De l'histoire naturelle à la biologie: l'esprit des lumières
Cet article est extrait du magazine Patrimoines brestois |
Ce n'est qu'au début du XIXème siècle, sous la plume de l'allemand Treviranus puis celle de Lamarck, qu'apparaît le terme de biologie. Cette dernière "envisagera les différents phénomènes et les différentes formes de la vie, les conditions et les lois qui régissent son existence et les causes qui déterminent son activité"[1]
L'histoire naturelle dès l'antiquité
L'étude scientifique de la nature, alors appelée "histoire naturelle", existe dès l'Antiquité : on connaît les Parties des animaux d'Aristote, l'Histoire des plantes de Théophraste, la fameuse Histoire naturelle de Pline l'Ancien [2] ou les travaux de ioscoride sur les plantes médicinales. Mais jusqu'à la Renaissance, la connaissance de la nature est envisagée comme le déchiffrement d'un réseau de ressemblances et de correspondances secrètes qui vise à mettre en évidence la dimension métaphysique ou religieuse de l'organisation du monde.
Des philosophes naturalistes
Le XVIIIème siècle dispose de nouveaux objets d'observation : l'usage du microscope se développe notamment sous l'impulsion du hollandais Leeuwenhoek (1632-1723) ; les explorateurs rapportent de leurs voyages des descriptions ou des spécimens de la faune et de la flore exotiques. Il va se concentrer sur la dénomination et la classification du visible, écartant tout lien occulte entre les choses. Tournefort (1656-1708) puis Linné (1707-1778), Buffon (1707-1788), Adanson (1727-1806), Bernard (1699-1777) et Antoine-Laurent (1748-1836) de Jussieu s'inscrivent, malgré des démarches différentes, dans ce courant. Les travaux de Newton, qui prône de toujours partir du fait expérimental pour développer une théorie, sont introduits en France par Maupertuis, Voltaire [3], la marquise du Châtelet et d'Alembert. Récusant la méthode de déduction des faits scientifiques à partir de systèmes métaphysiques déterminés a priori (à la manière de Descartes), les "philosophes-naturalistes" s'appuient donc sur l'observation et l'expérience pour décrire la diversité biologique et proposer leurs systèmes de classification.
L'engouement de ce siècle pour les sciences est considérable. On dénombre 20 000 acheteurs du Spectacle de la nature, de l'abbé Pluche [4], réédité 18 fois entre 1732 et 1770. L'Histoire naturelle de Buffon [5], en 36 volumes publiés entre 1749 et 1788, est également un grand succès éditorial. L'Encyclopédie [6] comporte une multitude d'articles d'histoire naturelle rédigés notamment par Diderot et Daubenton et consacre de magnifiques planches au système de classification de Tournefort.
Les évolutionnistes
Dans la seconde moitié du siècle, le chimiste Lavoisier joue également un rôle important dans l'émergence d'une nouvelle approche du vivant : s'appuyant sur des bilans très précis de consommation de matière et de production de chaleur, il montre que l'animal, loin d'être une machine, est un être vivant dépendant de son environnement. Il ouvre ainsi la voie aux évolutionnistes (Lamarck, Cuvier, Darwin) qui mettront en évidence au siècle suivant que les êtres vivants s'adaptent à leur milieu et que cette transformation est durable et héréditaire.
Ainsi, abandonnant la rigidité des systèmes anciens pour une approche objective de la nature, les scientifiques du siècle des Lumières adoptent de nouveaux cheminements intellectuels, de nouveaux modes d'acquisition des connaissances et préfigurent l'émergence de la biologie expérimentale.
- ↑ Gottfried Reinhold Treviranus (1776-1837), Biologie ou philosophie de la nature vivante, 1802
- ↑ Dont la Bibliothèque d'Etude conserve une édition publiée à Venise en 1535-1536. RES XVIè D75, D76, D77, D78
- ↑ Elemens de la philosophie de Neuton, contenant la métaphysique, la théorie de la lumière et celle du monde par M. de Voltaire, Londres, 1745. RES XVIIIème D1411
- ↑ La Bibliothèque d’Étude en conserve une édition datée de 1747. RES XVIIIème D1017, D1018, D1019, D1563, D1564.
- ↑ RES XVIIIème B69 à B98
- ↑ RES XVIIIème B225 à 299
Auteur : Bénédicte Jarry
Extrait du Patrimoines Brestois N°11 - Brest et la musique - Été 2010
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