voitures P.O quant à elle a été démolie. Elle se trouvait à l'Ouest en bordure de la place de la gare. Le dépôt, desservi par une plaque tournante, pouvait recevoir huit machines. La remise pouvait abriter également huit voitures.

Le C.F.D.F avait aussi son garage à locomotives et à voitures. Ces bâtiments occupaient la place de l'actuel collège d'enseignement secondaire. Hormis les dépôts et les remises, les installations étaient communes aux trois réseaux.

Au fur et à mesure que le trafic grandissait, les besoins en locaux et voies supplémentaires se sont fait jour. Les études d'agencement de la gare ont été menées en commun par l'Ouest et le P.O, du moins pour les installations à écartement normal. Ainsi, au fil des années, la gare et ses emprises se sont transformées pour améliorer la desserte de Landerneau. II a été construit un buffet, une annexe au bâtiment principal, la halle à marchandises, un poste d'aiguillage, un château d'eau pour l'approvisionnement des locomotives, des quais hauts pour le chargement et le déchargement des wagons, la cour marchandises a été pavée, etc.

En 1908, la Compagnie de l'Ouest en difficulté financière a été rachetée par l'Etat qui possédait déjà ailleurs des lignes de chemin de fer. Pendant quelques années, l'ancien réseau de l'Ouest a été appelé le réseau Ouest-Etat.

En 1934, le P.O cédait à l'Etat les lignes du Sud de la Bretagne. A partir de cette année-là il ne restait plus à Landerneau que l'Etat et le C.F.D.F.

En 1938, la presque totalité du réseau ferroviaire français est nationalisée et sa gestion est confiée à la S.N.C.F. Le C.F.D.F restera indépendant.

Le trafic en gare de Landerneau

Dans son livre "Les voyages du professeur Lorgnon" Henri Vincenot relate une conversation qu'il a eue un jour avec un cultivateur :

"Un vieux cultivateur philosophe et érudit, des environs de Saint-Brieuc, à qui je demandais un jour, si le blé serait beau, m'a dit :

- Je compte sur quarante sacs à l'hectare ! Quand je pense que mon grand-père ne faisait ici que vingt sacs et que mon arrière-grand-père ne tirait ici que du seigle et du blé noir ! - A quoi attribuer cette différence ?

- Au chaulage, dame ! A partir de 1863, la chaux a su venir dans nos paroisses...

- Pourquoi 1863 ?

- Dame ! C'est en 1863 qu'on a construit le "hent houarn" par chez nous (hent houarn : chemin de fer). Mon grand-père me l'a raconté : il ne passait qu'une voie ici, et un seul train dessus pour la journée, mais il a apporté de la chaux, en masse, qui venait des chaufourniers du fin fond du pays, plus loin que Laval. Au début, on n'a pas osé s'en servir, ensuite on a pas su, mais on s'y est mis et on a pu enfin lutter contre l'ajonc et le genêt et faire du blé, des prairies artificielles, les primeurs sur la côte. On a pu expédier notre beurre, nos patates et nos choux-fleurs sur Paris. La Bretagne n'est plus le pays pauvre dont on parlait dans les livres d'école en 1900.

- En somme, vous devez cela à...

- Tud an hent houarn ! (A ceux du chemin de -fer)."

Comme pratiquement toutes gares de province, du moins là où l'agriculture occupe une place importante dans les activités de la région, Landerneau a reçu par chemin de fer, dès le début de son exploitation, des engrais divers et du matériel agricole. Les productions, rapidement devenues excédentaires pour la consommation locale, ont vite pris le chemin de la gare pour être expédiées par le train.

L'artisanat aussi a, dès le début, utilisé le train pour ses échanges avec l'extérieur. Cela a été un tremplin pour l'industrie.

Jusqu'à ce que le train traverse nos villes, la population n'effectuait que très peu de grand voyage. Pour quoi faire d'ailleurs ? Et par quel moyen ? Le tourisme n'existait pratiquement pas. Le commerce et l'artisanat ne justifiait pas des déplacements d'affaires fréquents.

L'arrivée du chemin de fer représente un facteur d'évolution pour la plupart des secteurs parfois positive (agriculture, tourisme...), parfois négative (dépeuplement, transfert d'activité sur d'autres régions de France : le textile à Landerneau par exemple).

La gare de Landerneau est devenue rapidement un lieu de transit de voyageurs. II a fallu assurer l'accueil de ces personnes qui pour une raison ou pour une autre séjournait à Landerneau. Ajouté à cela le fait que depuis 1867 Landerneau était une gare de correspondances, c'est toute une activité hôtelière qui s'est développée autour de la gare.

Les cheminots

L'exploitation du chemin de fer fait appel à une organisation complexe. Elle met en oeuvre la technique, tant pour le matériel que pour la voie, et l'administration commerciale. Les compagnies se sont donc scindées en "services". Ils étaient, et sont encore aujourd'hui à quelques variantes près et sous des appellations différentes, au nombre de trois.

