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Témoignage d'un mécanicien des Capucins

Témoignage d'un mécanicien des Capucins

Initialement, les ateliers furent élevés pour la construction et l’entretien des machines à vapeur des navires militaires, au 19ème siècle. Au début des années 70 la DCAN recruta en plus des apprentis formés sur place, un millier d’ouvriers, car le Redoutable venait d’être lancé. Pour lui, puis les sous-marins suivants, il s’agissait de créer une structure de maintenance.

Le travail

Le plateau avait plusieurs ateliers : mécanique, chaudronnerie, soudure, ajustage, tours/fraiseuses, électricité, menuiserie (maquettes). Auparavant il y avait aussi une fonderie et sa partie modelage. Toutes ces spécialités travaillaient pour la Marine Nationale, mais aussi parfois pour les pays amis qui achetaient des bâtiments à la France (des chasseurs de mines par exemple). Les ouvriers et le personnel embarqués étrangers, étaient parfois formés aux Capucins. L’essentiel du travail concernait les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) ou lanceurs d’engins (SNLE), de temps en temps les navires de surface. À l’île Longue, d’autres ateliers assuraient les petites interventions sur les quatre SNLE, ils le font toujours.

La genèse du plateau

Durant le 18ème siècle, le plateau accueillait un couvent de religieux capucins, issu de l’ordre de St-François d’Assise. Ces frères, dits mineurs, car "les plus petits d’entre nous", appartiennent à la famille franciscaine, sont mendiants, barbus, et vivent de manière particulièrement austère. Leur nom provient de la bure à capuchon qu’ils revêtent. Les machines toujours présentes actuellement ont servi jusqu’au bout. Pour mémoire, le grand tour a permis d'usiner le porte-hélice de la Jeanne d’Arc (30 mètres de long !). Dans les années 80/90, il y avait plusieurs centaines d’ouvriers aux Capucins et quelques ouvrières.

Le sanitaire et les risques

C’était une autre époque et les conditions d’hygiène/sécurité étaient presque inexistantes. Personne ne portait de casque, de chaussures de sécurité ni de protections anti-bruit. On inhalait amiante et autres métaux, aussi des produits toxiques, tels que les décapants. Cela peut sembler étonnant, mais il y eut peu de graves accidents de travail. C’est à mettre au crédit des ouvriers, grâce à leur professionnalisme et leur esprit d’entraide. En revanche, les maladies consécutives à l’air vicié furent nombreuses, c’est bien sûr principalement le système pulmonaire qui fut le plus touché. De nombreux départs anticipés à 50 ans, furent enregistrés. C’est toujours le cas actuellement, même si les conditions se sont améliorées. Les toilettes étaient constituées d’un simple trou dans la terre en bord de falaise. L'intimité se réduisait à un demi-battant pour les prolétaires. Les chefs, eux, disposaient d’une vraie porte.

Les hommes

Le travail se déroulait dans une bonne ambiance. La "déconne", aidait aux liens entre ouvriers, à la récupération et la détente entre deux travaux. L’efficacité s’en trouvait renforcée. On pouvait travailler sur une dizaine de chantiers en parallèle, lorsque l’activité l’exigeait. Si de nouveaux matériels arrivaient, des formations étaient mises en place, généralement à Paris, dans des entreprises comme Alsthom. Certaines pièces de sous-marin étaient similaires à celles d’une centrale nucléaire. En ce temps-là les définitions des mots collègues et copains étaient bien proches. Il y avait une caisse de solidarité qui servait pour aider lors de naissances, maladies ou décès. Parfois aussi se tenaient des apéros ou tournois de pétanque, et une fois par an, le grand gueuleton.

Christian Le Borgne

C’est à lui que nous devons les informations contenues dans cet article. Brestois d’origine et actuellement Plouzanéen, il a tout comme son père, travaillé à l’arsenal de 1973 à 2005. Après une formation d’ajusteur mécanicien à Landerneau, il a été embauché à l’atelier de mécanique machines (réparation) du plateau des Capucins. L’accès à cet emploi se faisait par examen. Il s'est occupé principalement des pompes hydrauliques et des compresseurs d’air des SNLE/SNA.

Les salaires

Concernant les salaires et pensions de retraite, les ouvriers de l’Arsenal avaient pleinement conscience d’être privilégiés par rapport à leurs homologues du privé. Au début des années 70 ils étaient encore payés toutes les deux semaines en espèces, puis vint l’obligation d’avoir un compte en banque. Les Capucins fermeront en 2003, mais pas les ateliers R, qui descendront près de l’embouchure de la Penfeld. Ceux qui ont vécu ces années là en gardent un souvenir de fraternité, d’efficience, de bonne humeur et de fierté du travail bien fait.

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