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Cloches de Plouarzel

Ce texte est tiré de la revue Tud ha Bro n°23 "L'enclos paroissial" publiée par l'association Tre Arzh en novembre 2002 et reproduit avec leur autorisation. Le document complet est accessible auprès de l'association. Nous vous présentons ici un extrait.

Les traces écrites les plus anciennes se rapportant aux cloches de l’église paroissiale ont été relevées sur les premières pages d'un gros cahier de comptes :
" Le 31 juillet 1642, les cloches de la paroisse de Plouarzel furent fondues et le 15 août de la même année elles furent bénies. Et une des cloches fut nommée Claude par le seigneur de Langalla et mademoiselle de Kerveatous, parrain et marraine. » Il faut ensuite attendre 1840 pour trouver mention sur la première page d’un cahier, de la refonte et de la bénédiction de l’une d’entre elles avec une autre de la chapelle de Trézien et une troisième de la chapelle de Saint Éloi.

L’incendie de 1898 n’est bien sûr pas sans conséquences sur leur état et le 27 décembre 1898, le devis de l’architecte prévoit le démontage du vieux clocher, la descente des cloches et leur suspension dans un beffroi provisoire. Conséquemment, dans un devis reconstructif de l'église daté de 1900, il est fait état d’une refonte des cloches.

C’est ainsi que, la nouvelle église achevée, est célébré le 17 août 1902 le baptême des cloches de Plouarzel relaté dans ce procès-verbal :
« Ce jour ont été bénites trois cloches neuves par Monsieur Gabriel BRETON recteur de la paroisse de Plouarzel, délégué par Monseigneur Dubillard évêque de Quimper et de Léon. Étaient vicaires : Messieurs Hervé Mevel et Jean Bouard ; présents les chanoines Abgrall et Milin curé de Lambézellec, ancien vicaire de Plouarzel et une foule de prêtres. Madame la baronne de Taisne et ses enfants ont délégué pour la circonstance pour les remplacer Monsieur le maire de Plouarzel et Renée FOURN pour la première cloche (Marie Amicie Fernande). Pour la seconde cloche (Edith), Jean Marie Cozien notable de la paroisse et Marie Yvonne Petton épouse de Monsieur le maire Pierre Le Bras. Pour la troisième cloche (Charlotte), François Bonaventur et Marie Renée Bonaventur notables de la paroisse »

Ajoutons pour être plus complet, que la première et la plus grande (Marie Amicie Fernande) avait pour marraine Dame Marie Amicie de Russel de Bedfort et pour parrain Monsieur Stanislas Urse Fernand de Taisne ; quant à Charlotte, elle avait pour marraine Charlotte Marie Amicie de Taisne. Edith, la plus petite, positionnée à l’étage supérieur, avait pour marraine Demoiselle Edith de Taisne. Toutes trois constituent un don de la famille de Taisne en 1902.

Elles ont été fondues par Jules Robert fondeur à Nancy en Meurthe et Moselle.

Joseph Arzur qui, durant ses 50 années de sacristain, était à ce titre chargé de la mise en œuvre des cloches, nous en donne quelques précisions et particularités :
« Il n’y a pas dans la région un carillon comme il y a ici. Il n’y en a pas.. Les cloches doivent être plus ou moins équilibrées sinon ça bourdonne tout d’un coup du même côté. Il faut que ce soit alterné ; une cloche d’un côté et l’autre de l’autre, comme çà c’est beaucoup plus beau. Il arrive par moments qu’elles soient ensemble. C’est Monsieur BRETON qui avait choisi le tintement, Biel ar c’hi du, qu’on l’appelait, il paraît qu’il avait un grand chien noir… »

Durant 10 ans, entre 1946 où il a pris ses fonctions et 1956, année où les cloches ont été électrifiées, Joseph Arzur n’a pas gardé le compte du nombre de fois où il a gravi les 83 marches du clocher pour sonner les cloches.

« On allait au clocher pour les baptêmes et les mariages. Sur la semaine il fallait aller pour tinter, brider qu’on appelait çà, on attachait à la corde une bride à laquelle était attaché le battant, tu tirais dessus pour faire le nombre de coups que tu avais besoin. L’Angélus tu pouvais le sonner de là, trois fois par jour. A l’époque c’était à six heures, après c’est tombé à six heures trente et maintenant sept heures. Le soir, l’été, c’était à huit heures sauf le dimanche où tu avais le droit de sonner une demi-heure plus tôt. Pour sonner les glas lors des décès, la corde était également bridée et tu tirais alors une fois pour tinter. Tu avais trois coups pour un homme et deux pour une femme. Pour les naissances, c’était pareil : si tu faisais trois coups c’était un garçon, si c’était une fille tu faisais deux. En entendant cela les gens disaient : « Eur paotr bihan zo ganet… » Pour le baptême il fallait monter en haut et les volontaires ne manquaient pas, on n’avait pas de mal à trouver du monde. Le premier dimanche il fallait avoir soin de sonner les trois cloches, les dimanches ordinaires tu n’avais besoin que de deux. Alors on s’entraidait, ma femme, mon frère ou quelqu’un d’autre. »

