Drummond-Castle et les pêcheurs de Portsall
Texte de Hervé Farrant.
Sommaire
- 1 Introduction
- 2 Le naufrage du Drummond Castle
- 3 Le sauvetage
- 4 La découverte de noyés du Drummond Castle par les pêcheurs de Portsall
- 5 L'identification des victimes du Drummond Castle
- 6 Nouvelles découvertes de corps de naufragés du Drummond Castle
- 7 La Grande-Bretagne témoigne sa reconnaissance aux sauveteurs bretons
- 8 Visite à Ploudalmézéau de l'ambassadeur de Grande-Bretagne
- 9 La complainte sur le naufrage du Drummond Castle
- 10 Épilogue
- 11 Remerciements
- 12 Sources
- 13 Liens externes
Introduction
Le 28 mai 1896, le paquebot anglais Drummond Castle d'une jauge de 3600 tonnes commandé par le capitaine William Pierce, armé par 103 hommes d'équipage avec à son bord 148 passagers appareille du port de Cape Town en Afrique du Sud à destination de la Grande-Bretagne.
Le naufrage du Drummond Castle
Le mardi 16 juin 1896, par mer calme, le Drummond Castle approche des côtes du Finistère et poursuit sa route vers l'Angleterre. Au cours de l'après-midi, un brouillard opaque recouvre l'océan, le commandant soucieux, ralentit la navigation et fait pratiquer des sondages.
À la tombée de la nuit, le commandant Pierce, naviguant à l'estime, persuadé d'être à l'entrée de la Manche met le cap vers l'Angleterre...
Vers 23 heures, le Drummond Castle talonne le récif des Pierres Vertes à l'ouest de l'île Molène à l'entrée du Fromveur .
La proue du navire s'enfonce lentement, l'eau froide pénètre en grondant dans les entrailles du navire. Le capitaine William Pierce ordonne de mettre les embarcations à l'eau, la panique est indescriptible... En moins de dix minutes, le paquebot disparaît sous les flots.
Le Drummond Castle repose par 65 mètres de fond au point 48.25.0395 N et 5.03.3843 W.
Le sauvetage
Le 17 juin à l'aube, un passager et deux marins anglais, épuisés de fatigue et de froid, sont sauvés par des pêcheurs de Molène et d'Ouessant.
Les canots de sauvetage Amiral Rigault de Genouilly et Anaïs d'Ouessant, l'Amiral Roussin de Molène, avec le renfort d'un bâtiment de la Marine nationale et l'aide du vapeur La Louise assurant les liaisons entre le continent et les îles entament les premières recherches...
Plusieurs corps sans vie sont ramenés à terre... des dizaines d'autres au fil des jours et des semaines, s'échouent sur l'archipel de Molène, les grèves de Camaret, du Conquet, de Saint-Pabu à Plouescat...
La découverte de noyés du Drummond Castle par les pêcheurs de Portsall
À l'aube du 17 juin, les rudes et courageux pêcheurs portsallais présents sur zone, participent aux recherches des survivants du Drummond Castle.
Le canot de sauvetage St Ernest et Ste Suzanne de Saint-Faron de la Société centrale de sauvetage des naufragés de Portsall, ancêtre de la Société nationale de sauvetage en mer appareille... En vain...
Les 17 et 18 et 19 juin 1896, à trois milles des Roches de Portsall, neuf corps de naufragés du Drummond Castle raidis par le froid sont repêchés et débarqués sur les grèves du petit port côtier de Portsall.
Une chapelle ardente est dressée. L'émotion est considérable. Des prières et des messes sont célébrées en mémoire des disparus du paquebot Drummond Castle.
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L'identification des victimes du Drummond Castle
À Ploudalmézeau, l'identification des noyés débute... Le personnel employé à cette tâche lugubre, examine les corps, recueille les documents et les objets personnels.
- Une femme âgée de trente cinq à quarante ans, à la chevelure noire, vêtue d'un pantalon à raies bleues et blanches, d'une chemise en coton blanc à dentelle et d'une camisole en velours à raies grises et noires le tout sans marque. Il est trouvé sur le corps les bijoux suivants : une chevalière couronne, des alliances avec une tête d'animal et de femme avec l'inscription G.E.M.L.
