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De Wiki-Brest

Interview Blue Chill

Le projet

Concert Place de la Liberté

En 2004, Laurent et Zima sont à Lorient et ont une envie de «Â groupe à guitares ». Des musiciens les rejoignent, vont et viennent, mais ils forment tous les deux le noyau dur du groupe. Lorsque Zima part en Alsace et Laurent à Brest, le projet musical continue d'un bout à l'autre de la France par le biais de morceaux mp3. Laurent rencontre des musiciens Brestois qui prennent en marche l'univers de Blue Chill, apportant leur touche. Blue Chill, c'est un peu comme une «Â grande famille ». Si la formation principale est composée de trois guitares, d'un clavier, d'une basse et d'une batterie, des musiciens de passage ajoutent leur patte à certains morceaux. Ainsi, un spécialiste des effets a intégré la formation pendant un temps, un ami violoniste est aussi intéressé pour participer un jour. Zima, revenu d'Alsace pour jouer sur la Place de la Liberté à l'occasion de la Fête de la musique 2009, s'est fondu dans le groupe en improvisant au glockenspiel [1] et au tambourin. Le groupe est en fait un collectif, car il n'est pas fermé aux intervenants extérieurs aux six musiciens qui sont là de façon durable.

Le style

Plutôt classé dans la catégorie rock alternatif, Blue Chill ne s'arrête pas aux étiquettes et explore tout ce qui est possible de faire, de la folk à l'électro. «Â On est pas très exigents sur la façon dont les morceaux doivent sonner. C'est un art vivant la musique, ce n'est pas aussi formel qu'un artisan qui doit faire plusieurs fois la même chaise », explique Laurent.

Des albums faits maison

Les albums sont toujours mixés à la maison. «Â Ca ne coûte pas cher mais ça coûte du temps ! ». Laurent se charge des mixages. Le premier album est fait de morceaux expérimentaux. Le second est plus mature, le son des guitares plus soigné. Bien qu'après le quatrième, Laurent soit intéressé par l'électro («Â je me disais que je me passerais des guitares »), le cinquième album est entièrement folk. «Â Apprendre à jouer de la guitare c'est pas mal et ca faisait longtemps que je m'étais pas confronté à des difficultés parce que la guitare électrique, avec une distorsion pour tout cacher ou tout gâcher, c'est plus facile ». Séduit par le «Â toucher des doigts sur les cordes » et «Â l'interprétation directe », Laurent avoue avoir quand même «Â bidouillé » la guitare en la désaccordant (pour obtenir des sons de sitar ou de basse) ou en s'en servant comme percussions. Avant d'enregistrer en studio, le groupe devra être parfaitement en place. Il est vrai qu'il y a une différence entre la prestation physique et le mixage artisanal d'un mp3. Il faudra agencer les différents goûts musicaux de chacun pour faire quelque chose de cohérent, pour mûrir. Néanmoins, le groupe n'est pas encore satisfait. «Â Les concerts, c'est pour se faire la main. On ne sait pas s'il vaut mieux faire des bons albums ou des bons concerts, les deux vont se servir mutuellement. »

L'interview

Rencontre avec Laurent, cerveau de Blue Chill, dans le cadre d'une collecte sur les artistes locaux. A l'occasion du forum Brest en Bien Communs, il nous parle de son groupe mais surtout de sa position par rapport à la libre circulation de la musique sur Internet.


Pourquoi avoir choisi de faire un cinquième album plutôt folk ?

Nous, on déteste la folk, on trouve ça insipide. On s'est dit que ce n'était peut-être pas le style qui était insipide mais les réalisations dans ce style. Ca a facilité la transition entre l'ancien groupe (Laurent et Zima) et le nouveau puisque qui dit folk dit minimaliste. Même si on a usé de beaucoup d'effets, on n'a utilisé que des guitares, même pour les percussions. Les trois guitaristes du groupe ont joué ainsi que Zima, et j'ai aussi fait appel à des camarades éloignés. L'un d'eux m'a filé un morceau à lui. J'ai arrangé la structure et on en a fait un morceau à nous, en collaboration. C'est assez intéressant de faire un album avec des «Â guests »[2].

Blue Chill réussit-il à avoir un public malgré ces changements de styles ?

En musique on peut changer d'instrument, mais l'identité musicale reste la même : les façons de composer, la voix. Il y a une évolution du style et c'est justement ça le style. C'est comme le verbe «Â être », c'est difficile de l'utiliser pour un humain puisqu'on est constamment en train de changer. Finalement, c'est plus une évolution qu'un changement. Le public d'Internet aime notre musique depuis le début, il demande des nouvelles. Il faut avoir foi en un groupe pour le suivre mais comme les albums ne se succèdent pas tous les mois, c'est assez facile de lâcher... Ce n'est pas notre priorité d'avoir un public sur Brest parce qu'on est très peu indulgent sur nous-mêmes. On va travailler encore, on a besoin de temps pour être content. Il y a des gens qui viennent nous voir en concert, des amis notamment, mais on ne sait pas trop s'ils aiment vraiment ou si c'est par complaisance qu'ils disent ça. En tout cas, si on plaît à des gens, on pourrait se plaire à nous, et pour l'instant ce n'est pas le cas.