On le voit bien, les cloches ont depuis toujours rythmé le quotidien des paroissiens. Les sonneries journalières de l’Angélus réglaient jusqu’à une époque pas si lointaine l’activité des gens de la campagne et les travaux des champs. Elles marquent aussi les principales étapes de leur existence : naissance, mariage, décès. Elles se sont également faites l’écho des événements tragiques ou exceptionnels auxquels la communauté a été confrontée selon les circonstances : le tocsin en cas d’incendie ou à l’occasion de la mobilisation lors de la déclaration de la guerre, le carillon pour la victoire ou l’armistice…

Dans son ouvrage « Plouarzel – Mémoires d’une période tragique » relatant la vie de tous les jours dans la commune durant la seconde guerre mondiale, Yves LARS nous révèle le silence imposé à l’une des trois cloches « Charlotte », durant une bonne partie de l’occupation. Le clocher constituant durant cette époque un point élevé propice à la surveillance de la région par les Allemands, ces derniers avaient aménagé une guitoune occupée par une sentinelle dans la chambre de cloches, condamnant ainsi la mise en œuvre de l’une d’elles.

Yves LARS qui a grandi et toujours vécu à l’ombre du clocher paroissial connaît bien le langage des cloches. Il nous en rappelle les spécificités et particularités en distinguant d’une part les sonneries publiques ou municipales et d’autre part celles ayant trait aux événements religieux.

« S’agissant des sonneries publiques, il y a quotidiennement celle de l’heure donnée par l’horloge communale ; le nombre de coups correspondant à chaque heure est répété, la demi-heure est donnée par un seul coup. Le carillon, qui met en oeuvre les trois cloches, sonne au moment de l’Angélus pour annoncer les fêtes nationales. Il est également actionné pour l’élection du président de la république et celle du maire. Plus exceptionnellement, il annonçait la fin de la guerre et la victoire. Autrefois, l’on sonnait aussi pour annoncer des événements tragiques ; c’était le tocsin, tintement rapide de deux cloches, qui annonçait une déclaration de guerre, un incendie, …Le ton pressant de cette sonnerie faisait frémir la population dans un mélange de surprise, d’émotion et de peur. Elle était répétée plusieurs fois selon la gravité des circonstances ; par exemple, l’incendie d’une maison, d’un local commercial ou artisanal ou de la moisson entassée en attente de battage. Il convient de se rappeler de manière générale qu’autrefois les cloches constituaient le seul moyen de lancer des appels à l’aide et au rassemblement.

Les sonneries religieuses n’en ont pas moins leur langage codé dont la signification a tendance à s’estomper de nos jours. Ainsi pour l’Angélus, sonné à trois reprises dans la journée (7h, 12h, 19h), il faut se souvenir que sa destination première était l’appel à la prière, s’adressant tout particulièrement à la Vierge. Le célèbre tableau de MILLET, qui représente si bien le recueillement du couple de paysans à l’heure de l’Angélus, est là pour nous le rappeler. La sonnerie de l’Angélus commence par le tintement des trois cloches : trois coups de la petite, puis de la moyenne, puis de la grosse, suivi de la volée de la petite cloche ; ceci pour les six jours ouvrables de la semaine. L’annonce du dimanche, jour du Seigneur, se fait par le carillon de l’Angélus du samedi à 19 h, précédé du tintement habituel des trois cloches. L’Angélus est sonné le dimanche par le carillon à 7h et à 12h ; à 19h, il est sonné comme les autres jours de la semaine. Les grandes étapes religieuses du paroissien (baptême, mariage, décès et enterrement) sont aussi ponctuées par les cloches. Pour le baptême, c’est le tintement puis le carillon suivi d’un tintement de deux coups pour une fille, de trois coups pour un garçon. Pour le mariage, le carillon sonne avant l’entrée dans l’église puis à la fin de la cérémonie, à la sortie. Pour le décès, le glas annonciateur se traduit par un tintement des trois cloches, l’une après l’autre, ce tintement est doublé lorsqu’il s’agit du pape, de l’évêque ou du prêtre ; comme pour le baptême, le nombre de coups différencie les hommes des femmes ; pour la cérémonie des obsèques, le glas sonne à nouveau pour l’entrée du corps dans l’église puis en fin de la cérémonie avant l’inhumation. Les dimanches et jours de fêtes religieuses, le carillon sonne un quart d’heure avant l’horaire prévu de la cérémonie puis le tintement successif des trois cloches marque l’ouverture de l’office : trois coups de la petite, quatre coups de la moyenne, cinq coups de la grosse. »

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