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De Wiki-Brest

Jean-François Joubert, écrivain

Jean-François Joubert est un écrivain, poète, né à Brest en 1969, et vivant aujourd'hui (en 2017) dans le quartier de Saint-Marc à Brest.

Textes poétiques proposés par cet auteur

Lieu

Le lieu, dans son milieu. Tourelle rouge, entourée de vagues qui l'immergent, la noient et la laissent impuissante, transpercée par les éléments.
 
Le vent de mer, et sa force camisole, l'affolent, mais elle tient. Comment ?
 
Ce monument de pierre flotte, il guide ceux qui viennent de l'île, Ouessant. Voyez ces marins aux séants trempés, cherchant l’abri du port. Tempête et violence, l'Iroise répand ses veines, brûle et bouillonne. Des roches acérées, aux arêtes affûtées, affleurent. Ce bout de terre en mer désire dévorer le bateau, tristement secoué par les flots. La colère gronde, la laine blanche des moutons est de sortie, les vestes de quart aussi...
 
Ce bleu/vert en mouvement laisse les poissons au fond, et ce navire qui galère, que fait-il ?

            Regardez, l'humain hurle, lui qui se sait si petit face aux éléments !
 
Encore des goélands, qui s'isolent dans le ciel. L'idée lumineuse du reflet du soleil apparaît, entre les pierres de l'aber. L'astre exhausse leurs prières, petit guide innocent pour ceux perdus en mer. La fureur des bords de mer efface presque les désirs d'îles, de Molène, de Sein, et de celle qui perd lueur et sang. Plein ouest, le Stiff sort de l'ombre. Immense phare qui indique les caps éloigne des dangereux murmures du Fromveur, magnifique courant au trouble sourire carnivore.
 
Combien de naufrages ?
 
De pleine page, la mer ôte ses chaînes quand le vent siffle, et le marin balancé retient son souffle.
 
Hors du chenal du Four, il reste cette tourelle, ce rouge pierre en pleine eau, qui masque nos maux.


Le parchemin

Sur le parchemin de mon enfance, je croise des ombres. De vagues silhouettes ondulent le long de mes souvenirs. Cette cime de pin qui m'indiquait le vent a disparu, morte un jour de tempête. Mes fantômes me hantent quand le couteau se plante, l'arbre a froid et la mer se démonte. Parfois, je me perds dans le couloir de l'enfance, dans ces quarts d'heure de fous rires que je n'oublie pas, de jeux, du plaisir de naviguer.
 
Adulte, je fuis l'oppression que m'offre la vision d'un vingt heures, la guerre, les accidents, le commerce. Moi, je rêve et je m'éloigne du bruit quand je vole de nuage en nuage, une musique en tête, celle d'un mur que l'on ne brise pas. Ce qui me manque maintenant, ce sont tes yeux verts, douce atmosphère, et cette peur du lendemain.
 
La mort ne m’effraye pas, mais souffrir, je ne le veux pas.
 
Tu as quitté le nid que je voulais construire. Alors, je croise des mouettes sur l'Atlantique Nord, je m'exile sur une île, triste et solitaire, sans la présence de cette émeraude, ta pupille phare. Plus plié qu’un peuplier, je refuse l’image du saule pleureur. Mais sur ce sentier de terre battue, je suis à genoux.
 
Sans ton reflet, le monde est abstrait.