- L'exploitation qui s'occupe de la sécurité des circulations et de la partie commerciale.

- Le matériel et traction qui entretient et répare le matériel roulant (wagons et locomotives) et assure la conduite des trains.

- La voie et le bâtiment qui comme son nom l'indique s'occupe des voies et des bâtiments.

Ces trois services ont existé à Landerneau jusqu'à la dernière guerre. Aujourd'hui, étant donné l'évolution des techniques, le service M.T. a disparu.

Le travail des cheminots

A l'exploitation

Locotracteur

Ce service est celui qui comporte le plus de variétés dans le travail. Il rassemble ce qu'on a l'habitude d'appeler les agents des gares. Leurs tâches, selon les fonctions, sont les suivantes : sécurité des circulations (ils portent un uniforme), vente des billets, contacts avec la clientèle marchandise, manoeuvre des wagons, lampisterie, manutention des colis, aiguilleurs.

Depuis 1932, année de mise en service de barrières oscillantes au passage à niveau de l'Etoile, l'aiguilleur assurait aussi les fonctions de garde-barrière.

La vente des billets était assurée par des cheminots du réseau Ouest (puis Etat). Un versement périodique des parts revenant au P.O et au C.F.D.F était effectué au prorata des distances parcourues par les voyageurs sur chacun de ces réseaux.

Au matériel et traction

Ce service à Landerneau n'a été représenté que par des cheminots du PO. Il regroupait des mécaniciens sédentaires chargés de l'entretien des locomotives et de leur approvisionnement en eau, charbon et sable, des agents spécialisés dans le nettoyage des rames. Tout ce monde-là était dirigé par un chef de dépôt logé sur place dans des bâtiments aujourd'hui démolis.

A la voie et bâtiments

Les cheminots de ce service faisaient partie de la Compagnie de l'Ouest (puis Etat). Leur secteur d'activité s'étendait de La Roche à La Forest.

Le travail des agents de la voie consistait (et consiste encore) à veiller à la bonne tenue de la voie et, le cas échéant, à sa réparation. Du fait de la conception d'une voie ferrée (matériaux lourds) il s'agit d'un travail très dur et, pour les dirigeants, impliquant de lourdes responsabilités.

Entretien des voies 1930

L'ensemble des bâtiments, quel que soit le service utilisateur, étaient entretenus par des cheminots ayant plusieurs cordes à leur arc : peinture, menuiserie, maçonnerie, vitrerie, etc. Ils n'ont jamais été nombreux à Landerneau, mais leur temps était bien occupé. C'était l'époque où chaque bâtisse jouissait à l'intérieur comme à l'extérieur, d'une attention constante; tout devait être pimpant, en état de marche, en un mot : accueillant.

Les gardes-barrières aussi appartenaient au service V.B. En principe des femmes, à Landerneau elles étaient 7, une par passage à niveau.

En gare de La Roche, cette fonction était remplie par le chef de halte. Comme indiqué précédemment, l'aiguilleur a remplacé le garde-barrière de l'Etoile en 1932. Au début des années 1960, quand la circulation automobile s'est accrue, le service au passage de La Bascule a été assuré en 3 x 8. Sur les 7 passages du secteur de Landerneau, 5 ont été automatisés; les 2 autres ont été remplacés par des ponts supérieurs.

Le service V.B. comportait également les agents chargés de la signalisation. Celle-ci, mécanique et éclairée au début par des lampes à pétrole, a été remplacée par des signaux à éclairage et commande électrique. C'est alors que sont apparus les premiers électriciens du chemin de fer. Leur travail s'est plus tard étendu à l'entretien de l'éclairage des locaux lorsque l'électricité a été installé en gare en 1931. Certains de ces agents étaient spécialisés dans la téléphonie dès que ce mode de communication a fait son apparition au chemin de fer vers le début du siècle. Auparavant, on utilisait le télégraphe.

La vie des cheminots

D'une manière générale les cheminots à Landerneau ont vécu (et vivent encore) comme à peu près tout le monde. Ceux qui n'ont pas eu (et n'ont toujours pas) une vie sembable à celle du commun des mortels sont ceux qui ont un métier lié à la notion de continuité du service : les agents des gares, les gardes-barrières.

Les gardes-barrières

Ces postes étaient tenus par des femmes, en principe l'épouse d'un agent de la voie. Ce travail qui peut paraître banal comportait de grosses responsabilités. Il ne s'agissait évidemment pas de laisser les barrières ouvertes lors du passage d'un train. Une faute de ces cheminotes pouvait mettre en péril la vie des usagers de la route. Logées sur place, elles étaient tenues d'être présentes 24 heures sur 24.

Les passages à niveau demeuraient fermés en permanence sauf ceux situés sur les grandes routes. Ces derniers étaient fermés à l'approche des trains.

