Domaines
Communes
Quartiers de Brest
Espaces de noms

Variantes
Actions
De Wiki-Brest

Brest, Port transatlantique ? : Différence entre versions

(Page créée avec « '''De par sa situation, Brest aurait du jouer un grand rôle dans le trafic de passagers entre la France et New York. Il y a bien eu des tentatives, mais elles ont échou... »)
 
m (Date retour du Great Eastern)
 
(18 révisions intermédiaires par 2 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
'''De par sa situation, Brest aurait du jouer un grand rôle dans le trafic de passagers entre la France et New York. Il y a bien eu des tentatives, mais elles ont échoué. Pourquoi ?'''
+
'''De par sa situation, Brest aurait jouer un grand rôle dans le trafic de passagers entre la France et New York. Il y a bien eu des tentatives, mais elles ont échoué. Pourquoi ?'''
  
 
==La concurrence du Havre==  
 
==La concurrence du Havre==  
La première ligne régulière transatlantique entre la France et l'Amérique a été établie par des marchands américains en 1822. Ils choisissent Le Havre comme port sur le Vieux continent. Très certainement, car c'est le port le plus proche de Paris (qui plus est, avec une bonne desserte fluviale)
+
La première ligne régulière transatlantique entre la France et l'Amérique a été établie par des marchands américains en 1822. Ils choisissent Le Havre comme tête de ligne sur le Vieux continent. Très certainement, car c'est le port le plus proche de Paris (qui plus est, avec une bonne desserte fluviale).
Dix ans plus tard, c'est une flotte américaine de 16 paquebots à voiles qui assure 3 à 4 traversées mensuelles. En juillet 1840, le gouvernement français décide de briser ce monopole américain en autorisant la création d'une ligne française vers New York avec des bateaux à vapeur au départ du Havre. Mais il faudra attendre 1864 pour que le projet se concrétise vraiment. Toujours localisé au Havre, mais avec une escale à Brest. Voir l'histoire de cette escale ci-dessous point 3. Entre-temps, depuis 1847, la mise en service de la ligne de chemin de fer Paris – Le Havre a donné à ce port un sérieux avantage sur Brest <ref>Les paquebots du Havre à New York (1814-1848) : article de Pierre Derolin dans les Annuaires de l'Ecole Pratique des hautes études – Année 1978 – Page 1295</ref>.
+
Dix ans plus tard, c'est une flotte américaine de 16 paquebots à voiles qui assure 3 à 4 traversées mensuelles. En juillet 1840, le gouvernement français décide de briser ce monopole américain en autorisant la création d'une ligne française vers New York avec des bateaux à vapeur au départ du Havre<ref>Les paquebots du Havre à New York (1814-1848) : article de Pierre Derolin dans les Annuaires de l'Ecole Pratique des hautes études – Année 1978 – Page 1295</ref>. Mais il faudra attendre 1864 pour que le projet se concrétise vraiment (construction des navires, défaillance du 1er concessionnaire, ...).  
  
Mais cette suprématie du Havre a été maintes fois contestée par les brestois. D'abord avec une tentative - malheureuse - de création d'une ligne New York Brest en 1867 (voir ci-dessous chapitre 4). Et avec la rédaction de nombreux dossiers en faveur de Brest (une synthèse figure au chapitre 2)
+
Entre-temps, les travaux du Port-Napoléon dans l'[[Anse de Porstrein|anse de Porstrein]] (l'actuel port de commerce de Brest) ont démarré, ainsi que ceux de la ligne de chemin de fer Paris-Brest. Désormais, Brest dispose d'atouts pour concurrencer Le Havre. Aussi, sur l'impulsion du comte de Tromelin, député de Morlaix, le gouvernement de Napoléon III vote le 3 juillet 1861 une loi imposant que la future ligne Le Havre - New York fasse escale à Brest <ref>Revue d'histoire des chemins de fer (2008 / 38)- Article de Christophe Le Bollan -L'arrivée à Brest</ref>. Et non à Cherbourg comme initialement prévu. Victoire de courte durée pour les brestois.
 +
En 1875, Le Havre obtient en effet la suppression de cette escale.
 +
Voir son histoire au chapitre 3.
  
Les premiers rapports sont rédigés en … par … ''(à développer)''
+
Mais Brest n'abdique pas.
  
Pichon ?, à peine élu député en 1897, dépose une « proposition de loi ayant pour objet la mise en adjudication du service maritime postal entre la France et New York », monopole alors du Havre, mais dont la concession arrive à échéance en 1898. (13)
+
Il y aura une tentative - malheureuse - de création d'une ligne privée New York – Brest en 1867 (voir ci-dessous [[#Great-Eastern|le chapitre 4]]).
  
Le rêve transatlantique continue avec le comité « Brest-Transatlantique » de 1907, auquel le sénateur  Vice Amiral de Curville apporte son soutien. L'enjeu est identique : le renouvellement de la convention postale (prévue en 1911) <ref>Le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40</ref>.  
+
La construction de la forme de radoub n°1 (entre 1903 et 1912) est principalement motivée par l'espoir de traiter les grands navires transatlantiques <ref>Site web [https://www.bretagne.bzh/upload/docs/application/pdf/2015-05/150_ans_de_developpement.pdf Région Bretagne]</ref> et l'installation en 1912 de cloches sous-marines à l'entrée de la rade de Brest vise à guider les navires par temps de brume (principal danger reproché à Brest).
  