- Une femme âgée de trente cinq à quarante ans... « d'une taille d'un mètre cinquante cinq, aux cheveux roux, vêtue d'un peignoir avec des rayures larges au dessus, d'un jupon aux raies bleues et blanches, de deux chemises et d'un pantalon en coton blanc. Il est trouvé sur le corps une alliance et trois chevalières en or avec pierreries ».
- Une jeune femme âgée de vingt cinq ans... « d'une taille d'un mètre quarante huit aux cheveux châtains, vêtue d'une robe grise, d'une chemise en coton blanc et d'une flanelle, le tout sans marque. La noyée est chaussée de bas noirs et d'un soulier avec une boucle au pied droit. Il est trouvé sur le corps deux alliances ».
- Un garçon paraissant âgé de douze à quinze ans... « d'une taille d'un mètre vingt huit aux cheveux châtains, vêtu d'une chemise et d'une flanelle sans marque ».
- Un homme âgé de trente ans... « d'une taille d'un mètre soixante quatorze, cheveux et barbe châtains clairs, sourcils blonds, vêtu d'un pantalon noir et d'un dolman, d'un petit gilet avec des boutons dorés. Le noyé est chaussé de bottines sans clous. Il est trouvé sur le corps des lettres et divers papiers écrits en anglais, plusieurs photographies représentant une femme et trois petits enfants, et une somme d'argent de trois cent quarante deux francs et cinquante centimes en monnaie anglaise, une montre avec une chaîne en argent numéro 96 318-0935-A.M.J et une chevalière ».
- Un homme âgé de quarante cinq à cinquante ans... « d'une taille d'un mètre soixante quinze, cheveux et barbe châtains, vêtu d'un pantalon et d'un paletot noir, d'une chemise de couleur à petits carreaux et d'une ceinture en cuir noire. Le noyé est chaussé de brodequins sans clous. Il est trouvé sur le corps une clé avec une chaîne et un médaillon sur lequel sont gravés les mots officiers stors schips. La clé et la chaîne sont en argent et le médaillon en cuivre ».
- Un homme âgé de quarante cinq ans... « d'une taille d'un mètre cinquante cinq, cheveux, sourcils et moustache blonds, vêtu d'une vareuse à deux galons d'or, d'un petit gilet à boutons dorés, d'un pantalon noir, et d'une chemise blanche marquée H.EYTG. Le noyé est chaussé de brodequins sans clous. Il est trouvé sur le corps une somme de cent quarante trois francs en monnaie anglaise ».
- Un homme âgé de trente ans... « taille d'un mètre soixante dix huit, cheveux blonds tirant sur le roux, légèrement chauve, il est vêtu d'un long pardessus noir, d'une chemise blanche portant les numéros 365x200. Le défunt est chaussé de souliers et de bas noirs. Il est trouvé sur le corps du noyé, un mouchoir marqué Rich, une montre en argent numéros 8351, un couteau à trois lames et un tire-bouchon renfermé dans un étui, une chevalière en or avec pierreries et une somme de trente huit francs en monnaie anglaise renfermée dans un porte-monnaie noir. Cet homme était entouré de deux bouées de sauvetage ».
- Une femme âgée de trente à trente cinq ans... « d'une taille d'un mètre quatre vingt cinq, cheveux châtains clairs, de forte constitution à la figure grasse et rouge, la bouche moyenne et le nez gros. La défunte est vêtue d'un corsage et d'une robe noires avec trois volants, d'un jupon fond blanc rayé de bleu, d'une chemise et d'un pantalon à un seul carreau en coton bleu, le tout sans marque. La noyée est chaussée de bas noirs fixés par un lien blanc. Il est trouvé sur le corps deux bracelets réunis ensemble par un coulant, au bras gauche deux bracelets dont un guilloché, un bracelet couleur or ne portant aucune marque de contrôle et une alliance en or où est gravée une tête de femme 38. n° 22 et deux chevalières avec pierreries ».
