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33è festival européen du film court de Brest (2018) : Différence entre versions

 
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[[Fichier:Arnaud Le Gouefflec.jpg|thumb|Le célèbre artiste Arnaud Le Gouëfflec faisait partie du jury de cette 33è édition]]
 
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'''La trente-troisième édition du''' '''festival européen du film court de Brest''' s'est tenue du 6 au 11 novembre 2018. La plupart des événements ont eu lieu au [[Le Quartz|Quartz]] mais d'autres séances étaient programmées au multiplexe Liberté, aux Studios, à la salle du Clous de l'UBO et à la [[Médiathèque François-Mitterrand - Les Capucins|médiathèque des Capucins]].  
 
'''La trente-troisième édition du''' '''festival européen du film court de Brest''' s'est tenue du 6 au 11 novembre 2018. La plupart des événements ont eu lieu au [[Le Quartz|Quartz]] mais d'autres séances étaient programmées au multiplexe Liberté, aux Studios, à la salle du Clous de l'UBO et à la [[Médiathèque François-Mitterrand - Les Capucins|médiathèque des Capucins]].  
  
L'article qui suit ne restitue évidemment pas de façon exhaustive le contenu de ces six journées de festival.  
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Durant six jours, 240 films ont été projetés, dont 60 en compétition venus de 30 pays, 350 professionnels dont 60 réalisateurs ont été accueillis. Le jury était composé de Catherine Cosme, Julien Hallard, Benjamin Siksou, Alicia Gancarz et Arnaud Le Gouëfflec. Cette édition fut aussi l'occasion pour le festival d'inaugurer de nouveaux partenariats, notamment avec la Sacem, ce qui s'est traduit par un accroissement de l'importance accordée à la musique. La clip officiel de cette édition, probablement l'un des plus efficaces jamais réalisés, était accompagné d'une musique composée par John Trap qui a également servi de virgule sonore pendant tout le festival. L'article qui suit ne restitue évidemment pas de façon exhaustive le contenu de ces six journées.  
  
 
== Mardi 6 novembre ==  
 
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L'effet de surprise était déjà moindre dans la seconde partie qui débuta avec ''Cadoul de Craciun'', un film roumain signé Bogdan Muresanu évoquant la vie quotidienne en Roumanie alors que le régime de {{w|Nicolae Ceaușescu}} vivait ces dernières heures : le réalisateur y montre sans fard, à travers le prisme d'une famille de Roumains moyens, qu'une vie "normale" est tout simplement impossible sous une dictature, même quand celle-ci est déjà proche de sa fin ; le "cadeau de Noël" annoncé dans le titre n'est d'ailleurs autre que l'exécution du tyran, décédé le jour de Noël. Le thème de Noël est également central dans ''Capturing Santa'', un film britannique de {{w|Peter Cattaneo}} qui brise un tabou, et non des moindres, celui de la peur du Père Noël que peuvent éprouver certains enfants : la conclusion, quelque peu "politiquement correcte", déçoit presque, mais ça n'enlève rien à la dimension drôlatique et salutaire de ce court-métrage. Par la suite, certaines personnes ont quitté la salle au cours de la projection de ''A father's day'', autre film britannique, dû à Mat Jones : il est vrai que certaines scènes sont assez sanglantes, mais cette histoire où une petite fille et son père, tous deux zombifiés, manifestent autant de tendresse l'un pour l'autre que s'ils étaient encore en vie, parvient à rendre presque touchante la figure du mort-vivant. La soirée s'est terminée en beauté avec la projection de ''Laissez-moi danser'' de Valérie Leroy, film pressenti pour le César du meilleur court-métrage.  
 