Jadis, Nantes, un passage sous le château de la Duchesse Anne de Bretagne... Un saut de puce (pas savante) ce midi. Heure solaire, le cadran à l’ombre... je me rends au bourg de Saint-Marc par la route aux Camélias, avant le parc. La plaque porte le nom de cette grande dame de nos cahiers d’Histoire, est-ce un cygne de l’enfance ? Parfois le dimanche, du pain à la main, je nourris d’illusions mouettes et canards. J’aime promener mon regard, y trouver un wallon au Stang-Alar, celui de ma poussette, devenue obsolète, et de l’eau qui déroule son courant d’air jusqu’au Moulin-Blanc. Cormorans. Un couple convole vers nulle part sur des bouées, bateaux sans déesse à la barre franche. Des goélands marrants survolent la question : que fais-je à l’aube de ma cinquantaine rougissante ? Rien. Je végète, deviens sapin, quand d’autres conifères me convient à me taire, chut, le ciel danse, attention : soleil sur Brest, la ville aux quatre saisons, pas en enfer, ni aux oiseaux du paradis. Une ville qui m’adopte, orphelin de ma reine de tarot, ma carte-cœur, celle de l’as de pique. Serpent versatile, je rêve à un voyage : celui de l’île de Pâques, pour là inscrire ton prénom... pour continuer la flûte de paon et te faire la cour sur un nuage de vent, gris, poussière d’étoile, magie, juste d’aimer une fleur, une pâquerette... secrète... un projet concret de naviguer sur l’Océan de ma mémoire...


Papillon

Un arbre papillon ne vole pas, pas plus qu'un saule pleureur ne lâche une larme de bonne heure. Pourtant, leurs racines causent de la pluie et du beau temps. Une aigrette dans le cœur, je voyage sur le murmure de mon imagination, un geai cache sa beauté de réalité, ses plumes bleues m'entraînent loin de ces murs que l'on dit noirs. Ma mémoire prend l’ombre depuis que le soleil s'éclipse, années sombres...
 
J'aime jouer et percer les secrets, ceux du silence, ceux de l'absence. Mon bateau prend l'eau azur mais sans savoir pourquoi, je ne sombre pas. La rage n'a pas d'abri en mon corps. Porté par des vents illusoires, je refuse le déclin trouble de l'enfance. Je nage à marée basse sur un fond de vase, sans fleur, sans épine. J'avance vers la lune à l'abandon. Sans lumière je vois clair, et si des éclairs parcourent le ciel, ils ne sont pas là pour me reprendre mon âge mûr, ce fruit de l'avenir. Ma peau décline à côté d'un cyprès, ses feuilles me protègent de l'ennui. Mon essence fuit, pas mon goût de l'ignorance de l'au-delà, de ces nuages qui filtrent votre peau tout en convoitant votre enveloppe charnelle. Je rêve d'une plage de gravier ou d'ardoise, pour valser de ricochet en ricochet et rire d'être en hêtre. Un jour ou peut-être une nuit, je partirai, moi aussi, voir si les taureaux ont des cornes, en Andalousie ou au Zimbabwe.
 
L'oiseau de feu m'a donné des ailes.


Migrateur

Ils voyagent, vers les îles, bêlent, ailes, ni moutons
Ni emprunts, jamais d'empreintes sur un air de jazz, être
Ni embruns, leurs volent d'aigles regard d'acier, ôtons
Le temps de braise, Tétras lyre, un chasseur de son, hêtre

Tarin des aulnes, troglodytes mignon, sterne, oie, mouette
Rieuses, Hulottes, Rossignols Philomène sans un salaire
Pie, nid, goéland pas vil pour un sou, roi désert
Ballade de citadin, l'oiseau cajole vos rêves de couette

Un cauchemars pour les grenouilles, et les moustiques
Ses migrateurs dans leur têtes de plomb, un cadran
Solaire, une lumière de plomb, chasseur évitez le tic

Ayez du tact, tic, soyez au rendez-vous de la mondialisation
Circulation permise des devises, dévoreur d'espace, laissez
Vivre, son chemin, son alexandrin, osons l'immigration


