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Interview-Sillage : Claude Berrou, chercheur émérite

    Sillage130 small.jpg Cet article est extrait du Magazine Sillage N°133 - déc. 2008-janv. 2009
Auteur : Jérôme Le Jollec


"La complexité de la vie me fascine"

Ce Bigouden n'a quitté "sérieusement" la Bretagne que le temps de ses études d'ingénieur. Depuis trente ans, Claude Berrou œuvre à l'École Supérieure Nationale des Télécommunications de Bretagne. C'est en son sein qu'il a inventé avec Alain Glavieux, aujourd'hui décédé, les turbo-codes. Après le premier brevet déposé en 1991, reconnaissance et distinctions se sont succédé : prix Marconi, Légion d'honneur et depuis décembre 2007, il est membre titulaire de l'Académie des Sciences.

Quelles disciplines vous passionnaient à l'école ?

Les sports et les maths, jusqu'à un certain point. Mais j'ai toujours adoré les jeux d'esprit.

Pourquoi avoir choisi l'ENST ?'

Par opportunisme. J'étais ingénieur en électronique. Mon patron de thèse, Claude Wolff, m'a recommandé auprès de la direction. Tout était à faire, à créer.

N'avez-vous jamais eu le sentiment de vous isoler à la pointe bretonne ?

Non ! Et aujourd'hui face aux nouvelles technologies, le sentiment d'isolement n'existe plus. Votre découverte majeure des turbo-codes est le fruit d'un travail en tandem. Le premier brevet en 1991 est à mon nom. Après, il fallait publier. Alain Glavieux, un ami très cher disparu en 2004 m'a beaucoup aidé en étant mon coauteur.

Quelles ont été les premières réactions de la communauté scientifique ?

Beaucoup de scepticisme, parfois de la critique. C'était impensable que quelqu'un d'inconnu, de Brest de surcroît, avec un établissement si récent y arrive. Mais en moins de six mois, les doutes ont été dissipés.

Quelles en sont les applications concrètes ?

Les turbo-codes sont utilisés dans la nouvelle génération de téléphonie à des centaines de millions d'exemplaires, dans les réseaux locaux Wimax, dans les liaisons satellitaires.

La plus belle des distinctions ?

C'est toujours la première qui fait le plus plaisir. C'était un Best Paper Award en 1997, mais j'ai été très honoré de recevoir le prix Marconi (succédant aux créateurs de Google, NDLR) et très touché d'être reçu à l'Académie des sciences.

Dans quel état d'esprit étiez-vous à la remise de votre épée d'académicien ?

Je n'étais pas trop ému. J'étais rempli d'affection, de gratitude pour l'ENST qui m'a donné tous les moyens de réussir.

Cette épée, bâton de maréchal ou aiguillon ?'

Ce n'est absolument pas un bâton de maréchal. J'aimerais n'être qu'à la moitié de ma carrière. Je pense avoir des choses à faire et à dire. Et quand on est un minimum reconnu, c'est plus facile d'aller convaincre les décideurs.

Où en est la recherche en France ?

Aujourd'hui, on est sixième dans le monde, ce n'est pas mal en terme de publication et de recherche dans le contexte actuel, mais il ne faut pas baisser les bras. En tout cas, c'est plus une affaire d'organisation que de moyens.

Dans quel état d'esprit doit être un chercheur ?

Toujours enthousiaste, sinon, il peut rester à la maison. On a le devoir d'apprendre et de créer. C'est formidable. On se doit aussi de faire réussir les collègues qui vous ont aidé.

Quelle autre profession auriez-vous pu exercer ?

J'aime les échecs, les énigmes. J'aurais pu être un bon commissaire de police.

Quelle est à vos yeux la première des vertus ?

La tolérance car tout le monde sait que personne n'est parfait.

Ce qui vous exaspère ?

Je suis contre la pensée unique, le formatage des esprits.

Que détestez-vous par-dessus tout ?

La calomnie, la volonté de nuire.

Le défaut pour lequel vous avez de l'indulgence ?

La désobéissance quand elle est positive. J'aime les gens un peu excessifs à condition qu'ils apportent une contribution.

Quel est le trait principal de votre caractère ?

Le franc-parler à la manière du pêcheur bigouden. C'est à la fois une qualité et un défaut.

Votre idéal de bonheur ?

La sérénité, la santé et plus de bonheur autour de moi.

Votre plus grande crainte ?

La maladie ou le décès d'un proche.

Le mot de la langue française que vous préférez ?

Variété.

Êtes-vous blé noir ou froment ?

Plutôt blé noir, surtout quand il permet de faire du whisky.

Votre boisson préférée ?

Le café.

Et Brest dans tout ça ?

J'y suis très attaché. Quand je l'ai découverte à 18 ans, ce sont les alentours qui m'ont plu. C'est une des villes martyres d'Europe. Il faut la faire renaître pour qu'elle devienne une ville qui compte. On lui doit quelque chose. C'est une des raisons qui m'ont fait accepter d'entrer à l'Académie des sciences. Avec les nouvelles technologies, le TGV, elle aura son rôle à jouer dans l'Europe économique et politique.


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