L'effet de surprise était déjà moindre dans la seconde partie qui débuta avec ''Cadoul de Craciun'', un film roumain signé Bogdan Muresanu évoquant la vie quotidienne en Roumanie alors que le régime de {{w|Nicolae Ceaușescu}} vivait ces dernières heures : le réalisateur y montre sans fard, à travers le prisme d'une famille de Roumains moyens, qu'une vie "normale" est tout simplement impossible sous une dictature, même quand celle-ci est déjà proche de sa fin ; le "cadeau de Noël" annoncé dans le titre n'est d'ailleurs autre que l'exécution du tyran, décédé le jour de Noël. Le thème de Noël est également central dans ''Capturing Santa'', un film britannique de {{w|Peter Cattaneo}} qui brise un tabou, et non des moindres, celui de la peur du Père Noël que peuvent éprouver certains enfants : la conclusion, quelque peu "politiquement correcte", déçoit presque, mais ça n'enlève rien à la dimension drôlatique et salutaire de ce court-métrage. Par la suite, certaines personnes ont quitté la salle au cours de la projection de ''A father's day'', autre film britannique, dû à Mat Jones : il est vrai que certaines scènes sont assez sanglantes, mais cette histoire où une petite fille et son père, tous deux zombifiés, manifestent autant de tendresse l'un pour l'autre que s'ils étaient encore en vie, parvient à rendre presque touchante la figure du mort-vivant. La soirée s'est terminée en beauté avec la projection de ''Laissez-moi danser'' de Valérie Leroy, film pressenti pour le César du meilleur court-métrage.  
  
== Mardi 7 novembre ==  
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== Mercredi 7 novembre ==  
  
 
=== 21h30 : Compétition OVNI (Petit Théâtre du Quartz) ===
 
=== 21h30 : Compétition OVNI (Petit Théâtre du Quartz) ===
  
Cette compétition traditionnellement consacrée aux productions les plus déroutantes a été ouverte par un chien, plus précisément par une femelle berger australien appelée "Basket" qui était donc censée introduire la séance et interviewer le réalisateur Nic Fforde. Après cette courte introduction volontairement décalée, la projection a donné raison à l'adage populaire suivant lequel les plus courtes sont souvent les meilleures : entre deux films surchargés (''Reruns'' de Rosto) ou lourdement métaphoriques (''72%'' de Luis Quiles), le public a réservé les applaudissements les plus nourris à des productions de six voire trois minutes tels que ''L'émissaire de l'accélération de la normalisation des choses'' où le réalisateur Haroun Zelakiev s'affirme comme un digne représentant du sens de l'humour qui fait la réputation de la Belgique, ou encore ''Ihanat Naiset Rennalla'', film finlandais aussi drolatique qu'efficace signé Artttu Hokkanen. Néanmoins, l'assistance a aussi réservé un triomphe au film de Nic Fforde, ''Ralph Styles Ultra'', qui étire sur quinze minutes les clichés machistes véhiculés par les publicités pour cigarettes des années 1960 : le réalisateur, qui avait exposé les raisons de sa passion pour le cinéma, aurait aussi pu dire que ce métier peut donner l'occasion de faire jouer des bêtises à de sublimes jeunes femmes... Mis à part cette petite merveille d'humour britannique, ce cru 2018 de la compétition OVNI laisse une impression plutôt sinistre, à croire qu'il devient difficile de dépasser les inquiétudes que l'on peut éprouver, plus ou moins légitimement, dans le monde actuel.      
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Cette compétition traditionnellement consacrée aux productions les plus déroutantes a été ouverte par un chien, plus précisément par une femelle berger australien appelée "Basket" qui était donc censée introduire la séance et interviewer le réalisateur Nic Fforde. Après cette courte introduction volontairement décalée, la projection a donné raison à l'adage populaire suivant lequel les plus courtes sont souvent les meilleures : entre deux films surchargés (''Reruns'' de Rosto) ou lourdement métaphoriques (''72%'' de Luis Quiles), le public a réservé les applaudissements les plus nourris à des productions de six voire trois minutes tels que ''L'émissaire de l'accélération de la normalisation des choses'' où le réalisateur Haroun Zelakiev s'affirme comme un digne représentant du sens de l'humour qui fait la réputation de la Belgique, ou encore ''Ihanat Naiset Rennalla'', film finlandais aussi drolatique qu'efficace signé Artttu Hokkanen. Néanmoins, l'assistance a aussi réservé un triomphe au film de Nic Fforde, ''Ralph Styles Ultra'', qui étire sur quinze minutes les clichés machistes véhiculés par les publicités pour cigarettes des années 1960 : le réalisateur, qui avait exposé les raisons de sa passion pour le cinéma, aurait aussi pu dire que ce métier peut donner l'occasion de faire jouer des bêtises à de sublimes jeunes femmes... Mis à part cette petite merveille d'humour britannique, ce cru 2018 de la compétition OVNI laisse une impression plutôt sinistre, à croire qu'il devient difficile de dépasser les inquiétudes que l'on peut éprouver, plus ou moins légitimement, dans le monde actuel.  
  
