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Bouguen : Différence entre versions

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La population du Bouguen n'était guère différente du reste de la population brestoise sauf, peut-être, une représentation ouvrière plus importante. Les opinions politiques, philosophiques ou religieuses étaient, il me semble, aussi diversifiées qu'ailleurs. Une majorité des habitants dépendait de la Marine ou de l'Arsenal pour leur travail, comme beaucoup de Brestois. En fait le Bouguen bénéficiait (ou souffrait, selon les circonstances) d'un relatif isolement. Le pont Schuman n'était encore qu'un projet lointain, et la côte du Bouguen, raide, empierrée, bordée d'un côté par un fossé où l'eau cascadait les jours de pluie, n'était guère engageante.
 
La population du Bouguen n'était guère différente du reste de la population brestoise sauf, peut-être, une représentation ouvrière plus importante. Les opinions politiques, philosophiques ou religieuses étaient, il me semble, aussi diversifiées qu'ailleurs. Une majorité des habitants dépendait de la Marine ou de l'Arsenal pour leur travail, comme beaucoup de Brestois. En fait le Bouguen bénéficiait (ou souffrait, selon les circonstances) d'un relatif isolement. Le pont Schuman n'était encore qu'un projet lointain, et la côte du Bouguen, raide, empierrée, bordée d'un côté par un fossé où l'eau cascadait les jours de pluie, n'était guère engageante.
  
Pour cette raison sans doute, s'y était créer une manière de vivre particulière. Tout le monde se connaissait et l'ambiance était au respect mutuel, voir à la solidarité. Un coup de main entre voisins était normal. Les jeunes organisaient leurs loisirs en commun. Grâce aux fortifications l'espace ne manquait pas. Des matches de foot étaient improvisés près de la grande poudrière. Certaines soirées ou après-midi de loisir, étaient animées. Les jeux des enfants étaient influencés par une nature très présente: chasse aux grillons (cri-cri) qui pullulaient, aux hannetons, cueillettte de fleurs ou fruits sauvages: coucou, violettes, pervenches, mures, prunelles etc... Les "grands" organisaient des virées à vélo. Dame, après la porte Castelnau c'était la campagne, Guilers, Saint-Renan, Le Conquet ou Portsall. Les plus jeunes avaient inventé un jeu inédit qui frôlait la compétition: "le grimpé aux arbres". Les arbres recouvraient les fortifications (qu'on appelaient "Les Forts). Ceux qui étaient accessibles, ou certains d'entre eux,
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Pour cette raison sans doute, s'y était créer une manière de vivre particulière. Tout le monde se connaissait et l'ambiance était au respect mutuel, voir à la solidarité. Un coup de main entre voisins était normal. Les jeunes organisaient leurs loisirs en commun. Grâce aux fortifications l'espace ne manquait pas. Des matches de foot étaient improvisés près de la grande poudrière. Certaines soirées ou après-midi de loisir, étaient animées. Les jeux des enfants étaient influencés par une nature très présente: chasse aux grillons (cri-cri) qui pullulaient, aux hannetons, cueillettte de fleurs ou fruits sauvages: coucou, violettes, pervenches, mures, prunelles etc... Les "grands" organisaient des virées à vélo. Dame, après la porte Castelnau c'était la campagne, Guilers, Saint-Renan, Le Conquet ou Portsall. Les plus jeunes avaient inventé un jeu inédit qui frôlait la compétition: "le grimpé aux arbres". Les arbres recouvraient les fortifications (qu'on appelaient "Les Forts). Ceux qui étaient accessibles, ou certains d'entre eux, dans un parfait consensus, étaient classés selon la difficulté qu'il présentait à l'escalade. Au fond de la rue de Lille les habitants du bâtiment voisin, avaient aménagé un jeu de "galoche" qui se joue, je crois, avec des palets en fer. Mais ce jeu etait réservé à certain initiés.
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La manifestation collective la plus importante de l'année était, sans conteste, le feu de Saint-Jean. Longtemps avant le 24 juin, profitant des longues soirées printanières, les jeunes coupaient des branches d'arbres, et, dans un grand nuage de poussière, les traîner jusqu'au bas de la rue de Roubaix où elles séchaient en attendant la fête. Les enfants organisaient une collecte dans chaque maison pour acheter: pétards, feux de bengal, soleils et autres artifices de circonstances. Le soir de la St Jean, à la tombée de la nuit, devant la population rassemblée, le feu était allumé, à la grande satisfaction de tous, au tas de branchage installé au croisement des rues du Bouguen et de Roubaix.
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Cette vie paisible, saine et somme toute agréable, se déroulait dans l'ambiance et l'environnement créés par notre puissant voisin: l'Arsenal (comme l'appelait mon père bretonnant depuis sa naissance en 1889, et non pas "arsanailh", n'en déplaise à certain ayatollah linguistes). Ou plutôt l'arsenal du fond de Penfeld qui, à cette époque, était le coeur de la construction navale. Sur la hauteur, le plateau du Bouguen, était autant dire au balcon. En dessous, juste en dessous, derrière le mur qui longe la côte, la zone industrielle où se construisaient les coques des navires: l'atelier des bâtiments en fer (par "bâtiments" il faut entendre navires en fer par opposition à navires en bois), où de tracent, se découpent, se forment tôles et membrures, les deux cales de construction, dites l'une des croiseurs, l'autre des sous-marins

Version du 9 juin 2006 à 15:01

LES HABITATIONS ET LES HABITANTS



Le quartier du Bouguen était une enclave de la Ville de Brest dans un triangle limité au nord-ouest parle terrain militaire des fortifications, au sud-ouest par l'arsenal installé dans la vallée de la Penfeld, à l'est par la vallée du Moulin à Poudre. C'était essentiellement un groupe d'une trentaine de pavillons individuels parfois à un étage, avec jardin pour la plupart, et d'un immeuble collectif, tout en longueur, d'un étage et sous-sol semi-habitable, avec quatre entrées, le tout constituant une vingtaine de logements. Ce n'était donc qu'un petit quartier de 200 à 250 habitants, situé dans Brest intra-muros, mais se donnant un peu des airs de "Ville à la campagne."

