Henry Kérisit, artiste du patrimoine, Musée de la Marine, Brest
Dans le cadre de l'exposition « Portraits de bateaux », du 29 juin au 31 décembre 2012, le Musée National de la Marine de Brest présente 60 ans de dessins et peintures de Henry Kérisit qui est aussi un des acteurs essentiels du renouveau de la culture maritime en Bretagne durant cette même période.
L'itinéraire de cet artiste du patrimoine, né en 1940, commence au Faou où vivent ses grands-parents. Leur maison a les pieds dans l'eau. La grève en contrebas et le quai des gabares, en face, sont des lieux magiques pour l'enfant qui est attiré par tout ce qui s'y passe.
Un ancien trafic de bois de la forêt du Cranou a été remplacé par le transport du sable effectué par une douzaine de gabares, parmi lesquelles celles de Lampaul-Plouarzel, reconnaissables au haut de leur mât blanc. Des chantiers de construction navale sont également installés en haut des grèves du port.
Son grand-père menuisier répare parfois des bateaux : le spectacle des coques ouvertes fascine l'enfant. Son regard est aussi attiré par les épaves, les « squelettes » des bateaux, qui ont sa préférence.
Après quelques années à Toulon, où son père a été nommé, la famille s'établit à Brest, boulevard Jean Moulin, au 4ème étage. De là, le garçon de 10 ans a une vue magnifique et exceptionnelle sur la Penfeld et l'arsenal.
Le paysage qui s'offre à lui est plein de vie, grouillant d'activités, de gros bateaux et de remorqueurs avec leurs sirènes ou klaxons. Les ouvriers qui travaillent le métal avec leurs chalumeaux et leurs gerbes bleues, le bruit du métal qu'on travaille, la sirène de 6 h 05 et ces milliers d'ouvriers, voilà l'ambiance qui règne sous ses fenêtres.
Le jeune Henry commence à observer ces navires, à en dessiner la silhouette, apprend, en les reproduisant, la justesse du trait. C'est à cette époque qu'il commence à faire ses premiers croquis au crayon et à la plume, légèrement aquarellés : sabliers de la rade, de Logonna, du Faou et de l'Ile de Batz.
Sa culture artistique, ce n'est pas au lycée qu'il la reçoit, tellement l'enseignement est stéréotypé, mais dans des revues comme Paris-Match où il découvre les reproductions d'œuvres de grands peintres (Gauguin, Van Gogh,...).
En 1958, après le lycée de l'Harteloire, il part dans la capitale pour suivre une formation en dessin et il devient professeur de dessin de la Ville de Paris. Là, il travaille beaucoup d'après photos prises en Bretagne. Il analyse la photo, la simplifie à l'extrême pour obtenir des surfaces simples, l'essentiel étant de garder la forme du bateau.
Cette période, où il pratique essentiellement la peinture, va durer une quinzaine d'années. C'est une « peinture du pauvre », sur des matériaux de récupération, qu'on pourrait qualifier de minimale, avec des formes géométriques, des assemblages, mais où le bateau, même épuré, reste complètement présent.
Vers 1972, Henry Kérisit commence à s'interroger sur l'histoire du bateau et la notion de patrimoine émerge. Il prend beaucoup de photos des vieux bateaux en bois et commence une collection de cartes postales à Paris. Il passe des heures à les classer et se met à rechercher tous les renseignements possibles concernant la vie de ces bateaux.
Ensuite, les choses s'accélèrent : il fait la connaissance de Bernard Cadoret. Un groupe d'amis se constitue et, après avoir fait le constat qu'en France rien n'était fait pour la préservation et la mise en valeur du patrimoine maritime, ils se lancent dans la rédaction d'un livre.
Ce ne sera pas un tome, comme envisagé au départ, mais quatre gros « pavés » très documentés, véritables « bibles » de la mémoire des bateaux et des marins, la série des « Ar Vag » (le bateau, en breton, dont le tome 5 doit paraître en novembre 2012) et la création de la SCOP « Le Chasse-Marée » qui publie la revue du même nom, et qui deviendra, au fil des ans, une référence mondiale dans le domaine du patrimoine maritime.
C'est à cette occasion que le grand public commence à reconnaître le style particulier des dessins au trait de Henry Kérisit (que certains appellent encore « écorchés »). A partir d'une photo, il s'agit de retranscrire le bateau de manière graphique, voire même le compléter par les parties manquantes (cas des épaves de cimetières de bateaux, par exemple).
Une autre trouvaille de l'artiste, une de ses images de marque, consiste à créer des représentations (sous forme de gravures, affiches, assiettes, ...) de la silhouette du bateau sous voiles. Une des plus connues est celle de la gabare Notre-Dame de Rumengol. Il ne se cantonne pas aux bateaux traditionnels en bois, les navires en acier et à moteur ont aussi leur place dans cette exposition.
Un autre volet des œuvres présentées est constitué de planches richement colorées. Celles-ci représentent le décor des bateaux portugais, découverts lors de vacances dans ce pays qu'affectionne particulièrement Henry Kérisit. Ces dessins ont été réalisés à partir de photos et de maquettes, dans l'intention d'en garder la mémoire.
La bande de copains, pour sauver les bateaux, va également être à l'origine de la création du Musée du bateau de Douarnenez et des associations An Test et Treizour.
A la rentrée de septembre, les enfants des écoles pourront venir visiter l'exposition : un document pédagogique sera mis à leur disposition, afin de prendre un peu de cette encyclopédie vivante, en constante gestation et de s'enrichir de la mémoire du patrimoine maritime.