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== Vendredi 9 novembre ==
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=== 22h : Panorama animation 1 (Grand Théâtre du Quartz) ===
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Les programmateurs du festival ont retenu cette année suffisamment de courts-métrages d'animation pour alimenter deux séances assez différentes l'une de l'autre : la première était signalée sur le programme comme contenant "certaines images ou propos [pouvant] choquer la sensibilité du public". De fait, l'animation ne se réduit pas au style "Disney" et on découvre des films assez durs, à l'image de ''Ooze'' de Kilian Vilim. Mais l'impression qui ressort de la majorité des films est que certains réalisateurs ne se soucient que de l'esthétique, au risque de négliger le scénario : on a certes droit à des images sublimes, mais ce ne sont que des coquilles vides, il devient difficile de ne pas penser au jugement sévère exprimé par le dessinateur {{w|Siné}} après le festival d'Annecy en 1981<ref>Charlie Hebdo n°553, ''cf.'' ''Siné l'oeil graphique'', La Martinière, 2016, p.199.</ref>. Ainsi, ''Étreintes'' de Justine Vuylsteker, réalisé avec un écran d'épingles, a beau être graphiquement sublime, on se lasse très vite de ce film qui ne dure pourtant que cinq minutes et demie ; quant à ''Ceva'' de Paul Mureşan, il est franchement hermétique. Il n'est donc pas très étonnant que les spectateurs aient davantage applaudi ''Coyote'' de Lorenz Wunderle, qui rappelait les meilleures années de {{w|Matt Groening}} en encore plus sanglant, ainsi que ''Simbiosis carnal'' de Rocio Alvarez qui traitait du rapport à la sexualité, notamment féminine, tel qu'il a été amené à changer au cours de l'histoire humaine. 
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== Samedi 10 novembre ==
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=== 16h : Panorama animation 2 (Grand Théâtre du Quartz) ===
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Cette deuxième séance d'animation était présentée comme une projection "découverte", c'est-à-dire "idéale pour découvrir le court-métrage" : de fait, les films projetés ne mettaient pas en scène la violence ou la sexualité aussi explicitement que ceux du premier "panorama animation". Il n'empêche que le sentiment de regarder une coquille vide demeure, notamment devant le film d'école ''Hybrids'', dû à cinq réalisateurs français : ce court-métrage de six minutes et demie avait été présenté par son producteur comme "traitant d'écologie de façon subtile", ce qui est vrai mais n'atténue pas la relative légèreté du scénario. Parmi les films les plus remarquables, signalons encore ''Les empêchés'', film français qui montre, exemple à l'appui, que l'accumulation de nos petites lâchetés nous fait passer à côté de nos vies et peut nous conduire à être indifférent au malheur des autres...  ''Roues libres'', de Jacinthe Folon, fait honneur à la réputation de l'humour belge et ''Raymonde ou l'évasion verticale'' mérite le détour au moins pour le personnage principal, une vieille poule frustrée doublée par {{w|Yolande Moreau}}.
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=== 20h : Remise des prix (Grand Théâtre du Quartz) ===
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Bien qu'elle ne rappelle que d'assez loin l'ambiance compassé du festival de Cannes, cette cérémonie attire relativement peu le public et même les élus locaux ne s'y pressent guère, au grand dam de certains. La séance ''Made in Breizh'' y était compétitive pour la toute première fois, avec notamment un prix de la meilleure musique originale : justice est ainsi rendue non seulement à la production régionale mais aussi à l'importance capitale de la musique dans la réalisation d'un film - comme l'a dit {{w|Dominique Farrugia}} : "Le réalisateur fait monter la larme à l'œil, le compositeur doit la faire tomber."<ref>Source : [http://www.letelegramme.fr/bretagne/musique-de-film-une-premiere-au-culot-20-01-2015-10497662.php  Article sur Julien Jaouen, compositeur de la bande originale du film ''Bis'']</ref>
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==== Made in Breizh ====
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* Prix de la meilleure musique originale : Michele Menini pour ''La bête'' de Filippo Meneghetti (France)
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* Prix "Manifest"<ref>Du nom de la société de diffusion et d'exploitation de courts-métrages, nouveau partenaire du festival.</ref> : ''Le cavalier seul'' de Thomas Petit (France)
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==== Compétition française ====
