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Mme Leroux, institutrice

Mme Leroux, institutrice


Entretien réalisé à la MAPAD des Quatres Moulins par Dorine Caroff, Matthieu Colin, Léna Madec et Maëlle Venneugues.



Pourquoi êtes-vous devenue institutrice?

Mes parents étaient déjà enseignants, j'ai été élevée par une grand-mère car nous étions trois enfants qui nous suivions. Je suis allée toute jeune chez ma grand-mère à Brest, car elle y tenait un commerce. J'admirais les professeurs, mes parents étaient dans l'enseignement, j'ai trouvé que c'était naturel de suivre leur exemple. J'aimais les enfants, le contact avec les personnes, voilà comment mon métier s'est dessiné.

Pendant mon activité, j'étais logée à l'école, la retraite venue, on a acheté un appartement avec mon mari.


Vous étiez dans quelle école ?

J'ai terminé aux Quatre Moulins, c'est pour cela que je suis encore ici. Pour commencer, j'étais dans la région d'Huelgoat, après je suis venue à Landivisiau. Je n'ai pas fait 36 postes comme font certains. Je n'ai pas beaucoup bougé, car je m'intéressais à la vie autour de l'école, à organiser des fêtes.


C'était des élèves de quel âge?

J'ai tout eu! A Landivisiau, c'était difficile car les deux écoles étaient juste en face l'une de l'autre : école privée et école publique. Le jour du Certificat d'Etudes, on demandait toujours combien de reçus à l'école privée et à l'école publique. Mais le rapport était bon, la religieuse venait souvent me demander si elle pouvait profiter de la voiture de l'école. Les commerçants étaient «Â commerçants », j'étais toujours bien reçue quand j'allais faire le tour des boutiques avant les fêtes de l'école.


Vous avez suivi une formation pour être professeur des écoles?

J'ai commencé par faire des suppléances. C'était en 1932, c'était la dernière année où on prenait des suppléants. J'avais une amie à l'Ecole Normale qui a parlé de moi à la Directrice. Elle m'a donné conseil de rentrer à l'Ecole Normale. J'ai suivi son conseil. J'ai fait mon travail avec goût, car j'aimais mon travail. Quand on fait quelque chose, il faut être attiré.


Pendant combien de temps avez-vous été institutrice?

J'ai fais 40 ans. J'ai commencé à 20 ans. Je serais restée encore, mais physiquement, il faut bien arrêter à un moment donné! Mais quand on fait quelque chose avec plaisir et qu'on se sent apte à le faire!


Vous étiez institutrice pendant la guerre, comment cela se passait?

A ce moment là, j'étais à la campagne, je suis restée à côté d'Huelgoat. J'avais eu mon changement pour Landivisiau, mais j'ai refusé car j'avais deux jeunes enfants, et je préférais par sécurité rester. Mais c'était dangereux, car j'ai une amie qui a été tuée par les allemands. Mon mari était dans la résistance et il fallait se cacher, un jour dans une ferme, un jour dans une autre. Il a été arrêté comme résistant, il a fait le Château à Brest, Rennes, Villeneuve Saint Georges et delà il a réussi à s'évader. Les allemands sont venus me voir à l'école pour me demander où était mon mari, mais j'ai fait l'idiote alors que lui ouvrait la fenêtre et partait dans les champs.


Il y avait une école de filles et une école de garçons?

Oui, moi j'avais les filles.


Vous aviez une matière spécifique?

Non, je faisais toutes les matières, mais moi personnellement, j'étais plus axée sur les sciences et les maths. Mais cela dépendait aussi des besoins de l'école. Après, l'école a été obligatoire jusqu'à 16 ans. Avant, après le certificat d'Etudes à 14 ans, ils partaient travailler là où ils trouvaient, dans les champs. Et à cette époque là, le certificat permettait d'avoir certains postes comme aux Chemins de Fer. Maintenant il faut continuer les études.


Comment se déroulait votre semaine?

A cette époque, le jour de congé était le jeudi. On commençait l'école à 8 heures.


Il y avait une cantine pour les enfants?

Il n'y en avait pas avant, et puis j'ai trouvé que des enfants qui faisaient 4 à 5 kilomètres pour aller à l'école et qui restaient dans un coin de la cour avec leur deux tranches de pain, ce n'était pas normal. C'est moi et mon mari, on a fait un bal pour avoir de l'argent et acheter du matériel. Le maire a été mis au pied du mur et on nous a donné un local pour la cantine. Mais ce n'est pas tout, il fallait acheter la nourriture, le matériel. Tout le temps où j'étais là, c'est moi qui l'ai fait. Après il n'avait qu'à suivre mon chemin.


Comment était la relation entre vous et vos élèves?

Tout le monde était pour l'école, c'était avec plaisir que l'on essayait de faire quelque chose, car on sentait que la population était derrière nous. Les élèves me respectaient, je n'ai pas eu de difficultés. Un enfant est un enfant, il faut suivre son évolution. Il y a toujours eu et il y aura toujours des enfants plus durs que d'autres. Quand je disais quelque chose tout le monde m'écoutait.


Il y a des élèves qui vous ont marqué?

Oui, certains. Il y en a qui ont fait l'Ecole Normale. Pendant les vacances, on venait me voir, on m'envoyait une petite carte. Il y en a une qui m'a touchée, qui était pourtant une élève dure au point de vue comportement. Quand elle est allée à Quimper et que j'ai reçue sa petite lettre, où il était marqué : «Â Malgré toutes les misères que j'ai pu vous faire, ... ». Mais je lui avais pardonné bien sûr!


D'autres sont venus vous voir?

Oui, mais surtout quand il y avait des fêtes à l'école. Il ne faut pas non plus idéaliser de trop.


Comment voyez-vous l'éducation aujourd'hui?

Je trouve qu'il y a un peu trop de laissez-aller. Je pense qu'au départ, il y a un peu de la faute des parents. Car l'enfant étant le roi chez lui, s'imagine qu'il peut continuer à faire pareil à l'école. Mais peut-être que mes petits-enfants font pareil! Mais je pense que si les parents se rendaient compte, ils mettraient le hola.


Vous arrivez-t-il de punir les élèves qui n'obéissaient pas?

Oui, bien sûr. Une fois, j'ai craqué en couture. Il y avait une élève à qui il manquait toujours du matériel, qui copiait sur les autres. A la fin, quand je l'ai vu copier sur une autre, c'est parti, après j'ai regretté. Mais ça arrive, on est pas toujours maître de soi.

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