A part la prison, la seule habitation de la route du Bouguen, était un café, implanté au même endroit que le café actuel. Il s'était doté, dans un hangar attenant, d'un jeu de boules en bois sur deux allées en terre battue entourées de planches. Un peu plus haut, à l'emplacement du parking actuel, se dressait, sur un monticule de terre, un majestueux chêne plus que centenaire qui semblait garder l'entrée du quartier. Ce café étant le seul commerce, le lieu de ravitaillementle plus proche était l'Harteloire et, au-delà, les halles Saint-Louis et les commerces du centre ville. Les déplacements se faisaient pédestrement au moins jusqu'à la porte de la Brasserie, desservie par la ligne de tramway Lambézellec-Brest qui grimpait gaillardement la rue de Portzmoguer. Il en allait de même pour les écoliers qui empruntaient, quatre fois par jour le trajet Bouguen-Harteloire et au-delà. Assister aux offices religieux, qui avaient lieu à l'église Saint-Louis, paroisse dont dépendait le Bouguen, était une véritable expédition.

Un escalier souterrain en deux tronçons, reliait la porte de la Brasserie au sommet de la falaise. Il débouchait à peu près à l'emplacement du restaurant universitaire actuel. Le tronçon supérieur a été comblé mais la partie inférieure existe toujours.

La population du Bouguen n'était guère différente du reste de la population brestoise sauf, peut-être, une représentation ouvrière plus importante. Les opinions politiques, philosophiques ou religieuses étaient, il me semble, aussi diversifiées qu'ailleurs. Une majorité des habitants dépendait de la Marine ou de l'Arsenal pour leur travail, comme beaucoup de Brestois. En fait le Bouguen bénéficiait (ou souffrait, selon les circonstances) d'un relatif isolement. Le pont Schuman n'était encore qu'un projet lointain, et la côte du Bouguen, raide, empierrée, bordée d'un côté par un fossé où l'eau cascadait les jours de pluie, n'était guère engageante.

Pour cette raison sans doute, s'y était créer une manière de vivre particulière. Tout le monde se connaissait et l'ambiance était au respect mutuel, voir à la solidarité. Un coup de main entre voisins était normal. Les jeunes organisaient leurs loisirs en commun. Grâce aux fortifications l'espace ne manquait pas. Des matches de foot étaient improvisés près de la grande poudrière. Certaines soirées ou après-midi de loisir, étaient animées. Les jeux des enfants étaient influencés par une nature très présente: chasse aux grillons (cri-cri) qui pullulaient, aux hannetons, cueillettte de fleurs ou fruits sauvages: coucou, violettes, pervenches, mures, prunelles etc... Les "grands" organisaient des virées à vélo. Dame, après la porte Castelnau c'était la campagne, Guilers, Saint-Renan, Le Conquet ou Portsall. Les plus jeunes avaient inventé un jeu inédit qui frôlait la compétition: "le grimpé aux arbres". Les arbres recouvraient les fortifications (qu'on appelaient "Les Forts). Ceux qui étaient accessibles, ou certains d'entre eux, dans un parfait consensus, étaient classés selon la difficulté qu'il présentait à l'escalade. Au fond de la rue de Lille les habitants du bâtiment voisin, avaient aménagé un jeu de "galoche" qui se joue, je crois, avec des palets en fer. Mais ce jeu etait réservé à certain initiés.

La manifestation collective la plus importante de l'année était, sans conteste, le feu de Saint-Jean. Longtemps avant le 24 juin, profitant des longues soirées printanières, les jeunes coupaient des branches d'arbres, et, dans un grand nuage de poussière, les traîner jusqu'au bas de la rue de Roubaix où elles séchaient en attendant la fête. Les enfants organisaient une collecte dans chaque maison pour acheter: pétards, feux de bengal, soleils et autres artifices de circonstances. Le soir de la St Jean, à la tombée de la nuit, devant la population rassemblée, le feu était allumé, à la grande satisfaction de tous, au tas de branchage installé au croisement des rues du Bouguen et de Roubaix.

Cette vie paisible, saine et somme toute agréable, se déroulait dans l'ambiance et l'environnement créés par notre puissant voisin: l'Arsenal (comme l'appelait mon père bretonnant depuis sa naissance en 1889, et non pas "arsanailh", n'en déplaise à certain ayatollah linguistes). Ou plutôt l'arsenal du fond de Penfeld qui, à cette époque, était le coeur de la construction navale. Sur la hauteur, le plateau du Bouguen, était autant dire au balcon. En dessous, juste en dessous, derrière le mur qui longe la côte, la zone industrielle où se construisaient les coques des navires: l'atelier des bâtiments en fer (par "bâtiments" il faut entendre navires en fer par opposition à navires en bois), où de tracent, se découpent, se forment tôles et membrures, les deux cales de construction, dites l'une des croiseurs, l'autre des sous-marins

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