La nuit, tous les passages à niveau étaient fermés et cadenassés, et n'étaient ouverts qu'à la demande des usagers. La garde-barrière se levait ainsi plusieurs fois par nuit !!!

Nous l'avons dit, la garde-barrière était en général l'épouse d'un cantonnier de la voie. Le couple habitait la maison de garde du passage à niveau. Ces logements ont longtemps été enviés par les gens de la condition des cantonniers. Un jardin attenant, presque toujours très bien travaillé, assurait l'approvisionnement en légumes. Dans la plupart des cas, on élevait une chèvre qui broutait le long de la voie. Le fauchage de l'herbe au bord de la ligne fournissait du foin pour quelques lapins. Grâce à un poulailler, on se procurait des oeufs et des poulets de chair. L'abattage des taillis le long de la ligne assurait le bois de chauffage. Le P.O avait même fait planter des pommiers tous les 100 mètres environ entre les passages à niveau. Son personnel jouissait ainsi de la cueillette des fruits. Ces avantages en nature complétés par deux petits salaires par ménage, faisaient que ces "cheminots paysans" avaient, à l'époque, une vie un peu plus confortable que la moyenne des ouvriers.

Les agents des gares

De tous temps, dans leur majorité, ces cheminots ont travaillé en 2 x 8 ou 3 x 8. Depuis 1865 leur service ne s'est jamais arrêté sauf dans des cas exceptionnels comme lors de grands mouvements sociaux par exemple. Donc, 365 jours par an, de jour comme de nuit y compris les dimanches et fêtes, ces cheminots assurent leur service en gare. Ces contraintes ne sont pas sans conséquences sur la vie familiale. On dit souvent, d'ailleurs, qu'en épousant un agent de la gare, une femme épouse aussi le chemin de fer.

La vie des enfants subit aussi les contraintes liées au métier de leur père. Combien de fois entendent-ils leur mère leur répéter : "Taisez-vous, papa dort !" Combien de Noël ont-ils vécu sans leur père ? De combien de vacances d'été en famille se sont-ils privés car leur père était de service en juillet et août. Ce sont-là quelques exemples qui imagent ce qui fait la spécificité de la vie des cheminots dont le métier comporte la notion de continuité du service.

La guerre 1914-1918

Le train permettant des transports lourds et volumineux et étant par excellence le moyen le mieux adapté pour déplacer des troupes, dès le 31 juillet 1914, jour de la mobilisation, les chemins de fer français sont passés sous l'autorité militaire. Ils le resteront jusqu'au 2 février 1919.

Sur tous les réseaux français à cette époque on a assisté à une recrudescence de trafic. Les statistiques montrent que pendant toute la durée de la guerre, le trafic intérieur est resté au niveau de celui de 1913. A cela s'est ajouté tout le trafic lié à l'activité militaire. Les chemins de fer et les cheminots ont pourtant fait face à leurs obligations dans des conditions parfois très difficiles.

Durant cette guerre, le Finistère n'a pas été le théâtre de combats comme le Nord ou l'Est de la France. Pourtant à Landerneau les conséquences de la guerre se sont faites durement sentir notamment à cause du manque d'effectifs qualifiés. Les jeunes cheminots ont été mobilisés et leur absence a provoqué un accroissement de la charge de travail pour ceux qui sont restés à leur poste. C'est à cette époque que les femmes ont fait leur entrée en masse au chemin de fer pour remplacer les hommes partis au front. Elles ont occupé des postes de travail normalement réservés aux hommes. Il semble toutefois qu'à Landerneau, aucune femme n'a été embauchée pour tenir un emploi masculin. Par contre, le chemin de fer a dû faire appel à des cheminots retraités.

En plus de leurs activités ordinaires en gare, les cheminots de Landerneau ont dû, pendant cette période, participer à l'effort de guerre. L'arrivée des troupes américaines à Brest s'est traduite par une grande effervescence en gare. De nombreux trains militaires ont été mis en circulation : trains de troupes, de matériel, trains sanitaires, etc. De plus, également pour les besoins de la guerre, la ligne du C.F.D.F a été beaucoup sollicitée. Ceci a occasionné bon nombre de transbordements à Landerneau du fait de l'écartement différent des voies Ouest-Etat et du C.F.D.F.

L'entre-deux-guerres

Pour ce qui concerne l'entre-deux-guerres, la gare de Landerneau ne donne pas matière à des commentaires particuliers. Les cheminots ont continué à assumer leurs fonctions jours et nuits. Ils se sont succédés au gré des nominations à un grade supérieur des uns ou des autres, des mutations pour convenances personnelles ou pour les besoins du service et des départs en retraite.