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* Prix France 2 : ''Jupiter !'' de Carlos Abascal Peiro (France)
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* Prix du public : ''Venerman'' de Swann Arlaud et Tatiana Vialle (France)
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==== Compétition OVNI ====
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* Prix {{w|ShortsTV}} : ''72 %'' de Lluis Quílez (Espagne)
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==== Compétition européenne ====
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* Prix des "passeurs de courts" : ''A legjobb jatek'' de Kristóf Deák (Hongrie)
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* Prix du jury jeune : ''Sretan Put'' de Siniša Galić (Serbie-Allemagne)
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* Prix du public : ''A legjobb jatek'' de Kristóf Deák (Hongrie)
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* Prix spécial du jury : ''Fifo'' de Sacha Ferbus et Jérémy Puffet (Belgique)
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* Prix du conseil départemental du Finistère : ''Skolstartssorg'' de Maria Eriksson (Suède)
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* Prix du conseil régional de Bretagne : ''Prima Lovitură'' de Peter Kerek (Roumanie)
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* Grand prix de la ville de Brest : ''La chanson'' de Tiphaine Raffier (France)
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On notera bien évidemment la performance du film de Kristóf Deák, ''A legjobb jatek'', qui a obtenu deux prix ainsi qu'une mention spéciale du jury ; le prix du public lui a valu d'être projeté en fin de cérémonie. Les commentaires justifient cette distinction par le message d'espoir que véhicule ce film hongrois face aux inquiétudes que peuvent susciter les progrès exponentiels de la machine.
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=== 22h : Rire sans frontières #3 ===
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Comme son titre l'indique, cette projection se propose de faire découvrir au public les différents types d'humour qui coexistent en Europe. Le collectif CAM, composé de trois réalisatrices belges, fut l'alpha et l'oméga de cette séance que les trois jeunes femmes ont ouverte en montant sur scène puis fermée avec la projection de leur film ''The voice over'' qui tourne en dérision les codes du cinéma, notamment français. Les Belges ont raison de se moquer de nous : le reste de la programmation leur donnait malheureusement raison. Les suédois n'ont pas peur de l'humour "trash" (''Hur det känns att vara bakis'' de Viktor Hertz), les hollandais produisent des dessins animés échevelés (''Catastrophe'' de Jamille Van Wijngaarden), les Anglais maîtrisent toujours à merveille le no-sense (''Fern'' de Johnny Kelly), les Suisses manient l'humour noir sans retenue (''Dispersion'' de Basile Vuillemin), les Allemands cassent le tabou de l'amertume des jeunes mères (''Kleptomami'' de Pola Beck)... Autant d'audace qui donnent un sacré "coup de vieux" à ''Cajou'', le film de Claude Le Pape qui ne vaut vraiment le détour que pour l'interprétation de {{w|Jackie Berroyer}} qu'il est rafraîchissant de revoir à l'écran deux semaines après la mort de Philippe Gildas<ref>Jackie Berroyer fut un pilier de l'émission {{w|Nulle Part Ailleurs}}.</ref> : pour le reste, ce film où un jeune jeune homme traîne avec lui une épée offerte par son père à moitié clochardisé ne donne pas une image flatteuse de l'humour français si on le compare à celui qui développent les réalisateurs étrangers... Il faut cependant être juste et reconnaître que le moins drôle des films (''The night shift'' d'Hugo Pedro) était portugais ; manque de chance, on y voyait tout de même une actrice française et non des moindres : {{w|Fanny Ardant}}...   
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Tous les films qui viennent d'être évoqués ne représentent qu'une infime partie de la programmation du festival ; on remarquera cependant que, sur ce petit échantillon de courts-métrages récents, quatre noms bien connus du grand public sont apparus : s'il n'est pas encore très étonnant d'y retrouver Yolande Moreau et Jackie Berroyer, il est plus surprenant d'y voir Fanny Ardant et même une star de l'envergure de Catherine Deneuve ! Faut-il voir, dans cette présence de vedettes, l'amorce d'une montée en puissance du film court qui serait en voie de ne plus être le "parent pauvre" du long-métrage ? L'avenir le dira. 
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[[Catégorie:Événement]][[Catégorie:Festival Européen du Film Court de Brest]][[Catégorie:Novembre 2018]]
 