Des draps blancs servent de linceul. Les corps des disparus veillés par les habitants, bénis par les autorités ecclésiastiques, toilettes mortuaires faites, reposant dans des cercueils, sont après une émouvante cérémonie religieuse, enterrés au cimetière communal de Ploudalmézeau.
En juillet 1896, un mois après le naufrage du Drummond Castle, les autorités religieuses et municipales accompagnées, de matelots portant la frégate ex-voto de Portsall Le Saint Pierre, organisent une procession en hommage aux victimes du paquebot anglais.
Nouvelles découvertes de corps de naufragés du Drummond Castle
Le 26 juin 1896, est repêché à dix huit milles au nord-est de Portsall, le corps d'une enfant âgée de dix à douze ans... « d'une taille d'un mètre trente à la forte chevelure châtain clair, vêtue d'un tablier robe de couleur noir, d'un jupon bleu marine, d'une chemise de flanelle à petits carreaux jaunes et bleus et d'un corset en coton rouge. Elle porte au bras droit deux petits bracelets en argent guilloché ».
Le 2 juillet 1896, les pêcheurs de Portsall repêchent à six milles au nord-ouest des Roches de Portsall, le corps d'un homme... « d'une taille d'un mètre soixante quinze aux cheveux châtains, avec tatoué sur le poignet gauche un bracelet formant une couronne et recouvrant la moitié du poignet avec cinq points rouges dans le milieu. Sur le poignet droit, un tatouage indéchiffrable près duquel on remarque la lettre E ou F et deux points noirs sur le bas de l'avant-bras gauche. Cette homme est vêtu d'un veston et d'un pantalon en drap bleu marine au fond rapiécé, d'une flanelle blanche, le tout non marqué. Le défunt ne porte pas de chaussures. Le noyé, la tête et le visage en décomposition, ne portant aucun papiers, ni objets personnels, il fut impossible d'établir un signalement complet ».
Le 10 juillet 1896, les pêcheurs portsallais trouvent dans les eaux du Four le corps défiguré d'un inconnu... « d'une taille d'un mètre soixante quinze à un mètre quatre vingt cinq. L'homme est vêtu d'un veston, d'un gilet et d'un pantalon en drap bleu marine, d'un caleçon blanc en flanelle à petites raies blanches et bleues, d'une flanelle blanche très longue, d'une chemisette à flanelle à petites raies rouges et bleues avec broderie en trèfle comme en portent les officiers sur le dolman, Les boutons de la chemise sont recouverts du même drap que celle-ci. Le noyé porte une ceinture hygiénique en flanelle avec deux boucles en fer et aux bretelles blanches, marque de fabrique (anti-rhumatique, Belt.J.Hessett.Southsea) les boutons de pantalon marqués Excellé portent trois étoiles. Le défunt aux très petits pieds est chaussé de bas fins en laine noire. Les quelques cheveux qui lui restent à la nuque sont roux clairs ».
Une jeune anglaise inconsolable et sans ressources, à la recherche du corps de son fiancé passager à bord du Drummond Castle, est logée gracieusement par Monsieur Guillard maire de Ploudalmézeau.
À Portsall, Madame Sylvain Marie Carof héberge généreusement des sujets de Sa Gracieuse Majesté, parents des disparus du paquebot anglais. En gratitude, Monsieur Carof reçoit une plaque nominative en bois provenant d'une baleinière du navire Drummond Castle.
La Grande-Bretagne témoigne sa reconnaissance aux sauveteurs bretons
En Grande-Bretagne, le naufrage tragique du paquebot Drummond Castle, fait la une des journaux britanniques et suscite dans la population britannique une immense émotion.
Au fil des jours et des semaines, les visites des représentants du consulat britannique de Brest et de l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris, de la compagnie maritime Castle Line propriétaire du Drummond Castle, des familles des disparus et des journalistes anglais se succèdent à Ouessant, Molène et Portsall.