En 1929, la crise n'a pas épargné les chemins de fer et, par conséquent, a eu une influence sur le trafic en gare de Landerneau. Ce fut l'époque où, au vu du bulletin de paie et du nombre de wagons sans cesse décroissant dans les trains, les cheminots se demandaient si le fond de l'abîme n'était pas pour le lendemain. Pourtant la vie a continué et l'économie petit à petit, s'est remise en marche.

Pas pour tout le monde, cependant. En effet, le P.O a eu du mal à se relever. Déjà malade d'une mauvaise gestion, il a dû en 1934 céder une partie de ces lignes à l'Etat. Ainsi, la ligne Quimper-Landerneau, entre autres, changea de propriétaires et, du même coup, les cheminots de patron. A Landerneau, la distinction P.O-Etat n'existait donc plus.

Le mal qui depuis plusieurs années rongeait le P.O avait également atteint le P.L.M, les réseaux de l'Est et du Nord, et le P.O-Midi.

Sous l'impulsion du gouvernement du Front Populaire, il fut décidé le 31 août 1937 de nationaliser les chemins de fer français. Le 1er janvier 1938, la S.N.C.F naissait officiellement. Tous les cheminots français allaient désormais travailler pour la même entreprise. Tous... ou presque. En 1938, les chemins de fer départementaux existaient encore dans beaucoup d'endroits, notamment à Landerneau.

La guerre 1939-1945

Si la Première Guerre mondiale, à part un accroissement du trafic et un manque d'effectifs, n'a pas eu de très grandes répercussions sur le chemin de fer ni sur la vie des cheminots à Landerneau, il en fut tout autrement durant la Deuxième Guerre mondiale.

Cette fois-ci la guerre touchait directement le Finistère. On ne peut toutefois pas dire que la gare de Landerneau a été le théâtre d'événements particuliers. Disons que ce qu'a connu Landerneau a été le lot commun d'innombrables gares françaises. Nous pouvons même ajouter que comparer à d'autres gares comme Brest ou Saint-Brieuc, pour ne prendre que les plus proches, la guerre à Landerneau n'a pas été pire qu'ailleurs. Néanmoins, le moins que l'on puisse dire, c'est que la routine a été quelque peu bouleversée pendant cinq ans.

La gare de Brest bombardée

Comme partout en France, la première partie de la guerre, que l'on a appelée la drôle de guerre, a été vécue dans un climat d'interrogation, d'incertitude. Les cheminots continuaient pourtant leurs activités, quodidiennes. Certains plus réceptifs que d'autres aux choses de la politique, prenaient position et s'exprimaient sur la tournure des événements, sans plus. La France profonde attendait gentiment en gare de Landerneau...

Dès le début de l'occupation, le train a joué un grand rôle dans la guerre. Là, une partie de ceux qui "attendaient gentiment" en 1940 se réveillèrent et réagirent. Ils comprirent très vite que leur outil de travail était une arme supplémentaire qui se retournait contre la France, contre eux, - en définitive -. Alors, tout d'abord isolément, et par la suite de manière organisée, ils mirent des freins à l'acheminement des wagons. Les occupants s'en aperçurent et, pour y remédier, ils dépêchèrent dans les grandes gares des cheminots allemands afin de faire superviser par des professionnels du chemin de fer, le travail des cheminots français. Landerneau a été concernée par cet apport de personnel supplémentaire. Un chef de gare allemand aidé par trois cheminots allemands veillèrent ainsi quelque temps à la bonne marche du chemin de fer. D'un avis général, ces hommes qui n'avaient rien à voir avec le nazisme, étaient très agréables. II leur est arrivé souvent dans les "cas litigieux", de défendre les cheminots français contre les accusations des militaires allemands... même si manifestement les Français n'étaient pas clairs. Ces mêmes cheminots allemands exerçaient aussi leurs activités en gare de Landivisiau.

Les actes de Résistance, proprement dits, ne se sont soldés à Landerneau que par des actions peu spectaculaires. Hormis des "erreurs" d'étiquetage des wagons, des déraillements bénins paralysant momentanément le triage (encore fallait-il le faire !), rien d'autre ne peut être recensé aujourd'hui. Quarante-cinq ans après la Libération, rares sont les survivants parmi les cheminots ayant participé de près à la Résistance. Ceux qui peuvent en parler en toute connaissance de cause, par humilité et modestie, ne sont pas bavards.

La gare en 1944

Nous l'avons déjà dit, la section de ligne allant de Landerneau à Quimper était prévue à l'origine, donc en 1867, pour être équipée d'une double voie. Seulement le trafic sur cette ligne n'a jamais justifié une telle installation. Par contre, sous l'occupation, de par la situation stratégique de la ligne, les Allemands ont sérieusement envisagé de monter une seconde voie afin d'accélérer leurs propres acheminements. Ils ont d'abord créé une voie d'évitement au Roual. Cela permettait de faire croiser des trains entre Landerneau et Dirinon. En 1944, ils se décidèrent à poser la deuxième voie sur toute la section Landerneau-Dirinon. Ils n'ont eu le temps que de placer les traverses... l'arrivée des Américains ayant contrarié leurs projets. Par contre, craignant les bombardements sur Landerneau, pour sauvegarder leurs convois arrivant de Quimper et se dirigeant vers Brest, ils avaient créé un embranchement permettant aux trains de filer directement vers Morlaix sans entrer en gare de Landerneau. II s'avère que cette voie n'a jamais servi...