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Version actuelle datée du 11 novembre 2018 à 18:54

Croquis exécuté au café du Quartz le mardi 6/11 à 18h50
Croquis exécuté au café du Quartz le mardi 6/11 à 18h55
Le célèbre artiste Arnaud Le Gouëfflec faisait partie du jury de cette 33è édition
Croquis exécuté d'après l'entrée du grand théâtre du Quartz le mercredi 7/11 à 21h05.
Croquis exécuté d'après l'entrée du grand théâtre du Quartz le mercredi 7/11 à 21h10.
Croquis exécuté dans le hall Quartz le vendredi 9/11 à 21h35.
Croquis exécuté au café du Quartz le samedi 10/11 à 18h45

La trente-troisième édition du festival européen du film court de Brest s'est tenue du 6 au 11 novembre 2018. La plupart des événements ont eu lieu au Quartz mais d'autres séances étaient programmées au multiplexe Liberté, aux Studios, à la salle du Clous de l'UBO et à la médiathèque des Capucins.

Durant six jours, 240 films ont été projetés, dont 60 en compétition venus de 30 pays, 350 professionnels dont 60 réalisateurs ont été accueillis. Le jury était composé de Catherine Cosme, Julien Hallard, Benjamin Siksou, Alicia Gancarz et Arnaud Le Gouëfflec. Cette édition fut aussi l'occasion pour le festival d'inaugurer de nouveaux partenariats, notamment avec la Sacem, ce qui s'est traduit par un accroissement de l'importance accordée à la musique. La clip officiel de cette édition, probablement l'un des plus efficaces jamais réalisés, était accompagné d'une musique composée par John Trap qui a également servi de virgule sonore pendant tout le festival. L'article qui suit ne restitue évidemment pas de façon exhaustive le contenu de ces six journées.

Mardi 6 novembre

19h30 : Soirée d'ouverture (Grand Théâtre du Quartz)

Le thème retenu cette année pour cette première séance était celui du cadeau : la première partie fut riche en surprises suscitant l'hilarité du public, à commencer par Belle à croquer, le film d'Axel Courtière qui est triplement à l'honneur cette année car, non content d'inaugurer le festival, ce court-métrage français fournit le visuel de l'affiche et fait même l'objet d'une exposition dans le hall situé devant la méridienne du Quartz. Le réalisateur fait montre dans ce film d'une rigueur esthétique qui rappelle les meilleurs travaux de Marc Caro Wikipedia-logo-v2.svg et Jean-Pierre Jeunet Wikipedia-logo-v2.svg ; cerise sur le gâteau, il a pu compter sur la participation de Catherine Deneuve Wikipedia-logo-v2.svg, fidèle à elle-même dans son rôle d'ange des amours impossibles. Les autres films de cette première partie ne dépareillaient pas, excepté Jeunesse des loups-garous de Yann Delattre qui était beaucoup plus conventionnel - mais en général, quand il est annoncé que le film est français et dure plus de vingt minutes, c'est mauvais signe.[1] Parmi les bonnes surprises, signalons aussi Heureux anniversaire, un court-métrage de 1962 réalisé par Pierre Etaix Wikipedia-logo-v2.svg, une redécouverte d'autant plus bienvenue que, comme le rappellent les cartons en introduction, les films de Pierre Etaix sont trop longtemps restés inaccessibles puis ont dû faire l'objet d'un important travail de restauration : on ne peut que se réjouir que ce scandale ait pris fin, tant le public a pu confirmer que l'humour de Pierre Etaix, digne héritier du slapstick américain, n'a rien perdu de sa fraîcheur. Cette première partie s'est conclue avec Sans papier, le clip de la chanson du même nom qui, comme son titre l'indique, évoque la vie de sans-papier qui fut celle du chanteur brestois El Bodoss Watt, lequel a d'ailleurs animé l'entracte dans la méridienne.