La mise en service de la forme de radoub n°1 en 1913 est principalement motivée par l'espoir de traiter les grands navires transatlantiques (12) et l'installation en 1912 de cloches sous-marines à l'entrée de la rade de Brest vise à guider les navires par temps de brume (principal danger reproché à Brest).
+
Plusieurs rapports viennent appuyer les ambitions brestoises (une synthèse des avantages du port de Brest figure au chapitre 2). Et de nombreuses personnalités vont intervenir en sa faveur. Entre autres :
  
Claude Casimir-Périer, fils de l'ancien président de la République, est le dernier grand défenseur du port brestois face à son concurrent havrais. Pour répondre aux déclarations des parlementaires qui dénoncent les « illusions brestoises », il publie en 1914 un ouvrage conséquent (600 pages), « Brest, port transatlantique : projet de réorganisation des services maritimes et des chemins de fer français » (chez Hachette). Il espère ainsi montrer les capacités du port brestois (11). Sans suite.
+
- Louis Pichon, maire de Tréflez, à peine élu député en 1897, dépose une « proposition de loi ayant pour objet la mise en adjudication du service maritime postal entre la France et New York », monopole alors du Havre, mais dont la concession arrive à échéance en 1898 <ref>Les Cahiers de l'Iroise no 223</ref>.
  
La 1ère guerre mondiale leur a indirectement donné raison. En effet, entre 1917 et 1919, Brest a montré sa capacité à accueillir les plus gros paquebots du monde. Rien qu'en 8 mois, à la fin de la guerre, 773 355 soldats américains embarquèrent pour regagner leur patrie (plus de 3000 par jour avec des pointes à ???). Le Havre n'a jamais connu un tel trafic passagers !
+
- Le rêve transatlantique continue avec le comité « Brest-Transatlantique » de 1907, auquel le sénateur Vice Amiral de Cuverville apporte son soutien. Toujours le même enjeu : le renouvellement de la convention postale (prévue en 1911) <ref>Le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40</ref>. Ce comité publie un rapport très détaillé de 52 pages largement diffusé <ref>Le rapport du Comité Brest-Transatlantique est accessible [http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_128/Brest_Transatlantique_.pdf en ligne]</ref>.
  
A noter que Brest fut aussi en concurrence avec Cherbourg pour les traversées transatlantiques. En effet, en 1913, 6 grandes compagnies étrangères fréquentent Cherbourg. La compagnie anglaise Cunard en fait une escale de sa ligne Southampton – New York jusqu'en 1994. Cherbourg devint même le principal port d'immigration du Continent dans les années 1922- 1925.
+
- En mars 1909, Y.M. Goblet, un professeur parisien, rédige un long article intitulé "Brest, tête de ligne des courriers transatlantiques" <ref>[http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_4cle_5jonathancle_6/cle_7_economie_agriculture/Brest_tete_de_ligne_des_transatlantiques_.pdf Le rapport de Y.M. Goblet est également accessible]</ref>. Il conclut par : "c'est une question d'intérêt national".
 +
 
 +
- Claude Casimir-Périer, fils de l'ancien président de la République, est le dernier grand défenseur du port brestois face à son concurrent havrais. Pour répondre aux déclarations des parlementaires qui dénoncent les « illusions brestoises », il publie en 1914 un ouvrage conséquent (600 pages), « Brest, port transatlantique : projet de réorganisation des services maritimes et des chemins de fer français » (chez Hachette)<ref>Ouest France le 24/05/2014</ref>.
 +
 
 +
- Notons enfin, le commandant Jacques Levainville (1869 – 1932), historien, militaire, homme d'affaires. Il fut un membre actif de la société normande de géographie. Mais malgré ces liens avec la Normandie, il apporte lui aussi sa contribution en faveur de Brest, dans le no 153 des Annales de Géographie de 1919. <ref>[https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1919_num_28_153_9323 Texte de sa contribution en ligne p208-225]</ref>
 +
 
 +
Tout ceci malheureusement sans résultat.
 +
 
 +
La 1ère guerre mondiale leur a pourtant (indirectement) donné raison. En effet, entre 1917 et 1919, Brest a montré sa capacité à accueillir les plus gros paquebots du monde. Rien qu'en 8 mois, à la fin de la guerre, 773 355 soldats américains embarquèrent pour regagner leur patrie (plus de 3000 par jour) <ref>Source à retrouver</ref>. Le Havre n'a jamais connu un tel trafic passagers !
 +
 
 +
A noter que Brest fut aussi en concurrence avec Cherbourg pour les traversées transatlantiques. Ainsi, en 1913, 6 grandes compagnies étrangères fréquentent Cherbourg. La compagnie anglaise Cunard en fait une escale de sa ligne Southampton – New York jusqu'en 1994. Cherbourg devint même le principal port d'émigration du Continent dans les années 1922- 1925.
  