Au printemps 1896, le consul de Grande-Bretagne à Brest et Monsieur Mirrielees représentant la compagnie de navigation Castle Line visitent le port de Portsall, remercient les autorités locales et distribuent des gratifications aux pêcheurs portsallais, une somme de vingt cinq francs est offerte aux patrons pêcheurs de Portsall, François Marie Oulhen du navire Coq, Hervé Pellen du canot H.P., Gouzien du Castor, Le Borgne du Daïc, Jean-François Pailler du Préon, Yves Salou du Saint Joseph, Yves Daouben du Pacifique, Le Borgne du Hoche, Corolleur du Borda, J. Salou du Gendarme, et F. Pailler du Janus de Saint-Pabu.
Impressionnée par le dévouement des pêcheurs bretons, la solidarité désintéressée de la population bretonne et l'aide spontanée des autorités françaises, la presse anglaise, reconnaissante, lance avec succès une souscription nationale.
Bouleversée et émue, Sa Majesté Impériale Victoria, impératrice des Indes, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, remercie le gouvernement français, offre une aide financière conséquente aux populations bretonnes et fait graver des médailles commémoratives en l'honneur des sauveteurs bretons.
En avril 1897, Son Excellence Monsieur l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, Sir Edmund Monson, accompagné du vice-amiral Édouard Barrera préfet maritime à Brest et de nombreux officiels, visite et récompense les habitants de Molène, Ouessant, Le Conquet et Camaret.
Une importante somme d'argent est offerte par la délégation anglaise. À Molène, une citerne à eau douce est construite, une horloge est posée sur le clocher et un calice en vermeil est offert par l'archevêque de Canterburry. À Ouessant, le clocher de l'église Saint Pol Aurélien est rehaussé d'une flèche. Des médailles commémoratives sont distribuées.
Visite à Ploudalmézéau de l'ambassadeur de Grande-Bretagne
Le 24 avril 1897, arrivée à 14 heures 30 par train spécial en gare de Ploudamézeau, de Son Excellence Sir Edmund Monson et du vice-amiral Édouard Barrera. La délégation officielle est accueillie par monsieur Bénoni Guillard, maire de Ploudalmézeau, les membres du conseil municipal, le chanoine Grall et le commandant de la brigade de gendarmerie.
Le cortège devant une foule considérable, se dirige vers la mairie, pavoisée aux couleurs anglaises et françaises.
L'ambassadeur britannique remet des médailles commémoratives aux habitants et marins-pêcheurs les plus méritants, deux à Landunvez, huit à Saint-Pabu, cinq pour Saint-Renan et une pour l'Aberwrac'h et Plouescat.
Sir Edmond Monson, ambassadeur de Grande-Bretagne récompense et honore la commune de Ploudalmézeau... Cérémonie émouvante... les médailles commémorant le naufrage du Drummond Castle sont remises... Quelques larmes coulent... les plus durs ne dissimulent pas leurs émotions...
Liste nominative des médaillés de la commune de Ploudalmézeau
La mairie de Ploudalmézeau
- Monsieur Bénoni Guillard, maire de Ploudalmézeau.
- Mademoiselle Joséphine Gante, secrétaire de mairie.
- Monsieur J.J. Guillore, juge de Paix.
Les autorités religieuses de Ploudalmézeau
- Monsieur le chanoine Michel Grall de la paroisse de Ploudalmézeau.
- Monsieur le vicaire J. Horellou de la paroisse de Ploudalmézeau.
- Monsieur le vicaire J.M. Huguen de la paroisse de Ploudalmézeau.
La brigade de gendarmerie de Ploudalmézeau
- Le maréchal des logis Gelin.
- Le gendarme Le Gac.
- Le gendarme Merle.
Le poste de douane de Portsall
- Le brigadier des douanes Le Bihan.
- Le douanier Cassac.
- Le douanier Agombert.
- Le douanier Thomas.
Les marins-pêcheurs de Portsall
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Les femmes dévouées de Portsall
- Madame Marie Corolleur née Floc'h.
- Madame Le Bihan.
- Madame Josèphe Milin née Calvarin.
- Madame Emilie Salou née Prigent.
- Madame veuve Françoise Trehoret née Cloarec.
Le vice-amiral Barrera préfet maritime, Sir Edmund Monson et Monsieur Benoni Guillard maire de Ploudalmézeau prononcent un discours.