L'effet de surprise était déjà moindre dans la seconde partie qui débuta avec Cadoul de Craciun, un film roumain signé Bogdan Muresanu évoquant la vie quotidienne en Roumanie alors que le régime de Nicolae Ceaușescu Wikipedia-logo-v2.svg vivait ces dernières heures : le réalisateur y montre sans fard, à travers le prisme d'une famille de Roumains moyens, qu'une vie "normale" est tout simplement impossible sous une dictature, même quand celle-ci est déjà proche de sa fin ; le "cadeau de Noël" annoncé dans le titre n'est d'ailleurs autre que l'exécution du tyran, décédé le jour de Noël. Le thème de Noël est également central dans Capturing Santa, un film britannique de Peter Cattaneo Wikipedia-logo-v2.svg qui brise un tabou, et non des moindres, celui de la peur du Père Noël que peuvent éprouver certains enfants : la conclusion, quelque peu "politiquement correcte", déçoit presque, mais ça n'enlève rien à la dimension drôlatique et salutaire de ce court-métrage. Par la suite, certaines personnes ont quitté la salle au cours de la projection de A father's day, autre film britannique, dû à Mat Jones : il est vrai que certaines scènes sont assez sanglantes, mais cette histoire où une petite fille et son père, tous deux zombifiés, manifestent autant de tendresse l'un pour l'autre que s'ils étaient encore en vie, parvient à rendre presque touchante la figure du mort-vivant. La soirée s'est terminée en beauté avec la projection de Laissez-moi danser de Valérie Leroy, film pressenti pour le César du meilleur court-métrage.

Mercredi 7 novembre

21h30 : Compétition OVNI (Petit Théâtre du Quartz)

Cette compétition traditionnellement consacrée aux productions les plus déroutantes a été ouverte par un chien, plus précisément par une femelle berger australien appelée "Basket" qui était donc censée introduire la séance et interviewer le réalisateur Nic Fforde. Après cette courte introduction volontairement décalée, la projection a donné raison à l'adage populaire suivant lequel les plus courtes sont souvent les meilleures : entre deux films surchargés (Reruns de Rosto) ou lourdement métaphoriques (72% de Luis Quiles), le public a réservé les applaudissements les plus nourris à des productions de six voire trois minutes tels que L'émissaire de l'accélération de la normalisation des choses où le réalisateur Haroun Zelakiev s'affirme comme un digne représentant du sens de l'humour qui fait la réputation de la Belgique, ou encore Ihanat Naiset Rennalla, film finlandais aussi drolatique qu'efficace signé Artttu Hokkanen. Néanmoins, l'assistance a aussi réservé un triomphe au film de Nic Fforde, Ralph Styles Ultra, qui étire sur quinze minutes les clichés machistes véhiculés par les publicités pour cigarettes des années 1960 : le réalisateur, qui avait exposé les raisons de sa passion pour le cinéma, aurait aussi pu dire que ce métier peut donner l'occasion de faire jouer des bêtises à de sublimes jeunes femmes... Mis à part cette petite merveille d'humour britannique, ce cru 2018 de la compétition OVNI laisse une impression plutôt sinistre, à croire qu'il devient difficile de dépasser les inquiétudes que l'on peut éprouver, plus ou moins légitimement, dans le monde actuel.