La ville de Brest étant régulièrement la cible de l'aviation anglaise, certains soirs, lorsque les informations laissaient prévoir un nouveau bombardement, il était décidé d'arrêter à Landerneau, l'express venant de Paris. Ceci avait pour but d'éviter de faire stationner, éventuellement sous les bombes, les belles voitures de la S.N.C.F Il s'opérait donc, à Landerneau, un transbordement de voyageurs dans des voitures à la limite de la réforme.

Les dégâts de la guerre

Les sabotages et les bombardements ont sérieusement endommagé les installations du chemin de fer français. Le parc roulant a aussi beaucoup souffert. Les chiffres qui suivent montrent bien le lourd tribut qu'ont payé les cheminots et la S.N.C.F à cette guerre.

- 809 cheminots exécutés,

- 1 157 morts en déportation,

- 7 000 morts à leur poste de travail,

- 16 000 blessés,

- 6 558 locomotives à vapeur détruites,

- 306 000 wagons inutilisables,

- 25 700 voitures à voyageurs hors d'usage,

- 2 603 ponts inférieurs à réparer ou à reconstruire,

- 70 souterrains détruits,

- 630 ponts supérieurs écroulés,

- 2 680 000 m2 de bâtiments à refaire entièrement,

- 77 dépôts de locomotives sur 144 gravement atteints,

- 25 gares de triage sur 400 ravagées,

- 19 grands ateliers sur 33 détruits,

Plaque commémorative

- 4 870 km de voies abîmées,

- 14 000 aiguillages détruits,

- 28 000 km de circuits téléphoniques détruits.

La gare de Landerneau n'a pas connu de bombardement destructeur. Ceci ne veut pas dire que le travail des cheminots s'y déroulait en tout tranquillité. En effet, au cours d'opérations militaires, trois d'entre eux ont trouvé la mort.

- M. LABBE Eugène, chauffeur. - M. MADEC Vincent, manoeuvre. - M. LE BRETON Pierre, ouvrier. En hommage à ces trois cheminots tués par fait de guerre sur leur lieu de travail, une plaque a été apposée dans la salle des pas perdus en gare.

De 1945 à nos jours

Les chiffres relatés à la fin du chapitre précédent montrent à quel point la guerre a mutilé la S.N.C.F Un gigantesque travail de reconstruction allait être entrepris dès la Libération. La durée du temps de travail des cheminots qui était de 40 heures hebdomadaires avant-guerre fut portée à 52 heures en 1945.

En cinq ans, grâce aux efforts considérables des cheminots, le chemin de fer était redevenu opérationnel comme avant guerre...

La France était à nouveau dotée d'un moyen de transport qui, une nouvelle fois, allait contribuer à un redémarrage de l'économie nationale.

La prospérité étant retrouvée, le pays allait continuer à s'équiper. Un vaste programme routier fut mis en chantier dès les années 1960, offrant ainsi aux transports par route la possibilité de se développer.

Cela s'est traduit peu à peu par une chute du trafic ferroviaire. La gare de Landerneau a aussi subi l'hémorragie. Au fur et à mesure que le nombre de wagons diminuait, les cheminots eux aussi disparaissaient. On estime à 100 environ le nombre d'agents en gare en 1955, tous services confondus. Aujourd'hui ils sont une quarantaine d'hommes et de femmes au service d'un moyen de transport vieux de 150 ans. 150 années durant lesquelles il n'a cessé d'évoluer, de s'améliorer. Le modernisme récemment intervenu, à savoir l'électrification de la ligne et la mise en service du TGV Atlantique, redonnera certainement un nouveau souffle au train. Il était nécessaire, mais il n'est pas une fin en soi. Les cheminots ont déjà commencé à améliorer ce train rapide et moderne. Dans quelques années il sera démodé à côté de ce qui sortira de l'imagination créative des hommes qui passent leur vie au service du chemin de fer.

L'aventure ferroviaire n'est pas finie. Elle vient de commencer... il y a 150 ans seulement.

LE TRAIN DEPARTEMENTAL

A l'intérieur du département du Finistère, de nombreuses régions, et les côtes en particulier, étaient tenues à l'écart du développement du Chemin de Fer.

Les autorités régionales décident de créer un ensemble de lignes départementales réparties entre deux entreprises :

- Les Chemins de Fer Départementaux du Finistère (C.F.D.F);

- Les Chemins de Fer Armoricains (C.F.A).