 
==Les atouts de Brest==
 
==Les atouts de Brest==
  
''Ce chapitre est à développer à partir des nombreux rapports rédigés entre 1850 et 1910 ''
+
''Chapitre développé à partir des rapports cités ci-dessus rédigés entre 1890 et 1920 ''
  
 +
1 - '''Sa position géographique''' :
  
 +
[[Fichier:Les ports transatlantiques en Manche.png|thumb|Brest est géographiquement le port le mieux placé sur le trajet Paris - New York]]
 +
Brest est le port continental européen le plus proche de New York (à égalité avec Lisbonne). Or pour le transport de passagers, le temps du voyage est primordial. En prenant pour base une vitesse moyenne de 17 nœuds, on économise 20 h par rapport au Havre. Mais il faut déduire 7 heures de parcours supplémentaire pour se rendre par train jusqu'à Paris. Soit un gain de 13h en faveur du port breton.
 +
Cet argument est encore plus sensible pour le transport du courrier.
 +
En revanche, pour le transport de marchandises, la vitesse compte moins, et Le Havre bénéficie d'un accès sur Paris (moindre distance, la Seine) et sur le reste de l'Europe plus favorable que Brest.
 +
 +
2- '''Sa rade''' :
 +
 +
Sa grande superficie et sa profondeur la rendent accessibles toute l'année, à toute heure, par toute marée, aux plus grands paquebots, et ceux-ci, même en grand nombre.
 +
Il s'agit d'une vaste baie abritée en eau profonde, bien défendue. Contrairement au mouillage du Havre où « les instructions nautiques officielles recommandent d’appareiller au premier indice de mauvais temps ».
 +
 +
3 - '''Son accès''' :
 +
 +
La difficulté d'atterrissage est un grief souvent fait au port de Brest. Il faut bien viser l'entrée du Goulet, ce qui n'est pas facile par temps de brume. Mais :
 +
 +
- les progrès dans le balisage (phares, bouées, signaux avertisseurs), les cartes marines et les systèmes de positionnement, ont considérablement renforcé la sécurité de navigation. Et les cloches sous-marines en plein développement vont rendre la navigation parfaitement sûre : elles émettent des ondes sonores dans l'eau, en permettant une bien meilleure localisation que les ondes sonores aériennes des bouées.
 +
 +
– la topographie des fonds au large d'Ouessant présente des particularités telles qu'avec des sondes régulières, même sans aucune visibilité, on peut trouver l'entrée du Goulet (alors que la plupart des autres ports sont soit à proximité de très grands fonds, soit précédés de fonds plats, rendant cette technique de guidage inopérante).
 +
 +
De toute façon, la brume ne serait pas plus fréquente à Brest qu'à Liverpool, Le Havre, Hambourg. Et statistiquement, elle ne gênerait un transatlantique que lors de 6 voyages sur 100. Par ailleurs, la navigation en Manche présente elle aussi ses dangers : outre la brume très fréquente, il y a un trafic important.
 +
 +
Autres avantages présentés par le port de Brest :
 +
 +
- Un bateau peut maintenir sa pleine vitesse jusqu'à bon port ! (même quand il passe au large d'Ouessant ou traverse le Goulet).
 +
 +
- les cartes marines y sont très fiables, car on n'y signale aucun banc de sable instable.
 +
 +
4 - '''Sa disponibilité''' :
 +
 +
La grande majorité des ports de commerce ont leur accès commandé par la marée. A Brest, quels que soient l'heure et le tonnage du navire, ce dernier peut se présenter. Gain de temps, il n'y a aucun franchissement d'écluse.
 +
Brest a pu mettre en avant qu'il était le seul port français pouvant proposer des départs à heure fixe. Ici, contrairement au Havre, les horaires des trains transatlantiques ne sont pas adaptés en fonction de la marée.
 +
 +
5 - '''Ses équipements''' :
 +
 +
Des quais accessibles à des navires de 10-11m  de tirant d'eau, « avec des dépenses de dragage relativement minimes pour permettre aux plus importants steamers de s'amarrer bord au quai ».
 +
 +
Une forme de radoub de 220 m, la plus grande de France, pouvant accueillir pour réparation tout paquebot.
 +
 +
Une zone portuaire importante (40 hectares) avec un raccordement au réseau ferré.
 +
 +
Et une sécurité accrue par la présence de la Marine Nationale. Marine qui assure en outre une main d'oeuvre qualifiée quand les marins d'Etat partent à la retraite.
  
  
 
==Brest, escale de la « Transat » vers New York==
 
==Brest, escale de la « Transat » vers New York==
 
La Transat, de son vrai nom, la Compagnie Générale Transatlantique, est créé en 1855. Elle obtient du gouvernement français la concession de plusieurs lignes transatlantiques, dont un Le Havre - New York.
 
  
Le Washington, un vapeur de 105 m de long propulsé par des roues à aubes, entame sa croisière inaugurale le 15 juin 1864 et ouvre la liaison entre Le Havre et New York en 13 jours et demi, avec une escale de 24 heures à Brest (22)
+
La Transat, de son vrai nom, la {{w|Compagnie Générale Transatlantique}}, est créée en 1855. Elle obtient du gouvernement français la concession de plusieurs lignes transatlantiques, dont une, Le Havre - New York.
 +
 
 +
[[File:SS Washington c. 1864-1868.jpg|thumb|Le SS Washington]] Le ''Washington'', un vapeur de 105 m de long propulsé par des roues à aubes, entame sa croisière inaugurale le 15 juin 1864 et ouvre la liaison entre Le Havre et New York en 13 jours et demi, avec une escale de 24 heures à Brest.
  