Vendredi 9 novembre

22h : Panorama animation 1 (Grand Théâtre du Quartz)

Les programmateurs du festival ont retenu cette année suffisamment de courts-métrages d'animation pour alimenter deux séances assez différentes l'une de l'autre : la première était signalée sur le programme comme contenant "certaines images ou propos [pouvant] choquer la sensibilité du public". De fait, l'animation ne se réduit pas au style "Disney" et on découvre des films assez durs, à l'image de Ooze de Kilian Vilim. Mais l'impression qui ressort de la majorité des films est que certains réalisateurs ne se soucient que de l'esthétique, au risque de négliger le scénario : on a certes droit à des images sublimes, mais ce ne sont que des coquilles vides, il devient difficile de ne pas penser au jugement sévère exprimé par le dessinateur Siné Wikipedia-logo-v2.svg après le festival d'Annecy en 1981[2]. Ainsi, Étreintes de Justine Vuylsteker, réalisé avec un écran d'épingles, a beau être graphiquement sublime, on se lasse très vite de ce film qui ne dure pourtant que cinq minutes et demie ; quant à Ceva de Paul Mureşan, il est franchement hermétique. Il n'est donc pas très étonnant que les spectateurs aient davantage applaudi Coyote de Lorenz Wunderle, qui rappelait les meilleures années de Matt Groening Wikipedia-logo-v2.svg en encore plus sanglant, ainsi que Simbiosis carnal de Rocio Alvarez qui traitait du rapport à la sexualité, notamment féminine, tel qu'il a été amené à changer au cours de l'histoire humaine.

Samedi 10 novembre

16h : Panorama animation 2 (Grand Théâtre du Quartz)

Cette deuxième séance d'animation était présentée comme une projection "découverte", c'est-à-dire "idéale pour découvrir le court-métrage" : de fait, les films projetés ne mettaient pas en scène la violence ou la sexualité aussi explicitement que ceux du premier "panorama animation". Il n'empêche que le sentiment de regarder une coquille vide demeure, notamment devant le film d'école Hybrids, dû à cinq réalisateurs français : ce court-métrage de six minutes et demie avait été présenté par son producteur comme "traitant d'écologie de façon subtile", ce qui est vrai mais n'atténue pas la relative légèreté du scénario. Parmi les films les plus remarquables, signalons encore Les empêchés, film français qui montre, exemple à l'appui, que l'accumulation de nos petites lâchetés nous fait passer à côté de nos vies et peut nous conduire à être indifférent au malheur des autres... Roues libres, de Jacinthe Folon, fait honneur à la réputation de l'humour belge et Raymonde ou l'évasion verticale mérite le détour au moins pour le personnage principal, une vieille poule frustrée doublée par Yolande Moreau Wikipedia-logo-v2.svg.

20h : Remise des prix (Grand Théâtre du Quartz)

Bien qu'elle ne rappelle que d'assez loin l'ambiance compassé du festival de Cannes, cette cérémonie attire relativement peu le public et même les élus locaux ne s'y pressent guère, au grand dam de certains. La séance Made in Breizh y était compétitive pour la toute première fois, avec notamment un prix de la meilleure musique originale : justice est ainsi rendue non seulement à la production régionale mais aussi à l'importance capitale de la musique dans la réalisation d'un film - comme l'a dit Dominique Farrugia Wikipedia-logo-v2.svg : "Le réalisateur fait monter la larme à l'œil, le compositeur doit la faire tomber."[3]

Made in Breizh

  • Prix de la meilleure musique originale : Michele Menini pour La bête de Filippo Meneghetti (France)
  • Prix "Manifest"[4] : Le cavalier seul de Thomas Petit (France)

Compétition française

  • Prix France 2 : Jupiter ! de Carlos Abascal Peiro (France)
  • Prix du public : Venerman de Swann Arlaud et Tatiana Vialle (France)

Compétition OVNI

  • Prix ShortsTV Wikipedia-logo-v2.svg : 72 % de Lluis Quílez (Espagne)