Monsieur l'ambassadeur de Grande-Bretagne remet au nom de l'impératrice Victoria, une somme de cinq milles francs à la commune de Ploudalmézeau pour l'amélioration du port de Portsall et la construction en place du brise-lames de Beg-al-lan d'un quai appelé en hommage à la souveraine britannique « Quai Victoria ».
La délégation officielle, se recueille au cimetière communal devant les sépultures des naufragés du Drummond Castle, visite l'église de Saint Pierre et rejoint la gare de Ploudalmézeau pour regagner Brest.
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La complainte sur le naufrage du Drummond Castle
Monsieur Alexandre Guéroc originaire de Brélès, instituteur à Saint-Pabu, bouleversé par la découverte sur une plage de la commune, du corps d'une jeune anglaise à la beauté saisissante, âgée de vingt ans, nommée Nelly, passagère à bord du Drummond Castle, compose une gwerz, en français une complainte en souvenir des naufragés du paquebot britannique.
Cette gwerz est publiée en 1898 par La Voix du Pays en français et en breton...
Je veux ô mes compatriotes
Vous rédiger un récit Sur un malheur qui arriva A un navire chargé d'Anglais. |
Choant am euz o va c'henvroiz
Skrivadeoc'h eun t'am divis War an darvoud zo c'hoarvezet Gant eul lestr a zaozon karget. |
Son nom était le « Drummond Castle »
Il transportait des hommes, des femmes Un navire des plus beaux, L'un des plus rapides. |
An Drumond Kastl e oa hanvet
En-han e oa goazet, merc'het Eul lestr euz ar re gaëra Unan euz ar re vuana. |
Il venait d'Afrique
De la partie la plus lointaine A bord, ils étaient très gais Tous sans nul souci. |
O tont euz an Afrik edo
Euz ar penn pella zo eno Er bours oant laouen meurbet Oll ep poan speret ebet. |
Encore une nuit à passer
Et leurs cœurs sautaient de joie Bientôt ils sont en Angleterre Un peu de plaisir pendant la nuit. |
O C'hoas eun nosvez da basseal
Ag oc'halonou o tridal Prestik maint e Bro-Zaes Eun tam ebat epad an noz. |
Le navire était arrivé
Au lieu dangereux nommé Fromveur très proche de l'île d'Ouessant Un endroit des plus terribles. |
Al lestr a ioa en em gavet
El leac'h risklus Fromveur hanvet Dem dost da Enezen Eussa Eun andret euz ar re goassa. |
Soudain une clameur effrayante
Au ciel s'élève terrifiante Le pauvre navire est ouvert Et l'eau envahit l'intérieur. |
Raktal eur griaden spontus
War zu an env'zav eotlammuz Ar paour kez lestr zo digoret Ag an dour ennhan zo antred. |
Mon cœur est saisi d'effroi
A voir la foule sur le pont Criant et gémissant A tous leur stupeur. |
Va c'halon zo seizet gant spont
O velet an dud war ar pont Ol krial ag oc'h irvoudi Peadra d'an oll da vantri. |
Hélas ! Hélas ! Le maître des cieux
Est tombé sur leurs têtes Le navire est sur le point de sombrer Pauvres gens, ils seront sous peu noyés. |
Allas, siouas Mestr an Envou
A zo kouezet war o pennou Al lestr zo tost da gonfonti Tud keiz, prest e zit da veuzi. |
Avez-vous jamais entendu les plaintes
S'élever au-dessus de nués Comme celles de gens de l'agonie Au milieu de la mer grande et menaçante? |
Klevet o peuz biskoas klemmou
O pignad warzu an Envou Vel re an dud en angouni E kreiz ar mor bras o tarzi ! |
La mer grande déchainée
Couvrait leurs clameurs de sa voix Un enfant arraché à sa mère Ne peut pas pousser un gémissement. |
An dour bras eat digompez