D'autres paquebots de la Transat feront escale à Brest : Le Lafayette, L'Europe, Le France (déjà!), Le Pereire, Le Ville du Havre, Le Ville de Paris, Le Panama, Le Saint Laurent, L'Amérique. (25)
+
Mais l'inauguration officielle de l'escale brestoise a lieu le 2 juin 1865 avec ''Le Lafayette'' -, moins de 2 mois après l'arrivée des premiers trains à Brest -. Apparemment dans l'indifférence de la population brestoise <ref>Livre de Y Le Gallo : Histoire de Brest</ref>
  
Brest était à l'origine prévu comme une escale postale (le mot « paquebot » ne vient-il pas de l'anglais « packet-boat », l'équivalent de la « malle poste » sur terre ). Objectif de cette escale : accélérer la transmission de courriers entre Paris et les Etats-Unis. (24). En effet, Brest est relié à Paris par le télégraphe de Chappe depuis 1798, ce qui procure un gain d'au moins 12h par rapport au Havre.
+
D'autres paquebots de la Transat feront escale à Brest : ''L'Europe'', ''Le France'' (déjà !), ''Le Pereire'', ''Le Ville du Havre'', ''Le Ville de Paris'', ''Le Panama'', ''Le Saint Laurent'', ''L'Amérique''. <ref>Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)</ref>
  
Cette escale rencontre aussi un certain succès auprès des passagers, puisque de 1865 à 1872, on note le débarquement de 10 208 personnes à Brest, contre 13 265 au Havre (21).  
+
Brest était à l'origine prévu comme une escale postale (le mot « paquebot » ne vient-il pas de l'anglais « packet-boat », l'équivalent de la « malle poste » sur terre ). Objectif de cette escale : accélérer la transmission de courriers entre Paris et les Etats-Unis. <ref>Site web herodote.net</ref>. En effet, Brest est relié à Paris par le {{w|Télégraphe_Chappe}} (communication par signaux visuels), ce qui procure un gain d'au moins 12h par rapport au Havre dans la transmission des dépêches.
  
En effet, le train est arrivé jusqu'à Brest en avril 1865. Problème : le trajet Paris-Brest est alors très inconfortable. Et surtout très long (16h40 pour les premiers trains) (25), beaucoup plus long que le trajet Paris - Le Havre. La gare maritime prévue n'a jamais été construite, et les quais, pourtant envisagé dès 1857 pour les paquebots, n'ont été aménagés que bien plus tard (1917 ?). Ceci nécessite donc un transbordement en rade.  
+
Cette escale rencontre aussi un certain succès auprès des passagers, puisque de 1865 à 1872, on note le débarquement de 10 208 personnes à Brest, contre 13 265 au Havre <ref>Revue Economique Internationale Mars 1909 page 20</ref>. Problème : le trajet Paris-Brest est alors très inconfortable. Et surtout très long (16h40 pour les premiers trains !) <ref>Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)</ref>, beaucoup plus long que le trajet Paris - Le Havre. La gare maritime prévue n'a jamais été construite, et les quais, pourtant envisagé dès 1857 pour les paquebots, n'ont été accessibles que bien plus tard ''(1917 ?)''. Ceci nécessite donc un transbordement en rade.  
  
En outre, les tarifs ne sont pas attractifs. Malgré 2 nuits en moins à bord, un Paris – New York via Le Havre ou via Brest coûtent le même prix. (1)
+
En outre, les tarifs ne sont pas attractifs. Malgré 2 nuits en moins à bord, un Paris – New York via Le Havre ou via Brest coûte le même prix <ref>Les tarifs détaillés figurent dans le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40</ref>.
  
Pour les passagers havrais, cette escale allonge la durée du voyage. Et contrairement aux espoirs brestois, il n'y a quasiment aucun fret. Enfin, le succès des transmissions par câbles télégraphiques transatlantiques (opérationnels en 1866) a réduit son intérêt pour les courriers postaux.
+
Pour les passagers havrais, cette escale allonge la durée du voyage. Et contrairement aux espoirs brestois, il n'y a quasiment aucun fret. Enfin, le succès des transmissions par câbles télégraphiques transatlantiques (opérationnels dès 1866) a réduit son intérêt pour les courriers postaux.
  
Aussi, après 10 ans de fonctionnement, la CGT demande la fermeture de l'escale brestoise. Le 31 octobre 1874, une dépêche ministérielle autorise l'annulation de l'escale brestoise peu rentable (23)
+
Aussi, après 10 ans de fonctionnement, la Transat demande l'annulation de l'escale brestoise. Le 31 octobre 1874, une dépêche ministérielle autorise sa fermeture pour manque de rentabilité<ref>Brest en 100 dates – Edition Alan Sutton – page 60</ref>
  
Pour répondre à la concurrence, la Transat aurait également ouvert une ligne Southampton – Brest – New York. Le 6 janvier 1871, le Pereire l'inaugure. Mais 2 ans plus tard, l'escale de Brest est remplacée par Plymouth, dont les accès sont jugés moins dangereux. (idem 25)
+
NB : Pour répondre à la concurrence anglaise, la Transat aurait également ouvert une ligne Southampton – Brest – New York. Le 6 janvier 1871, ''le Pereire'' l'inaugure. Mais 2 ans plus tard, l'escale de Brest est remplacée par Plymouth, dont les accès sont jugés moins dangereux <ref>Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)</ref>.
  