Compétition européenne

  • Prix des "passeurs de courts" : A legjobb jatek de Kristóf Deák (Hongrie)
  • Prix du jury jeune : Sretan Put de Siniša Galić (Serbie-Allemagne)
  • Prix du public : A legjobb jatek de Kristóf Deák (Hongrie)
  • Prix spécial du jury : Fifo de Sacha Ferbus et Jérémy Puffet (Belgique)
  • Prix du conseil départemental du Finistère : Skolstartssorg de Maria Eriksson (Suède)
  • Prix du conseil régional de Bretagne : Prima Lovitură de Peter Kerek (Roumanie)
  • Grand prix de la ville de Brest : La chanson de Tiphaine Raffier (France)

On notera bien évidemment la performance du film de Kristóf Deák, A legjobb jatek, qui a obtenu deux prix ainsi qu'une mention spéciale du jury ; le prix du public lui a valu d'être projeté en fin de cérémonie. Les commentaires justifient cette distinction par le message d'espoir que véhicule ce film hongrois face aux inquiétudes que peuvent susciter les progrès exponentiels de la machine.

22h : Rire sans frontières #3

Comme son titre l'indique, cette projection se propose de faire découvrir au public les différents types d'humour qui coexistent en Europe. Le collectif CAM, composé de trois réalisatrices belges, fut l'alpha et l'oméga de cette séance que les trois jeunes femmes ont ouverte en montant sur scène puis fermée avec la projection de leur film The voice over qui tourne en dérision les codes du cinéma, notamment français. Les Belges ont raison de se moquer de nous : le reste de la programmation leur donnait malheureusement raison. Les suédois n'ont pas peur de l'humour "trash" (Hur det känns att vara bakis de Viktor Hertz), les hollandais produisent des dessins animés échevelés (Catastrophe de Jamille Van Wijngaarden), les Anglais maîtrisent toujours à merveille le no-sense (Fern de Johnny Kelly), les Suisses manient l'humour noir sans retenue (Dispersion de Basile Vuillemin), les Allemands cassent le tabou de l'amertume des jeunes mères (Kleptomami de Pola Beck)... Autant d'audace qui donnent un sacré "coup de vieux" à Cajou, le film de Claude Le Pape qui ne vaut vraiment le détour que pour l'interprétation de Jackie Berroyer Wikipedia-logo-v2.svg qu'il est rafraîchissant de revoir à l'écran deux semaines après la mort de Philippe Gildas[5] : pour le reste, ce film où un jeune jeune homme traîne avec lui une épée offerte par son père à moitié clochardisé ne donne pas une image flatteuse de l'humour français si on le compare à celui qui développent les réalisateurs étrangers... Il faut cependant être juste et reconnaître que le moins drôle des films (The night shift d'Hugo Pedro) était portugais ; manque de chance, on y voyait tout de même une actrice française et non des moindres : Fanny Ardant Wikipedia-logo-v2.svg...

Tous les films qui viennent d'être évoqués ne représentent qu'une infime partie de la programmation du festival ; on remarquera cependant que, sur ce petit échantillon de courts-métrages récents, quatre noms bien connus du grand public sont apparus : s'il n'est pas encore très étonnant d'y retrouver Yolande Moreau et Jackie Berroyer, il est plus surprenant d'y voir Fanny Ardant et même une star de l'envergure de Catherine Deneuve ! Faut-il voir, dans cette présence de vedettes, l'amorce d'une montée en puissance du film court qui serait en voie de ne plus être le "parent pauvre" du long-métrage ? L'avenir le dira.

  1. Ce point de vue n'engage que moi !
  2. Charlie Hebdo n°553, cf. Siné l'oeil graphique, La Martinière, 2016, p.199.
  3. Source : Article sur Julien Jaouen, compositeur de la bande originale du film Bis
  4. Du nom de la société de diffusion et d'exploitation de courts-métrages, nouveau partenaire du festival.
  5. Jackie Berroyer fut un pilier de l'émission Nulle Part Ailleurs Wikipedia-logo-v2.svg.
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