Jean Kergrist, historien et romancier
Cet article est extrait du magazine Patrimoines brestois |
La sinistre réputation du bagne de Glomel résonnait jusqu'à Brest. Le bagne de Brest n'était pas le seul en Bretagne. Dans les Côtes d'Armor, des centaines de bagnards ont creusé la Tranchée de Glomel, sur le Canal de Nantes à Brest. Quel rapport entre les deux ? Entretien avec Jean Kergrist, historien et romancier.
Quel est le dénominateur commun entre les deux bagnes ?
Assurément, le Canal de Nantes à Brest, conçu par Vauban pour désenclaver Brest, port militaire, en cas de blocus anglais. Les bagnards des Côtes d'Armor travaillaient au creusement de la tranchée de Glomel. Longue de 3,2 km, profonde de 23 mètres, elle assure la jonction entre l'Aulne et le Blavet et constitue le point culminant du Canal (184 m). Pour vous rendre compte de ce chantier, imaginez que la quantité de déblai produit par ce creusement est comparable au matériau nécessaire à l'édification de la pyramide de Khéops en Egypte. Toutefois, le bagne de Glomel fut assimilé à tort à celui de Brest, car si Brest abritait des prisonniers de droit commun, Glomel était réservé aux condamnés militaires.
Le traitement des bagnards était-il égal d'un bagne à l'autre ?
Un black-out presque total a régné sur les bagnes militaires, empêchant de prendre la mesure de leur réalité. Au fil des recherches, qui se poursuivent encore, nous avons des éléments concrets sur les conditions de vie d'un camp qu'un médecin de l'époque n'hésita pas à qualifier de “cloaque infect”. Les bagnards y vivaient dans le froid, la boue, l'humidité, dans des baraques en bois et paille équipées seulement de hamacs. Bon nombre d'entre eux moururent - entre autre - du paludisme, une maladie longtemps non identifiée. Les conditions de vie étaient à ce point difficiles que les bagnards de Glomel lacéraient leurs effets d'habillement ou de campement dans le seul but d'être traduits devant le conseil de guerre à Brest.
Pourquoi voulaient-ils aller à Brest ?
Ce n'était pas pour y être transféré au bagne. Celui-ci était réservé aux seuls prisonniers de droit commun. Mais les conditions du bagne brestois étaient plus “douces” : il y avait des paillasses, des latrines, l'eau courante et les prisonniers y étaient davantage en contact avec la population, à laquelle ils vendaient mêmes des petits objets. Non, en venant à Brest se faire juger, ils avaient l'espoir de s'évader en chemin ou d'être envoyés, après jugement, dans un autre bagne militaire. A La Rochelle, par exemple, qui avait la réputation d'être plus vivable. Ce stratagème pour échapper aux miasmes de Glomel fonctionna quelque temps jusqu'à ce qu'il fut éventé. Mais son usage témoignait de l'enfer de ce bagne. Les prisonniers qui passaient devant le conseil de guerre de Brest savaient pourtant bien qu'ils allaient, en s'y présentant, doubler leur peine. Les bagnards de Glomel ne furent jamais abrités au bagne brestois. En 1832 toutefois, ils furent conduits au fort de Quélern en presqu'île de Crozon, à la suite d'une alerte au choléra. Ils y restèrent deux ans et se révoltèrent même un jour contre des barbiers dépêchés de Brest pour leur raser la tête ! Apprenez enfin pour l'anecdote, que l'expression “Tonnerre de Brest” n'avait pas d'équivalent à Glomel. Les évasions n'étaient pas signalées par des coups de canon mais par les cloches de l'église. Les candidats à l'évasion attendaient l'angelus, quand les cloches sonnaient à toute volée, pour se faire la belle !
Auteur : Monique Férec
Extrait du Patrimoines Brestois N°6 - Le bagne de Brest - Hiver 2008
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