La ligne Landerneau-Brignogan faisait partie des C.F.D.F.

Création de la ligne

C'est au cours de la session d'août 1888 que le Conseil Général du Finistère décide la création des quatre première lignes : Brest-Ploudalmézeau, Brest-Lannilis, Douarnenez-Audierne, Landerneau-vers la mer.

Les tracés sont arrêtés au cours de la séance du 23 août 1889. La ligne au départ de Landerneau ira jusqu'à Plounéour-Trez, soit 28 km.

La ligne Landerneau-Brignogan 1894-1946

La gare de Landerneau

Le tronçon Landerneau-Plouénour-Trez (28 km) est inauguré le 11 juin 1894. Il sera prolongé jusqu'à Brignogan (soit 30 km au total) le 11 août 1901, pour permettre aux voyageurs de rejoindre directement les plages.

En gare de Landerneau, la Compagnie de l'Ouest, puis l'Etat, se chargent de toutes les exploitations, sauf de la traction, confiée au dépôt de Lesneven.

L'itinéraire

A Landerneau, on prend les billets à la gare de la Compagnie de l'Ouest, on sort sur le quai de la ligne de Brest, puis, en passant près du buffet, on gagne le quai du Chemin de Fer de Lesneven.

Au départ, le petit train longe la grande ligne vers l'Est, franchit le passage à niveau de l'Etoile sur la route de Lesneven, puis passe au-dessus de la ligne de Morlaix pour remonter vers le Nord. La voie suit la route de Plouédern, à droite, puis la traverse avant d'aborder la forte rampe de Runhuel, lieu de nombreuses anecdoctes, qui précède l'arrêt de Plouédern. On voit le clocher, mais il faut marcher pour l'atteindre.

Itinéraire du train départemental

Deuxième arrêt, Trémaouézan. Halte plus importante. Une double voie permet aux trains de se croiser. Le Café de la Gare est aussi la demeure de "la" chef de gare.

En quittant cet arrêt, le train file dans la grande zone plate de Langazel, et c'est ici qu'il peut mettre "plein gaz", pour aller jusqu'à 50 km/h !

A Ploudaniel, nouveau passage à niveau dangereux juste avant la gare. Un quai, avec une grosse bascule, permet l'embarquement des marchandises.

En route vers Le Folgoët, après avoir traversé le bois de Kerno. On voit la basilique, mais la halte de l'Hippodrome est à 1 km à l'Est.

Juste avant Lesneven, on rejoint la ligne venant de Brest. Ici, la gare est un noeud de communication important du Chemin de Fer : - Vers Brest (inaugurée le 14 février 1904);

- Vers Plouescat (inaugurée le 11 juillet 1904) et Saint-Pol-de-Léon (inaugurée le 1er juillet 1907).

Le trafic est intense, surtout les lundis, à cause du marché.

Les ateliers et dépôts peuvent accueillir jusqu'à 9 machines. Les locomotives de réserve sont tenues sous pression, car les CARPET 30 Tonnes sont longues à chauffer.

En quittant Lesneven vers l'Est, le train s'en va vers Plouider. La gare est à un niveau plus bas que le bourg car la côte de Lancelin est dure et les roues patinent souvent. Tandis qu'un embranchement permet de continuer vers Plouescat et Saint-Pol-de-Léon, le train de Brignogan pique plein Nord pour rejoindre la gare de Goulven. On y embarquait du maërl ou "traëz" mais l'extraction du sable sera limitée dès 1917, pour protéger la voie ferrée.

Brignogan, arrêt aux plages

Ensuite, coup d'oeil unique pour longer la baie, au ras de l'eau, avant d'atteindre Plounéour-Trez. Un quai y est aménagé pour le goémon, et des voies spéciales permettent de charger les wagons directement chez les primeuristes. Monsieur Mazé avait sa voie personnelle pour les légumes, surtout les oignons et les pommes de terre.

Le nom de "petit train patates" lui vient peut-être de là, comme dans le Sud-Finistère on parlait du "train carottes", du "train birinik" ou du "train youtar" (mangeur de bouillie).

Encore une traversée de route dangereuse (D.770) et à travers 2 km de champs nous voici à Brignogan-Plages, terminus de la ligne. Grande place, petite maison-gare et plaque tournante. On tourne la locomotive à la main pour repartir dans l'autre sens. Tout le long du parcours, des omnibus à chevaux attendent les voyageurs pour les déposer dans les hôtels ou aux bourgades voisines. Plus tard viendront les véhicules à pétrole, puis les autobus.

Le matériel

La traction à vapeur

La première locomotive reçue fût une curieuse machine à chaudière verticale, construite par Léon Bollée au Mans, portant les plaques "C.F.D.F 1892 - Brest n° 1". Elle disparût rapidement !

