Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix
Un vibrant plaidoyer pour la démocratie
Cet article est extrait du Magazine Sillage N°108 - avril-mai 2005 |
C'est à l'invitation de deux Brestoises, Patricia Adam, députée du Finistère, et Forough Salami, conseillère régionale, que Shirin Ebadi, prix Nobel de la Paix en 2003, a passé une journée à Brest et rencontré de nombreux sympathisants. C'était le 8 mars, journée internationale de la femme.
Une grande dame, prix Nobel de la Paix une journée entière à Brest, et qui plus est, le jour de la journée internationale de la femme. L'événement n'est passé inaperçu et a suscité un certain émoi. Il est vrai que la personnalité et le charisme de Shirin Ebadi ont impressionné ses hôtes tout au long d'une journée-marathon entamée par une rencontre avec les élus brestois, puis une conférence de presse et une réception à l'hôtel de ville. Plus tard, l'avocate iranienne a rendu visite à ses confrères brestois au tribunal de grande instance avant d'entamer un court débat avec des lycéens de la Rive Droite puis de participer à une conférence publique dans un amphi de la Faculté des Lettres archi-comble. Première femme nommée juge en Iran (en 1974), Shirin Ebadi a siégé quatre ans durant en tant que présidente de la Cour de Justice de Téhéran, mais a été contrainte d'abandonner son poste en 1979 après la révolution islamique. Les mollahs considéraient les femmes trop émotives pour occuper un poste d'une telle importance! Depuis, elle subit vexations et mise à l'écart, mais continue à défendre avec force les droits des femmes, des enfants, des prisonniers politiques, ainsi que la liberté de la presse.
Lors de sa conférence de presse, elle a évoqué les guerres qui secouent le Moyen Orient : "La guerre, hélas, choisit aussi son camp. On compte le plus grand nombre de victimes chez les femmes et les enfants. Et après la guerre, ce sont encore les femmes qui subissent durement les conséquences sur le plan économique et humanitaire". Et la démocratie ? "L'islam et la démocratie sont compatibles. Il y a deux catégories de pays qui ne le pensent pas. Ceux qui se cachent derrière le bouclier de la religion pour justifier la dictature et l'oppression. Pour eux, critiquer l'absence de démocratie, c'est critiquer l'islam. D'autres pays ont intérêt à déclarer l'islam incompatible avec la démocratie parce que certaines personnes y ont des intérêts économiques dans la guerre. Ils estiment alors que les notions de démocratie et de droits de l'homme sont des valeurs occidentales et ne peuvent s'appliquer en Orient. Tous ces pays sont dans l'erreur. Quelques mouvements démocratiques émergent dans des pays musulmans. Mais ils sont fragiles. C'est à l'Occident et à l'Europe notamment de soutenir". Plus tard, Shirin Ebadi a revendiqué un islam tolérant. Elle a fait remarquer que "si la laïcité était une bonne chose, elle n'était pas en soi suffisante pour garantir aux femmes une place pleine et entière dans la société".
Face aux lycéens, la militante des droits de l'homme - ou des droits humains comme l'écrit Amnesty International - a aussi évoqué la condition des jeunes dans son pays et déploré l'absence de mixité dans les écoles et l'obligation pour les jeunes filles de sortir la tête couverte mais "œil ne faut pas combattre le port du voile, mais plutôt l'intégrisme et le fondamentalisme religieux. Il faut combattre ceux qui n'acceptent pas l'opinion des autres. En Iran, les filles scolarisées sont de plus en plus nombreuses. À l'université, on compte davantage de jeunes femmes que de garçons. Le féminisme progresse dans le pays".
En fin d'après-midi, dans un amphi plein à craquer, la première femme juge en Iran est revenue sur ces différents combats et dénoncé la culture patriarcale de certains pays "où la polygamie et la répudiation sont autorisées et où on appelle une femme par le prénom de ses fils". Shirin Ebadi a aussi mis en évidence les contradictions du code de la famille iranien. Pour les votes, les femmes sont les égales des hommes. Mais lorsqu'il s'agit de témoignages ou d'héritage, une femme vaut la moitié d'un homme. Une fille de 11 ans est pénalement responsable mais pas son frère jumeau qui ne le sera qu'à 15 ans. Et de conclure : "l'amélioration de la situation des femmes dans les pays du Moyen Orient passe d'abord par l'instauration de la démocratie, mais cette démocratie ne s'exporte pas par les armes !" Une allusion saluée par l'assistance.
Rencontre avec les élus brestois en mairie, conférence de presse, réception officielle, débat avec des lycéens, conférence à la faculté des lettres, une journée-marathon pour le prix Nobel de la Paix.
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