A c'holo o c'hri gant e vouez Ar bughel diframed d'he vam No c'hell ket huanad eun lam. |
Qui résisterait à ces lamentations
A moins d'avoir lui-même un cœur dur Quand il réalise quel malheur s'abat Sur des gens attendant le bonheur. |
Piou velfe ouz ar goelvan
Nemet kalon dirr ve ennhan Pa deu da gompren pez maleur Gant tud o'c'hortoz an boneur. |
La mer est mauvaise à l'extrême
Elle n'épargne personne dans sa furie Moi-même je lui reproche La mort de ma sœur chérie Rosalie. |
Ar mor a zo fallakr meurbet
Ne zamant den gant e genet Me va hunan a rebech d'hi Maro va c'hoar ger Rosali. |
Elle demeurait au bourg de Brélés
Petite de taille, mais grande par le cœur Elle se noya au lieu-dit « Bel-Air » Un mauvais endroit et mal nommé. |
E bourg Beriez edo edo o chom
Bian a gorf, bras a galon El leac'h an Ear-Gaër eo beuzet Eun andret fall, fall lez-hanvet. |
Mais faisons taire notre douleur
Et revenons à nos pauvres anglais D'un seul coup séparés L'un et l'autre arraché. |
Mez tavomp hon distridigez
A distroomp dar zaozon-kez En eil taol kont dispartiet An eil z'egile dianket. |
Comment dominer la mer grande
Au milieu de la nuit profonde Que peut-on espérer Une fois à l'eau en plein nuit? |
Penaos beza treac'h dar mor braz
E kreiz an nos du eoa c'hoaz Petra a c'heller da c'hortoz Eur vech en dour epad an noz. |
Environ deux cent cinquante
Tous furent noyés sans secours Seuls trois hommes furent sauvés Par des marins-pêcheurs. |
Deuz an daou gant ag hanter kant Oll int bet beuzet ep damant Nemet tri zen oe saveted Gant tud a ioa o klask pesket. |
Quelques jours après
On été trouvés la mère et la fille Le père et le fils séparés D'autres étaient restés en chemin. |
Eun neubeut derveziou varlec'h E voe kavet ar vam ar verc'h An tad, ar mab dispartiet Lod all en hent a ioa choumed. |
Car la plupart d'entr'eux
Sont restés à l'intérieur du navire Avec lui aussi ils furent engloutis Mon Dieu ! Pour nourrir les poissons. |
Rak an darn muia anezho
El lestr a zo choumet eno Ganthan ive int bet lounket Va doue ! Evit maga pesket. |
O mes compatriotes bretons
Alors, à tous vous avez montré Combien votre cœur est beau Vraie cette renommée de toujours. |
Ova kenvroiz Bretounet Neuze d'an oll'peuz diskoezet Penaos o kalon azo bras Gwir ar brud ze c'heuz a viskoas. |
Pêcheurs de l'île de Sein
A vous, je dirai avec joie Ma fierté d'être breton et D'avoir avec vous le même cœur. |
Pesketerien Enez Eussa D'eoc'h e livirin gant jos Euz loc'h enn hon beza Breton A kaout ganeoc'h memez kalon. |
Louanges à vous, Molènais
Et à vous, tous gens de foi Dans le malheur il n'y a pas d'ennemis Que pour les traîtres. |
Meuleudi ive Molenezis
A deoc'h holl tud afeiz Er maleur n'eus enebourien Nemet vit an dreitourien. |
A Saint-Pabu et à Portsall
Au Conquet et beaucoup d'autres lieux A tous vous avez montré Que vous êtes de la race des Bretons. |
E Saint-Pabu, ag e Portsall E kong ag meur a leac'hall D'an oll c'houi oc'h euz diskoezet Oc'h euz a wouen ar Bretounet. |
Avec la plus grande dévotion
Et la pitié en cœurs Au cimetière vous avez conduit Les corps des gens que vous avez trouvés. |
Gant ar brassa devosion Ag an truez en ho kalon Dar weret c'houi o cheuz kasset Korfou an dud oc'h euz kavet. |
Il m'a été donné de voir
Une jeune fille nommée Nelly Elle était belle comme une rose Elle n'avait qu'environ vingt ans. |