Toutes les autres machines livrées seront des CARPET (principal constructeur français pour voies étroites), modèle 030T, d'un poids moyen 16 à 17 t à vide, 19 t à pleine charge. Le réseau C.RD.F en reçut 29 de 1893 à 1912.

Les voitures

Elles provenaient des ateliers du Nord de la France. Le principal modèle en service sur la ligne Landerneau-Brignogan comportait 35 places en 2nde classe, 7 places en 1ere classe et 8 debout, sur la plateforme à l'air libre.

Les wagons marchandises à 2 essieux pouvaient transporter 10 t.

Des wagons tombereaux et des wagons plats complétaient le parc de la C.F.D.F qui atteint 210 wagons en 1922.

Les autorails

11 automotrices GMC à essence circulèrent sur le réseau. La première fût expérimentée le 5 septembre 1922 à Plouescat. Elles étaient réalisées sur des châssis de camion 2 t américains, achetés aux surplus. La moyenne de leur parcours journalier était de 40 à 60 km. Après 1923, elles reçurent des remorques à passagers et bagages.

Plus rapides que les trains, mais avec seulement 24 places assises (jusqu'à 40 en surcharge), elles furent mises en service sur la ligne en 1927.

Leur avertisseur était une cloche fixée sur le capot avant, elle sera remplacée par un sifflet à air comprimé.

Evolution de l'exploitation

Vers 1900, le trajet Landerneau-Plounéour coûtait 2,15 F en 1ere classe et 1,45 F en 2nde classe.

En 1913, selon le moment de la journée, le trajet total durait 1 h 30 mn à.1 h 45 mn, et ceci 4 fois par jour.

A partir de 1927, le trajet en automotrice était ramené à 1 h 10 mn.

L'entre-deux-guerres

A partir de 1931, des lignes privées d'autocars se créent. Ces cars sont modernes, rapides et confortables. Les cars Falhun, Bénéat, ou Bihan transportent les voyageurs de Brignogan à Landerneau en une heure et les déposent à leur porte, ou presque.

Dès 1935, pour raison de déficit, de nombreuses lignes des réseaux C.F.D.F et C.F.A. ferment, les rails sont déposés. La ligne Landerneau-Brignogan échappe pour quelques années à cette fermeture.

Pour relancer le train, la C.F.D.F décide de créer les trains de plaisirs : pendant l'été 1935, des trains spéciaux transporteront les estivants de Landerneau vers la mer, tous les dimanches.

A cause du déficit croissant, la C.F.D.F décide de transférer une partie de son trafic sur la route. Alors, pendant quelque temps les cheminots de Landerneau vendront des billets de... car !

Mais le coût de la ligne étant devenu trop important, la fermeture intervient le 28 février 1939.

Le parcours comportait deux grosses difficultés : la célèbre côte de Runhuel, près de Plouédern et celle de Lancelin, près de Plouider. Quand la voie était humide, le train patinait. Alors il n'était pas rare de voir le train reculer pour prendre un nouvel élan. Dans ces côtes, la vitesse était si réduite que les voyageurs pouvaient descendre des wagons pour alléger le convoi, et parfois aussi l'aider en poussant. D'autres allaient cueillir des fleurs et rattrapaient le convoi en courant.

A cause de la voie étroite et des rails au ras du sol, les déraillements étaient fréquents. Et les mécaniciens avec leurs crics à crémaillère avaient fort à faire pour tourner la manivelle et remettre le matériel sur les rails.

La relance de la ligne en 1941

Dès le début de la guerre 39/45, le rationnement du carburant et la raréfaction des moyens de transport vont redonner une deuxième jeunesse au petit train. Heureusement que, contrairement à d'autres lignes de la C.F.D.F, les rails n'ont pas été déposés.

Dès juillet 1941, avec des moyens réduits, la ligne est réouverte, essentiellement pour le transport du personnel de l'arsenal de Brest que les bombardements ont conduit à se loger à la campagne.

La ligne sera aussi requise par l'occupant et l'organisation TODT pour transporter marchandises et matériels vers les côtes Nord, pour l'édification du mur de l'Atlantique.

Durant cette période, l'extraction de la tourbe est importante à Langazel-Trémaouézan. Une voie Decauville est installée sur le site et permettra de charger les wagons-tombereaux pour expédier cette tourbe qui servira, entre autre, au chauffage de l'hôpital Morvan à Brest.

En juillet 1941, 9 locomotives à vapeur et un parc de wagons assez disparates reprennent du service. Les travaux d'entretien seront effectués par l'arsenal de Brest et les ateliers Dubigeon.

Le déclin

Avec la fin des hostilités revient la liberté sur les carburants et la concurrence rail-route reprend.

Depuis la fermeture de la ligne en 1939, le matériel et la voie n'ont reçu qu'un minimum d'entretien pendant la guerre. Les locomotives sont bricolées avec des pièces de différents modèles.