  
 
==Brest, tête de ligne … pour une unique traversée==  
 
==Brest, tête de ligne … pour une unique traversée==  
 
+
{{Ancre|Great-Eastern}}
En 1866, le conseil municipal de Brest, sous l'impulsion du maire, Joseph Marie De Kerros, et la chambre de commerce décident de devenir actionnaire (3) de la « Société des Affréteurs du Great Eastern » avec pour objectif, la création d'une ligne Brest – New York. L'année suivante doit en effet se tenir à Paris l'Exposition Universelle. C'est l'occasion de proposer aux visiteurs américains une ligne rapide entre New York et Paris, via Brest.  
+
En 1866, le conseil municipal de Brest, sous l'impulsion du maire, Joseph Marie de Kerros, et la chambre de commerce décident de devenir actionnaire de la « Société des Affréteurs du Great Eastern ». Ils prennent une part conséquente du capital et obtiennent en échange que Brest soit le port d'attache de ce navire <ref>Livre de Y Le Gallo : Histoire de Brest</ref>. Objectif, la création d'une ligne Brest – New York. L'année suivante doit en effet se tenir à Paris l'Exposition Universelle. C'est l'occasion de proposer aux visiteurs américains une ligne rapide entre New York et Paris, via Brest.  
  
 
[[Image:Affiche_pour_la_ligne_transatlantique_Brest_New_York_en_1867.jpg|center|500px]]
 
[[Image:Affiche_pour_la_ligne_transatlantique_Brest_New_York_en_1867.jpg|center|500px]]
  
 +
Le {{w|SS_Great_Eastern}}, 211 mètres de long, est le plus gros navire de l'époque (et le restera jusqu'en 1901). Précédemment utilisé pour mouiller des câbles sous-marins, il est coûteusement reconverti à Liverpool en paquebot, sa vocation initiale. De nouvelles chaudières, 3000 lits, plusieurs salles à manger sont aménagés. Le 26 mars 1867 (mauvais signe, le bateau est déjà en retard par rapport aux billets vendus !), ce « géant des mers » entreprend sa traversée inaugurale de Liverpool vers New York.
  
Le Great Estern, 211 mètres de long, est le plus gros navire de l'époque (et le restera jusqu'en 1901). Précédemment utilisé pour mouiller des câbles sous-marins, il est coûteusement reconverti en paquebot à Liverpool. 3000 lits, plusieurs salles à manger, une nouvelle machinerie (hélice ?) sont aménagés. Le 26 mars 1867 (mauvais signe, il est déjà en retard par rapport aux billets vendus !), ce « géant des mers » entreprend sa traversée inaugurale de Liverpool vers New York.
+
Puis retour sur Brest où, après 12 jours de traversée, il mouille en rade le 29 avril 1867.
Puis retour sur Brest où il mouille en rade le 27 ou 29 ??? avril 1867. Contrairement à l'annonce de l'affiche ci dessus, il n'en repartira pas pour New York.
 
C'est en effet un fiasco financier et l'unique traversée pour la Société. Alors qu'il peut accueillir 4000 passagers, il n'en débarque que 193. Peu satisfaits de leur voyage : le bateau n'est pas confortable (il roule trop) et pas spécialement rapide (bien qu'un des premiers à être équipé d'une hélice, c'est encore un bateau à roue).
 
 
 
Parmi ces rares passagers, un certain Jules Verne, invité de l’affréteur. Impressionné par la taille du Great Eastern, il en fera le héros de son livre « La Ville Flottante » (1871).
 
  
 +
Contrairement au texte de l'affiche ci dessus, il n'en repartira pas pour New York !
  
 +
C'est en effet un fiasco financier (et la faillite de la Société). Alors qu'il peut accueillir 4000 passagers, il n'en débarque que 193. Peu satisfaits de leur voyage : le bateau n'est pas confortable (il roule trop) et pas spécialement rapide (bien qu'un des premiers à être équipé d'une hélice, c'est encore un bateau à roue).
  
Sources
+
Parmi ces rares passagers, un certain Jules Verne, invité de l’affréteur. Impressionné par la taille du ''Great Eastern'', il en fera le héros de son livre « La Ville Flottante » (1871). <ref>Le livre de Jules Verne est [https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Verne-flottante.pdf en ligne], libre de droits, dans la Bibliothèque Electronique du Quebec</ref>
***(1) Le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40
 
(3) Ils prennent la moitié des parts de la Société et obtiennent en échange que Brest soit le port d'attache du Great eastern ( livre de Y Le Gallo)
 
  
(11) Ouest France le 24/05/2014
+
Ce sera l'unique traversée New York - Brest, et le navire reprendra son activité de pose de câbles transocéaniques.
(12) Site Région Bretagne https://www.bretagne.bzh/upload/docs/application/pdf/2015-05/150_ans_de_developpement.pdf
 
(13) Les Cahiers de l'Iroise no 223
 
(21)
 
  
(23) Brest en 100 dates – Edition Alan Sutton – page 60
+
Une anecdote citée par Jules Verne illustre la difficulté à cette époque de bien "atterrir" sur Brest : un pilote de l’île de Molène a embarqué à Liverpool et a fait les 2 traversées de l'Atlantique pour guider le navire dans ses derniers miles.
(24) Site web herodote.net
 
(25) Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)
 