Roet eo bet d'in da welet Eur plach yaouank Nelly hanvet Koant ez oa evel eur rozen Vardro ugent vloas ne doa ken. |
Rien que ses vêtements
Décelaient une jeune fille de qualité A Saint- Pabu est sa tombe Hélas bien loin de son île. |
Netra nemet e gwiskamant
A ziskueze oa plac'h a gant E Saint-Pabu e man e bez Allas ! Pell bras euz he Enez. |
J'ai vu aussi sa sœur
Fort grande était sa peine C'était pour elle un déchirement De quitter sa pauvre sœur Nelly. |
Gwelet am euz ive e c'hoar Bras tre ez oa e glac'har Eur ran galon oa evit hi Kuitaat e c'hoar paour Nelly. |
N'était-ce pas une pitié de voir
Ainsi au loin, en un cimetière Une petite jeune fille si gaie Et de plus jolie comme un lis. |
Ma neo ket eun truez gwelet Evelse pell en eur weret Eur plac'hik a oa ken laouen Ag ive koant'vel eul lilien ! |
Un petit oiseau vient souvent
Près de la tombe de la pauvre fille Et chante d'une voix désolée A faire couler les larmes. |
Eur vech c'hoas, meuleudi d'eoc'h Ra vo ar peoc'h ganeoc'h Rouanez Bro-Zaos en deuz roet Ar vetalen ho peuz gounezet. |
Une fois encore louanges à vous
Que la paix soit avec tous La Reine d'Angleterre a donné Une médaille que vous avez mérité. |
Eur vech c'hoas, meuleudi d'eoc'h Ra vo ar peoc'h ganeoc'h Rouanez Bro-Zaos en deuz roet Ar vetalen ho peuz gounezet. |
En terminant, prions Dieu
De veiller sur ses enfants Qui risquent, sur la mer, leur vie Pour nourrir les gens de leurs maisons. |
Eul labousik a deu aliez
A kichen bols ar verc'hik kez Ag gant eur vouez enkreset A lak en Daëlou da reget. |
Qu'il plaise à sa mère bénie
L'étoile de la mer, bien nommée D'éloigner de nous un tel malheur En France, en Bretagne et partout ailleurs ! |
Ra vo ar peoc'h ganeoc'h Rouanez Bro-Zaos en deuz roet Ar vetalen ho peuz gounezet |
Kanaouen War An Drummond Kastl 'Konfontet
E kichen enezen Eussa e mis even 1896 Composet gant Alexandr Gueroc. Mestr-skol e Saint-Pabu. |
Épilogue
En 1996, une délégation anglaise et les descendants des survivants du naufrage avec la coopération des autorités françaises et régionales commémorent le naufrage du Drummond Castle. Un pavillon britannique est offert par Sa Majesté Élisabeth II, reine de Grande-Bretagne, du Canada, d'Australie, chef du Commonwealth... à l'île de Molène.
Les années passent... le souvenir du naufrage du Drummond Castle, reste dans la mémoire collective des habitants de Ploudalmézeau-Portsall... En hommage aux disparus du paquebot Drummond Castle...
Remerciements
Madame Louise Morel.
Madame Yvonne Stéphan.
Madame Madeleine Kerven.
Madame et Monsieur Monique et Alain Sibiril.
Madame Marie-Louise Calvarin.
Messieurs Clément Corolleur, José Tastet, Jean-Pierre Perrot, Jacques Guédon et Mario Soléra.
Messieurs Bruno Gouez et Ygor de Saint-Roch.
La mairie de Ploudalmézeau.
Madame Catherine Guevel, chargée de la communication de Ploudalmézeau.
Mademoiselle Guillemant Catherine, animatrice du centre multimédia « La Clé des Champs » de Ploudalmézeau.
Sources
Archives municipales de Brest.
Le Courrier du Finistère. 1896-1897.
La Dépêche de Brest et de l'Ouest. 1896-1897.
Kannadig n° 160, 161, 162.
Les Îles de la miséricorde par Henri Quéffélec. Éditions Bartillat. 1996.
Les Naufragés du bout du monde : La Tragédie du Drummond Castle par Tangui Quéméneur.
Le Télégramme de Brest. 1996.
Archives photographiques et documents Hervé Farrant.
Collections photographiques Marie-Louise Calvarin.