Que penses-tu de la libre circulation de la musique sur Internet ?

Internet c'est volatile, il y a des gens qui passent, qui écoutent. Ça fait plaisir de voir qu'il y a du passage mais les gens ne laissent pas toujours un commentaire pour dire ce qu'ils en pensent. On ne fait pas de la musique pour la reconnaissance, c'est plutôt une pulsion qui vient de l'intérieur. C'est un ouvrage laborieux, fait avec plaisir mais aussi dans la douleur.

Il y a quelques années, j'ai envoyé des maquettes dans toutes les grandes radios et maisons de disques de Paris. C'étaient des CD gravés, avec une jaquette écrite au stylo. Je n'ai pas eu une seule nouvelle. Comme tout le monde, je pensais qu'il suffisait de jouer avec des copains, d'être repérés et de signer pour sortir un album et être connus. Tout le monde fantasme le succès dans la musique comme cela.

Parallèlement, j'ai mis quelques morceaux en mp3 sur MySpace. C'était sympa et facile. Ça permettait d'avoir une plateforme où les gens puissent écouter sans se sentir harcelés. J'avais tenté de faire un site moi-même, mais il fallait l'actualiser et c'était difficile de fidéliser les internautes. Cependant sur MySpace on ne pouvait mettre qu'une dizaine de morceaux. Sur un autre site, Jamendo, les titres sont rangés par album, numérotés, avec un descriptif de l'album. J'aime bien cette idée de diffusion facile et gratuite parce que l'argent est un frein.

Il n'existe pas d'albums matériels de Blue Chill ?

Le concept d'album est là puisqu'il y a des cohérences stylistiques et des périodes d'enregistrements, mais ca n'existe pas en CD. J'en grave quand les gens en demandent. L'ordinateur c'est bien comme lieu de passage mais il y a des contraintes : tout le monde regarde un peu, écoute un peu mais c'est d'abord un écran... Faire payer un album c'est un problème pour nous, on préfère le don. Ce serait sympa d'éditer les CD mais il n'y aurait plus la logique de la gratuité. Si on fait des albums un jour il faudra conserver des choses gratuites. Je compile tous les mp3 qui ne sont pas dignes, comme des lives pas très biens enregistrés. J'en ai environ 150, ce sont des archives un peu plus «Â sales » pour les curieux. On pourrait aussi apporter quelque chose en plus, pour que le CD devienne un véritable objet, avec une belle pochette. Un CD triangulaire ça me plairait mais ce n'est pas encore possible ! Le CD ne serait pas juste un moyen de transporter la musique.

Finalement pour Blue Chill, la musique c'est un plaisir plus qu'un espoir de gagner sa vie ?

Oui, on fait de la musique pour communiquer et pas pour survivre. Commercialiser sa musique c'est fixer un prix. C'est pervers parce que la musique c'est de l'art, c'est quelque chose qui vient de l'artiste. Ce n'est pas le public qui doit diriger les modes de fonctionnement de l'artiste, il est là pour recevoir les œuvres. Si on utilise la musique pour vivre financièrement, on en fait des recettes qui n'ont aucun rapport avec l'art. Je préfère l'idée d'être enrichi spirituellement par des gens. Être en relation avec les gens par l'argent, c'est détestable. L'argent devrait être plus anodin.

Quel est le point de vue de Blue Chill sur la loi HADOPI [3] (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet)?

Ceux qui défendent HADOPI mangent à leur faim, ils font des boulots de dieux vivants. Au lieu de leur payer des séances chez le psy, on leur paye des albums. Il faut arrêter d'être capricieux, de vouloir gagner sa vie en faisant de la musique. Je suis pas un rêveur, je sais que je ne deviendrai pas riche, mais au moins j'aurais raconté des choses. On peut se débrouiller seul, avec d'autres moyens que les investissements des maisons de disques. Les gens veulent des guitares à 10 000 euros, des ordinateurs, ils veulent du luxe. Du coup les idées n'ont pas le temps de germer. On voit des gens à la télévision qui passent de l'inconnu à la superstar en un rien de temps mais c'est fabriqué, orchestré. J'appelle ça la mascarade de l'image.

Mais ne pas interdire le téléchargement illégal, ce n'est pas encourager la consommation de musique comme on consomme des aliments, sans réfléchir ?

Le téléchargement compulsif et irréfléchi est certes différent de celui qui est fait ponctuellement. HADOPI ne pourra pas empêcher ce type de téléchargement un peu crétin. Elle interdit mais n'éduque pas. Il y a un gros problème avec la musique à l'école par exemple. Ca ne donne pas envie, c'est anecdotique, et la flûte à bec c'est laid ! On retire des profs, on veut éduquer sans moyens. Après, il y a des gens qui ne respectent pas la culture parce que ça coûtait trop cher de leur montrer que la culture, c'est intéressant. Les défenseurs d'HADOPI sont des gens manipulateurs qui veulent orienter des fonds pour aider leurs copains people...

  1. xylophone en métal
  2. « invités » en anglais
  3. Loi du 12 juin 2009 favorisant « la diffusion et la protection de la création sur internet », qui sanctionne le partage de fichiers lorsque ce partage constitue une infraction au droit d'auteur c'est à dire lorsqu'il est illégal.


Interview réalisée par Célia Caradec

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