  
***(41) Les paquebots du Havre à New York (1814-1848) : article de Pierre Derolin dans les Annuaires de l'Ecole Pratique des hautes études – Année 1978 – Page 1295
 
  
De 1865 à 1874 (rapport Goblet : « Brest – Tête de ligne des courriers transatlantiques ») de la ligne Le Havre New York
+
Sources
  
Références
+
[[Catégorie:Histoire et mémoire]]
 +
[[Catégorie:Transport]]
 +
[[Catégorie:Port de commerce]]
 +
[[Catégorie:Histoire de Brest]]
 +
<references />

Version actuelle datée du 20 mai 2020 à 18:38

De par sa situation, Brest aurait dû jouer un grand rôle dans le trafic de passagers entre la France et New York. Il y a bien eu des tentatives, mais elles ont échoué. Pourquoi ?

La concurrence du Havre

La première ligne régulière transatlantique entre la France et l'Amérique a été établie par des marchands américains en 1822. Ils choisissent Le Havre comme tête de ligne sur le Vieux continent. Très certainement, car c'est le port le plus proche de Paris (qui plus est, avec une bonne desserte fluviale). Dix ans plus tard, c'est une flotte américaine de 16 paquebots à voiles qui assure 3 à 4 traversées mensuelles. En juillet 1840, le gouvernement français décide de briser ce monopole américain en autorisant la création d'une ligne française vers New York avec des bateaux à vapeur au départ du Havre[1]. Mais il faudra attendre 1864 pour que le projet se concrétise vraiment (construction des navires, défaillance du 1er concessionnaire, ...).

Entre-temps, les travaux du Port-Napoléon dans l'anse de Porstrein (l'actuel port de commerce de Brest) ont démarré, ainsi que ceux de la ligne de chemin de fer Paris-Brest. Désormais, Brest dispose d'atouts pour concurrencer Le Havre. Aussi, sur l'impulsion du comte de Tromelin, député de Morlaix, le gouvernement de Napoléon III vote le 3 juillet 1861 une loi imposant que la future ligne Le Havre - New York fasse escale à Brest [2]. Et non à Cherbourg comme initialement prévu. Victoire de courte durée pour les brestois. En 1875, Le Havre obtient en effet la suppression de cette escale. Voir son histoire au chapitre 3.

Mais Brest n'abdique pas.

Il y aura une tentative - malheureuse - de création d'une ligne privée New York – Brest en 1867 (voir ci-dessous le chapitre 4).

La construction de la forme de radoub n°1 (entre 1903 et 1912) est principalement motivée par l'espoir de traiter les grands navires transatlantiques [3] et l'installation en 1912 de cloches sous-marines à l'entrée de la rade de Brest vise à guider les navires par temps de brume (principal danger reproché à Brest).

Plusieurs rapports viennent appuyer les ambitions brestoises (une synthèse des avantages du port de Brest figure au chapitre 2). Et de nombreuses personnalités vont intervenir en sa faveur. Entre autres :

- Louis Pichon, maire de Tréflez, à peine élu député en 1897, dépose une « proposition de loi ayant pour objet la mise en adjudication du service maritime postal entre la France et New York », monopole alors du Havre, mais dont la concession arrive à échéance en 1898 [4].

- Le rêve transatlantique continue avec le comité « Brest-Transatlantique » de 1907, auquel le sénateur Vice Amiral de Cuverville apporte son soutien. Toujours le même enjeu : le renouvellement de la convention postale (prévue en 1911) [5]. Ce comité publie un rapport très détaillé de 52 pages largement diffusé [6].

- En mars 1909, Y.M. Goblet, un professeur parisien, rédige un long article intitulé "Brest, tête de ligne des courriers transatlantiques" [7]. Il conclut par : "c'est une question d'intérêt national".

- Claude Casimir-Périer, fils de l'ancien président de la République, est le dernier grand défenseur du port brestois face à son concurrent havrais. Pour répondre aux déclarations des parlementaires qui dénoncent les « illusions brestoises », il publie en 1914 un ouvrage conséquent (600 pages), « Brest, port transatlantique : projet de réorganisation des services maritimes et des chemins de fer français » (chez Hachette)[8].

- Notons enfin, le commandant Jacques Levainville (1869 – 1932), historien, militaire, homme d'affaires. Il fut un membre actif de la société normande de géographie. Mais malgré ces liens avec la Normandie, il apporte lui aussi sa contribution en faveur de Brest, dans le no 153 des Annales de Géographie de 1919. [9]

Tout ceci malheureusement sans résultat.

La 1ère guerre mondiale leur a pourtant (indirectement) donné raison. En effet, entre 1917 et 1919, Brest a montré sa capacité à accueillir les plus gros paquebots du monde. Rien qu'en 8 mois, à la fin de la guerre, 773 355 soldats américains embarquèrent pour regagner leur patrie (plus de 3000 par jour) [10]. Le Havre n'a jamais connu un tel trafic passagers !

A noter que Brest fut aussi en concurrence avec Cherbourg pour les traversées transatlantiques. Ainsi, en 1913, 6 grandes compagnies étrangères fréquentent Cherbourg. La compagnie anglaise Cunard en fait une escale de sa ligne Southampton – New York jusqu'en 1994. Cherbourg devint même le principal port d'émigration du Continent dans les années 1922- 1925.