Devant l'état déplorable de la voie, la réfection coûteuse et sa non-rentabilité, la ligne sera fermée, définitivement cette fois, le 6 octobre 1946.

Tout le matériel, en mauvais état, sera dispersé vers d'autres réseaux ou vendu aux enchères en gare de Landerneau, en 1947.

Les rails seront déposés. On retrouve par endroit l'emplacement du "petit train patates", en particulier à Langazel où l'emplacement des voies sert de chemin de randonnée.

Avec la disparition des petites lignes de chemin de fer, une page est tournée. En dehors des grands axes, la route a triomphé du rail. Mais en 50 ans d'existence, le "petit train patates" a transporté de nombreux voyageurs qui en gardent encore aujourd'hui un excellent souvenir. Il laisse derrière lui bien des regrets et une certaine nostalgie. En ce temps-là, l'ambiance et le pittoresque étaient plus importants que la vitesse et le confort. C'est ce qui faisait le charme de ce petit train.

Anecdotes

La première victime du train à Landerneau fut un chien. La pauvre bête a traversé la voie ferrée alors que survenait un train en provenance de Quimper.

Pour marquer l'événement le P.O fit sculpter un chien en granit. Il fut déposé sur les lieux mêmes de l'accident dans le lit d'un petit ruisseau, de telle sorte que pendant plus de 100 ans ce chien dont le corps était creux a vomi de l'eau le long de la voie, telle une gargouille.

Lorsque des travaux d'assainissement ont été effectués à cet endroit-là en 1969, le chien a été ramassé en gare. En 1987, un personnage indélicat s'est approprié l'animal. Souhaitons qu'il revienne un jour, car lui aussi fait partie de l'histoire du chemin de fer à Landerneau.

Déraillement

Les cheminots disent souvent : "Tant que les trains rouleront, il y aura des déraillements."

Il est certain que la moindre inattention d'un aiguilleur, d'un mécanicien ou alors une petite anomalie dans la voie peuvent être à l'origine d'une sortie des rails. En gare de Landerneau comme ailleurs, ce genre d'incidents est souvent arrivé... et arrivera encore. Fort heureusement ces déraillements ont toujours été bénins sauf peut-être le 2 janvier 1965. Ce jour-là, à 21 heures une locomotive (la 141 R 1317) et son tender se sont couchés dans un jardin en contre-bas de la ligne à la sortie de la gare, côté Brest.

Un train de marchandises se dirigeant vers Brest a été, par erreur, aiguillé sur une voie en cul-de-sac. Dans la nuit, le mécanicien et le chauffeur, occupés à la mise en marche de leur train ne se sont pas aperçus qu'ils empruntaient une mauvaise voie. Le heurtoir n'a pas résisté à la masse du convoi qui ne roulait qu'à 25 km/h.

Après le choc, le mécanicien n'a eu que le temps de fermer l'arrivée de mazout avant que la machine s'immobilise sur son flanc gauche dix mètres plus bas.

Il a fallu deux jours de travail et le concours d'une grue venue de Lyon pour sortir cet engin de 150 tonnes de sa fâcheuse posture.

Si les dégâts matériels étaient très importants, l'équipe de conduite s'en est tirée sans brûlure et égratignure.


De tous temps le passage à niveau de l'Etoile a été un point noir en ville de Landerneau. En 1867, deux ans après l'ouverture de la ligne, le Maire demandait à la police de faire un rapport sur les nuisances causées par ce P .N. sur la circulation en ville.

Voici ce qu'écrivait le commissaire de police le 24 novembre 1867 :

Monsieur le Maire, J'ai l'honneur de porter à votre connaissance, qu'il résulte d'une enquête à laquelle je me suis livré aujourd'hui, que samedi dernier, 21 de ce mois, à 4 heures et demie du soir, alors que les deux trains de Châteaulin et de Brest étaient en gare et faisaient leurs manceuvres, les barrières du passage à niveau étant fermées, bêtes et voitures quittant cette ville pour rejoindre leur domicile, ont été retenues assez longtemps dans l'espace restreint par les limites de la route impériale n° 170 et la rue des Capucins, continuation de celle de la Fontaine Blanche. Il y avait là une agglomération de plus de 600 personnes avec taureaux, vaches, veaux, jeunes poulains, porcs et 150 voitures au moins avec leurs attelages.

Un mouvement de poussée d'abord insignifiant mais qui a acquis une force irrésistible par la transmission, a forcé la barrière et, bêtes, gens et voitures se sont précipités sur la voie, s'y répendant à droite et à gauche pour éviter les accidents avec d'autant plus de motifs que l'irruption rencontrait les voitures et les voyageurs venant de Lesneven pour Landerneau, à la barrière opposée.

Je dois cependant ajouter que malgré la gravité du danger occasionné par le fait que je viens de signaler aucun accident n'est arrivé.

Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Maire, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux.'

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