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De Wiki-Brest

Yvonne Morvan, habitante du quartier du Petit Paris (Rive Droite)

Mme Yvonne Morvan

Mme Morvan, vous êtes venu vivre de Plouzané à Brest en 1961, mais que faisiez-vous avant cette date là ? Pouvez-vous nous parler de votre enfance ?


J'ai eu une enfance heureuse. Je suis originaire de Trézien où mes parents avaient une ferme. Nous étions 7 frères et sœurs et la ferme étant suffisamment grande ; nous avions tous assez de travail et n'avons pas été obligés à partir travailler ailleurs. Ma mère ne parlait pas français, elle ne parlait qu'en breton, elle n'avait jamais été à l'école, mais elle savait quand même compter mentalement.

Pouvez-vous nous décrire une journée type à la ferme ?

Le matin, de bonne heure, on commençait par la traite des vaches et après on allait faire les travaux aux champs. Quand il n'y avait pas de travail aux champs, on allait ramasser du petit goémon à la plage. On mettait ce goémon dans des sacs de 50 kilos qui étaient transportés par camion à l'usine à Lampaul-Plouarzel pour la fabrication de produits de beauté. Il y avait aussi la récolte du varech qui se faisait en avril-mai que l'on séchait et brulait fin juin-début juillet pour faire de la soude qui était ensuite envoyée à l'usine du Conquet. Mes frères allaient à la pêche et vendaient leur poisson. On faisait tous les travaux des champs selon les saisons : les foins ... J'ai fréquenté l'école jusqu'à l'âge de 13 ans. A la ferme, on travaillait tout le temps et les seuls moments de libres étaient le dimanche où nous allions à la messe (chacun avait un tour de garde). Nous allions également au Pardon, à pieds, soit à Lampaul-Plouarzel, au Conquet ou à Ploumoguer. Pour aller à la messe, je me souviens qu'on s'habillait « en dimanche » et après la messe on voyait les copains et les copines et on se donnait rendez-vous pour l'après-midi. Le dimanche, en hiver, on ne sortait pas beaucoup, mais l'été, nous allions à la plage. Nous allions rarement au bal. On se rendait aussi à la foire de Saint-Renan, où on apprenait à chanter dans la rue avec une dame. En hiver, le soir, nous faisions des parties de cartes, de dominos après souper à la lueur des bougies et de la lampe à pétrole. Il n'y avait pas d'électricité ; celle-ci n'est arrivée à la ferme qu'en 1955-1956.


Mme Morvan, vous avez connu la guerre, pouvez-vous nous relater quelques faits qui vous ont marqué ?

J'étais encore à l'école à cette époque là, et donc encore jeune-fille, résidant à la ferme de mes parents à Trézien. Quand les américains sont arrivés à la Pointe de Corsen, toutes les habitations ont été évacuées, et pendant 3 semaines, nous sommes partis dormir sur la paille dans une grange à Kéradraon en Ploumoguer, située à 3-4 kilomètres de chez nous. Quand les américains sont arrivés, les réfractaires engagés dans la FFI, ont été faits prisonniers par les allemands qui ont mis le feu dans le tas de paille de notre ferme. Les voisins, des dénommés MORVAN, ont été tués par les russes. Je me souviens que les allemands ont voulu un jour s'accaparer nos chevaux pour aller chercher des munitions au Conquet. Mon frère ayant refusé de les leurs remettre ; les allemands sont donc arrivés avec leurs fusils mitrailleurs, en demandant à mon père où se trouvait son fils fautif. Mon père qui n'a jamais eu peur de personne, a répondu aux allemands qu'ici, c'était lui le patron et que s'ils voulaient tirer, ils pouvaient le faire sur lui et non pas sur son fils. Les allemands ont reculé. Mon père n'a vraiment jamais eu peur de personne. Il est d'ailleurs cité dans un livre sur la guerre. En effet, en 1944, il a montré aux résistants l'endroit où se trouvait le fil du téléphone reliant les allemands du Conquet à la Pointe de Corsen. Cela a donc permis aux résistants de couper le fil empêchant ainsi toute communication entre les allemands.


Vous habitez le quartier depuis 1961 ; comment l'avez-vous vu évoluer ? Quels sont les endroits que vous avez-vu complètement se transformer sur le quartier ?

Premièrement, quand je suis arrivée dans le quartier, en face de chez moi, il n'y avait aucun bâtiment. (un immeuble a été construit en 1968). On était situé en pleine campagne ; il y avait un champ devant ma maison où un voisin cultivait ses légumes. (Le fait de construire un immeuble a fortement diminué la clarté de mon intérieur). En ce temps là, il y avait beaucoup de commerces de proximité implantés rue Anatole France : une alimentation (à la place du salon de coiffure actuel situé 103 Rue Anatole France), une droguerie, un café, les Docks de l'Ouest, une boucherie, une charcuterie, une poissonnerie, une boulangerie ... On dénombrait environ, une bonne dizaine de commerces du carrefour rue de Kerraros/rue Anatole France jusqu'à la pharmacie actuelle située à l'angle de la rue Valentin Haüy/rue Anatole France (actuellement il ne reste plus que 4 surfaces commerciales sur cette portion). Maintenant, je vais faire mes courses à l'Hypermarché Carrefour ; je m'y rends à pieds en moins de 10 minutes. Je suis issue d'une génération qui a toujours marché, à l'époque c'était en sabots de bois : 8 kms par jour pour aller à l'école ! Il n'y avait pas le choix !


Comment avez-vous vu évoluer la société à travers toutes ces années ?

On était plus heureux à l'époque que maintenant. Pourtant, il y a tout ce qu'il faut aujourd'hui. Mais avant, les personnes étaient plus proches les unes des autres, plus solidaires. On se rendait facilement les uns chez les autres et on se rendait service. Maintenant, dès que l'on rentre chez soi, la porte reste fermée à clef. A l'époque, les portes restaient toujours ouvertes, il n'y avait aucune crainte à avoir.

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