Les atouts de Brest

Chapitre développé à partir des rapports cités ci-dessus rédigés entre 1890 et 1920

1 - Sa position géographique :

Brest est géographiquement le port le mieux placé sur le trajet Paris - New York

Brest est le port continental européen le plus proche de New York (à égalité avec Lisbonne). Or pour le transport de passagers, le temps du voyage est primordial. En prenant pour base une vitesse moyenne de 17 nœuds, on économise 20 h par rapport au Havre. Mais il faut déduire 7 heures de parcours supplémentaire pour se rendre par train jusqu'à Paris. Soit un gain de 13h en faveur du port breton. Cet argument est encore plus sensible pour le transport du courrier. En revanche, pour le transport de marchandises, la vitesse compte moins, et Le Havre bénéficie d'un accès sur Paris (moindre distance, la Seine) et sur le reste de l'Europe plus favorable que Brest.

2- Sa rade :

Sa grande superficie et sa profondeur la rendent accessibles toute l'année, à toute heure, par toute marée, aux plus grands paquebots, et ceux-ci, même en grand nombre. Il s'agit d'une vaste baie abritée en eau profonde, bien défendue. Contrairement au mouillage du Havre où « les instructions nautiques officielles recommandent d’appareiller au premier indice de mauvais temps ».

3 - Son accès :

La difficulté d'atterrissage est un grief souvent fait au port de Brest. Il faut bien viser l'entrée du Goulet, ce qui n'est pas facile par temps de brume. Mais :

- les progrès dans le balisage (phares, bouées, signaux avertisseurs), les cartes marines et les systèmes de positionnement, ont considérablement renforcé la sécurité de navigation. Et les cloches sous-marines en plein développement vont rendre la navigation parfaitement sûre : elles émettent des ondes sonores dans l'eau, en permettant une bien meilleure localisation que les ondes sonores aériennes des bouées.

– la topographie des fonds au large d'Ouessant présente des particularités telles qu'avec des sondes régulières, même sans aucune visibilité, on peut trouver l'entrée du Goulet (alors que la plupart des autres ports sont soit à proximité de très grands fonds, soit précédés de fonds plats, rendant cette technique de guidage inopérante).

De toute façon, la brume ne serait pas plus fréquente à Brest qu'à Liverpool, Le Havre, Hambourg. Et statistiquement, elle ne gênerait un transatlantique que lors de 6 voyages sur 100. Par ailleurs, la navigation en Manche présente elle aussi ses dangers : outre la brume très fréquente, il y a un trafic important.

Autres avantages présentés par le port de Brest :

- Un bateau peut maintenir sa pleine vitesse jusqu'à bon port ! (même quand il passe au large d'Ouessant ou traverse le Goulet).

- les cartes marines y sont très fiables, car on n'y signale aucun banc de sable instable.

4 - Sa disponibilité :

La grande majorité des ports de commerce ont leur accès commandé par la marée. A Brest, quels que soient l'heure et le tonnage du navire, ce dernier peut se présenter. Gain de temps, il n'y a aucun franchissement d'écluse. Brest a pu mettre en avant qu'il était le seul port français pouvant proposer des départs à heure fixe. Ici, contrairement au Havre, les horaires des trains transatlantiques ne sont pas adaptés en fonction de la marée.

5 - Ses équipements :

Des quais accessibles à des navires de 10-11m de tirant d'eau, « avec des dépenses de dragage relativement minimes pour permettre aux plus importants steamers de s'amarrer bord au quai ».

Une forme de radoub de 220 m, la plus grande de France, pouvant accueillir pour réparation tout paquebot.

Une zone portuaire importante (40 hectares) avec un raccordement au réseau ferré.

Et une sécurité accrue par la présence de la Marine Nationale. Marine qui assure en outre une main d'oeuvre qualifiée quand les marins d'Etat partent à la retraite.


Brest, escale de la « Transat » vers New York

La Transat, de son vrai nom, la Compagnie Générale Transatlantique Wikipedia-logo-v2.svg, est créée en 1855. Elle obtient du gouvernement français la concession de plusieurs lignes transatlantiques, dont une, Le Havre - New York.

Le SS Washington
Le Washington, un vapeur de 105 m de long propulsé par des roues à aubes, entame sa croisière inaugurale le 15 juin 1864 et ouvre la liaison entre Le Havre et New York en 13 jours et demi, avec une escale de 24 heures à Brest.

Mais l'inauguration officielle de l'escale brestoise a lieu le 2 juin 1865 avec Le Lafayette -, moins de 2 mois après l'arrivée des premiers trains à Brest -. Apparemment dans l'indifférence de la population brestoise [11]

D'autres paquebots de la Transat feront escale à Brest : L'Europe, Le France (déjà !), Le Pereire, Le Ville du Havre, Le Ville de Paris, Le Panama, Le Saint Laurent, L'Amérique. [12]

Brest était à l'origine prévu comme une escale postale (le mot « paquebot » ne vient-il pas de l'anglais « packet-boat », l'équivalent de la « malle poste » sur terre ). Objectif de cette escale : accélérer la transmission de courriers entre Paris et les Etats-Unis. [13]. En effet, Brest est relié à Paris par le Télégraphe_Chappe Wikipedia-logo-v2.svg (communication par signaux visuels), ce qui procure un gain d'au moins 12h par rapport au Havre dans la transmission des dépêches.