Les couleurs complémentaires

La quête de l'âme sœur est celle de la couleur complémentaire, quand elle voit rouge, vous voyez le jaune vert, elle panse vos bleus et votre colère orage aussitôt se range. L'orange l'affole et vous le savez !
L'humeur sauvage, vous allez d'îles en îles découvrir sa pensée, vous qui la savez aussi belle et mystérieuse que la couleur bulle. Si je me permets de parler d'amour, c'est évidemment parce que je n'y connais rien, c'est une absence et donc j'observe. Autour de moi, la terre tourne, des couples se forment et s'effritent, accompagnez-moi un instant dans ce voyage, il va prendre corps, et plaisirs, car vos yeux vont lui offrir un cœur :
Lui abricot et elle grenat, pas mal non ou l'autre et peut-être est-ce le vôtre. Je ne vous souhaite pas l'aubergine marengo, il sonne faux, voyez plutôt l'ébène tango, ce couple m'apparaît moins sombre, plus rigolo. Plaisir des mots, les lèvres pourpres offertes aux désirs, allons, replongeons dans ce tourbillon de ton, le bronze olive et les cerise pistache sympathiques, mais ils sont difficiles, un peu complexe, des glaces aux narcisses et des éclats de fric, surréaliste. Non, allons un peu de patience, nous devrions tomber d'accord et je vous ai avertis : l'amour pour moi est un silence ou un langage des signes. Tellement étrange cette musique, le scénario est inscrit quelque part, mais la partition est indéchiffrable. Je n'y comprend rien d'accord, mais le béotien que je suis n'a aucun rêve de couleur, sa vie est noire et blanche. La voyez-vous cette plage ?
Non ?
Un petit effort, le sable est serin, sous des serviettes, l'homme crevette la femme tango, suivaient leurs regards comme eux suivent ces vagues qui dansent, les voyez-vous les cocotiers et le ciel outremer ? Elles vous bercent ces ailes, non ?
Le perroquet et l'oiseau mouche offrent leurs plumages, là, à vous d'inventer, les rouges, les verts et leurs nuances, tomate, topaze, mastic moutarde ou prune. Moi, ce que je vous ai offert, ce sont juste les couleurs primaires, et comme je ne suis pas une lumière, ce sont leurs effets pigmentaires. La vie est un tableau clair/obscure à l'intérieur duquel le navigateur avance au petit bonheur la chance, vous ne croyez pas ?


Le golf de l'aurore

Je promenais mon amertume, nonchalant, entre le golf de l'aurore et le lac de la lune, quand je la vis insouciante sur ce tapis d'étoile. Elle flottait, cette bulle, dans l'espace, à droite du firmament : position deux minutes dix degrés au Nord des têtes de lions, là où j'imagine se trouver le septième ciel.
Quel était son prénom ?
Continuant à marcher dans cette prairie aux airs d'automne, ma mémoire refusait d'oublier son image, elle en compagnie de quelques sœurs, que je pouvais nommer : Antarès, Aldébaran et Vénus.
Je sentais leurs regards et poursuivais ma route, conservant en moi quelques notes de musique, et ce bain d'insouciance. La prairie restait muette, presque insolente sous le vent de mes caprices. J'oubliais le cœur même de ma balade, ce mal qui poursuivait mes veines, le tropique du cancer. Ce nom de fleur qui crève de sueur sous ces tempêtes de rayons solaires, et aussi curieuse que cruelle, s'infiltre sous nos pull-overs.
Seul remède que je connaisse une offrande de soûl, de blues, ou une belle âme pour Jupiter, mais sans preuve formelle de guérison...
Le chemin s'annonçait aussi long que celui d'un voilier abandonné sur l'Océan, par son moteur, et la discrétion manifeste d'Eole. Cette voix d'absence, je la vivais de naissance, si seul, si vide avant de recevoir en pleine face cet éclat de lumière, touché, je pensais...
Mes pas se faisaient silence sous cette douce mousse, et ma cervelle de mésange devenait un œil qui se goinfrait de tout son sang. Les idées fixes, je planais au-dessus du marécage d'Hellas, un bien jolie voyage, sans ailes.
Le temps avait l'arrogance de l'absence, et je fus surpris d'aller à la rencontre, non pas d'un cours d'eau, mais d'un corps vaillant. Elle semblait m'attendre sur cette roche de diamant, innocente et réelle. Un peu surpris par l'agate bleu rubis qui perçait la nuit et m'attirait dans d'autres ennuis que ceux de cette maladie imaginaire, et bien que mon visage devant son air entendu devint de cette couleur, ce rouge de Mars que nul ne peux saisir, j'acceptais tout d'elle : son destin, sa main, et son sourire...
 

Mr Joubert Jean-François


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