Cette escale rencontre aussi un certain succès auprès des passagers, puisque de 1865 à 1872, on note le débarquement de 10 208 personnes à Brest, contre 13 265 au Havre [14]. Problème : le trajet Paris-Brest est alors très inconfortable. Et surtout très long (16h40 pour les premiers trains !) [15], beaucoup plus long que le trajet Paris - Le Havre. La gare maritime prévue n'a jamais été construite, et les quais, pourtant envisagé dès 1857 pour les paquebots, n'ont été accessibles que bien plus tard (1917 ?). Ceci nécessite donc un transbordement en rade.

En outre, les tarifs ne sont pas attractifs. Malgré 2 nuits en moins à bord, un Paris – New York via Le Havre ou via Brest coûte le même prix [16].

Pour les passagers havrais, cette escale allonge la durée du voyage. Et contrairement aux espoirs brestois, il n'y a quasiment aucun fret. Enfin, le succès des transmissions par câbles télégraphiques transatlantiques (opérationnels dès 1866) a réduit son intérêt pour les courriers postaux.

Aussi, après 10 ans de fonctionnement, la Transat demande l'annulation de l'escale brestoise. Le 31 octobre 1874, une dépêche ministérielle autorise sa fermeture pour manque de rentabilité[17]

NB : Pour répondre à la concurrence anglaise, la Transat aurait également ouvert une ligne Southampton – Brest – New York. Le 6 janvier 1871, le Pereire l'inaugure. Mais 2 ans plus tard, l'escale de Brest est remplacée par Plymouth, dont les accès sont jugés moins dangereux [18].


Brest, tête de ligne … pour une unique traversée

En 1866, le conseil municipal de Brest, sous l'impulsion du maire, Joseph Marie de Kerros, et la chambre de commerce décident de devenir actionnaire de la « Société des Affréteurs du Great Eastern ». Ils prennent une part conséquente du capital et obtiennent en échange que Brest soit le port d'attache de ce navire [19]. Objectif, la création d'une ligne Brest – New York. L'année suivante doit en effet se tenir à Paris l'Exposition Universelle. C'est l'occasion de proposer aux visiteurs américains une ligne rapide entre New York et Paris, via Brest.

Affiche pour la ligne transatlantique Brest New York en 1867.jpg

Le SS_Great_Eastern Wikipedia-logo-v2.svg, 211 mètres de long, est le plus gros navire de l'époque (et le restera jusqu'en 1901). Précédemment utilisé pour mouiller des câbles sous-marins, il est coûteusement reconverti à Liverpool en paquebot, sa vocation initiale. De nouvelles chaudières, 3000 lits, plusieurs salles à manger sont aménagés. Le 26 mars 1867 (mauvais signe, le bateau est déjà en retard par rapport aux billets vendus !), ce « géant des mers » entreprend sa traversée inaugurale de Liverpool vers New York.

Puis retour sur Brest où, après 12 jours de traversée, il mouille en rade le 29 avril 1867.

Contrairement au texte de l'affiche ci dessus, il n'en repartira pas pour New York !

C'est en effet un fiasco financier (et la faillite de la Société). Alors qu'il peut accueillir 4000 passagers, il n'en débarque que 193. Peu satisfaits de leur voyage : le bateau n'est pas confortable (il roule trop) et pas spécialement rapide (bien qu'un des premiers à être équipé d'une hélice, c'est encore un bateau à roue).

Parmi ces rares passagers, un certain Jules Verne, invité de l’affréteur. Impressionné par la taille du Great Eastern, il en fera le héros de son livre « La Ville Flottante » (1871). [20]

Ce sera l'unique traversée New York - Brest, et le navire reprendra son activité de pose de câbles transocéaniques.

Une anecdote citée par Jules Verne illustre la difficulté à cette époque de bien "atterrir" sur Brest : un pilote de l’île de Molène a embarqué à Liverpool et a fait les 2 traversées de l'Atlantique pour guider le navire dans ses derniers miles.


Sources

  1. Les paquebots du Havre à New York (1814-1848) : article de Pierre Derolin dans les Annuaires de l'Ecole Pratique des hautes études – Année 1978 – Page 1295
  2. Revue d'histoire des chemins de fer (2008 / 38)- Article de Christophe Le Bollan -L'arrivée à Brest
  3. Site web Région Bretagne
  4. Les Cahiers de l'Iroise no 223
  5. Le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40
  6. Le rapport du Comité Brest-Transatlantique est accessible en ligne
  7. Le rapport de Y.M. Goblet est également accessible
  8. Ouest France le 24/05/2014
  9. Texte de sa contribution en ligne p208-225
  10. Source à retrouver
  11. Livre de Y Le Gallo : Histoire de Brest
  12. Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)
  13. Site web herodote.net
  14. Revue Economique Internationale Mars 1909 page 20
  15. Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)
  16. Les tarifs détaillés figurent dans le livre d'Alain Boulaire « Ports de Brest » page 40
  17. Brest en 100 dates – Edition Alan Sutton – page 60
  18. Histoire de la Flotte – La CGT – par Ludovic Trihan (Glénat)
  19. Livre de Y Le Gallo : Histoire de Brest
  20. Le livre de Jules Verne est en ligne, libre de droits, dans la Bibliothèque Electronique du Quebec
Outils personnels